L’économiste Nour Meddahi considère l’endettement extérieur inopportun dans la conjoncture actuelle, mais cela n’a pas de rapport avec les dogmes sur la souveraineté nationale.
En évoquant un éventuel recours, ou non, à l’endettement extérieur, Nour Meddahi invite d’abord à éviter les dogmes. Ce professeur d’économétrie et de finances à la Toulouse Schools of Economics réfute totalement l’idée selon laquelle la préservation de la souveraineté nationale passerait par l’absence de dette extérieure. Sur ce terrain, comme pour la règle du 51/49, il utilise une formule lapidaire : « il faut arrêter », dit-il, rappelant que les Etats-Unis ont la dette la plus élevée au monde, dont la moitié est détenue par des étrangers, sans que cela n’altère leur capacité de décision.
L’économiste prend le contre-pied des recommandations du président de la République qui a considéré, lors du conseil des ministres de la mi-juin, qu’il faut éviter le recours à l’endettement extérieur pour « préserver la souveraineté économique du pays ». Commentant cette déclaration, l’agence APS a souligné que « le Chef de l’Etat a été catégorique: il faut éviter le recours à l’endettement extérieur », a-t-il fermement instruit le gouvernement, en relevant que cela relève de la souveraineté économique nationale qu’il faut absolument préserver ».
Nour Meddahi n’est pas pour autant un fanatique de l’endettement. Il s’agit plutôt d’opportunité et d’utilité de l’endettement. Prenant son monde à contrepied, il affirme ainsi que dans la conjoncture actuelle, il est hostile au recours à l’endettement extérieur, mais pour de toutes autres raisons que la souveraineté, le nif ou l’orgueil évoqué dans les cercles de décision.
Moment inopportun
Selon lui, s’endetter aujourd’hui en externe, alors que le pays dispose de près de 100 milliards de réserves de change est d’autant plus inopportun que les taux d’intérêt seront « très élevés à cause du déficit budgétaire ». Emprunter en externe 1.7 milliards de dollars représenterait aujourd’hui un pour cent du PIB, qui s’élève à 170 milliards de dollars. Mais si le dinar est dévalué, ce qui est inévitable, ce taux va mécaniquement augmenter. A l’inverse, un endettement en interne auprès de la Banque d’Algérie ferait baisser ce taux en cas de dépréciation du dinar, dit-il.
En tout état de cause, du moment que l’endettement parait inévitable, il préconise le recours à l’endettement interne, et n’hésite pas à parler de recours à « la planche à billets », selon des formules qu’il détaille. L’Etat pourrait ainsi émettre des obligations, qui seraient rachetées par la Banque d’Algérie. Selon Nour Meddahi, le financement monétaire par la Banque d’Algérie est une piste nécessaire. « La Banque centrale doit mettre de l’argent sur la table », dit-il. Il reconnait qu’elle « le fait, mais elle doit aller plus loin ».
Innover
Les banques devraient bénéficier de nouvelles mesures, selon Nour Meddahi, qui a été une des chevilles ouvrières de la réunion de la société d’économétrie qui s’est tenue fin juin à Alger. Il évalue positivement la décision de faire passer « le taux de réserve obligatoire de 12 à 8% », mais il estime qu’il faut aller plus loin. Il préconise un taux de six pour cent, ce qui permettrait de consacrer les deux pour cent supplémentaires au financement de l’économie.
De manière plus globale, Nour Meddahi plaide pour une cohérence de la politique du gouvernement, qui « envoie des messages contradictoires ». L’exécutif « ne veut pas d’endettement externe, pas de baisse des réserves de change sous les 100 milliards de dollars, pas de révision de la règle du 59/41. Mais dans le même temps, on veut de la croissance », note-t-il. « Il faut arrêter » avec la règle du 51/49 », et « mettre des priorités », dit-il.