Le secteur des gaz industriels en Algérie représente un marché juteux pour le secteur de l’industrie mais aussi de la santé. C’est une filière dominée en Algérie par Linde Gas Algérie (LGA), le numéro un des gaz industriels dans le pays qui produit du gaz de l’air (Oxygène, azote et argon), de l’acétylène, de l’anhydride carbonique, du protoxyde d’Azote, de l’air comprimé et mélanges gazeux.
Cette entreprise à capitaux mixtes algéro-allemande, est une reprise de l’entreprise nationale des gaz industriels (ENGI), créée en 2007 à l’issue de la politique de privatisation des entreprises publiques. Le partenaire allemand Linde Gas détient 66 % des actions, alors que le groupe public Algeria Chemical Specialities, possède pour ça part 34%.
L’entreprise dispose de neuf sites de productions et une cinquantaine de concessionnaires positionnés sur plusieurs villes du pays. Elle règne ainsi sur les marchés des gaz industriels notamment celui des gaz médicaux, dont la fourniture des établissements et centres de santé, est détenue dans sa totalité par la firme allemande.
Ce monopole a créé en 2010, une pénurie de gaz de protoxyde d’azote et d’oxygène dans les hôpitaux. Les pouvoirs publics à cette époque, avaient estimé que LGA n’avait pas respecté ses engagements contractuels, créant une tension sur l’approvisionnement des hôpitaux et les structures sanitaires en gaz industriel à usage médical. Le gouvernement a même menacé de renationaliser l’entreprise suite à cette affaire.
En cette même période, la pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), avait constitué des stocks de protoxyde d’azote pour deux ans, afin d’éviter les pénuries des gaz médicaux et a même projeté de réaliser une usine de production. Ceci a fait réagir la firme allemande qui a déclaré, par la voix de son Directeur finances, intégration et relations externes Afrique du nord, Moyen-Orient, que « dans ce scénario, Linde Gas risque d’arrêter sa production en Algérie et de licencier des travailleurs ». Une déclaration au gout d’une menace.
En 2013, LGA a utilisé encore son monopole, en réduisant l’approvisionnement des hôpitaux en gaz de protoxyde d’azote, nécessaire pour les interventions chirurgicales. La raison évoquée par le P-DG de l’entreprise, était les factures impayées auprès des hôpitaux. Il a même déclaré que « les hôpitaux sont en train de mettre la vie des malades en danger, par ce comportement ».
Ainsi, LGA est accusée par les acteurs du secteur des gaz industriels, de tirer profit de sa position de leader pour « créer des tensions ». L’entreprise s’accapare d’une grande partie de ce marché malgré la présence d’autres opérateurs dans ce secteur, notamment le français Air Liquide et l’Allemand Messer. Des firmes leaders dans le domaine mais qui disposent en Algérie de parts de marchés moins importantes.
Sonatrach accusé de favoritisme dans le marché des gaz industriels
La Sontrach a toujours affiché sa volonté à développer le secteur des gaz industriels, pour les besoins de ses unités et du secteur des hydrocarbures en général, qui est un des grands consommateurs de gaz industriels.
Pour cette raison, le groupe pétrolier national a créé en 1998 la Société de Conditionnement et Commercialisation des Gaz Industriels (COGIZ).
Cette filiale ambitionne de développer ses activités et a lancé en 2016 un avis d’appel d’offres restreint pour la réalisation d’une usine de production d’azote, d’argon et d’oxygène à Haoud Berkaoui, Wilaya de Ouargla et à Arzew, d’une capacité de 200 tonnes jour chacune.
L’avis d’appel d’offres a fait l’objet d’une prorogation de délai en 2017 mais n’a pas été attribué. Il fallait attendre l’organisation en octobre dernier à Alger du sommet ‘’Algeria Future Energy’’ où Sonatrach a annoncé la signature de deux contrats d’investissement d’une valeur totale de 100 millions de dollars avec l’Américain ‘’Air Products’’, leader mondial du gaz industriel.
Ce contrat signé de gré à gré le 29 octobre, pour la réalisation de deux unités de production d’azote, d’oxygène et d’argon à Haoud Berkaoui et Arzew, est censé assurer la mise à disposition de Cogiz de l’ensemble des gaz produits par les deux unités.
Un contrat qui annule de facto le processus de sélection par voie d’avis d’appel d’offres, lancé par le group Sonatrach en 2016 et 2017.
Le 2 novembre, le parti politique d’opposition RCD monte au créneau dans un communiqué et dénonce le contrat de gré à gré en vente directe, entre la compagnie nationale des hydrocarbures et Air Products (Etats Unis), au détriment d’une offre d’un groupe Allemand, leader mondial dans les gaz industriels, qui aspirait la construction des deux unités de production dans le cadre de l’avis d’appel d’offres restreint.
Le groupe allemand n’est autre que Messer, que le RCD estime beaucoup moins onéreuse (62 millions d’euros) et qui, de plus, propose un partenariat dans le respect de la règle 51-49.
Par ce fait, le RCD dénonce « les concessions faites aux puissances étrangères » tout en estimant qu’elles « s’amplifient à la veille de la reconduction de l’actuel chef de l’Etat pour un cinquième mandat en violation de la souveraineté populaire ».
Le privé national fait son entrée dans le domaine
Mais un nouvel opérateur est sur le point de faire son entrée dans la cour des producteurs de gaz industriels. Il s’agit de Calgaz, une filiale du groupe algérien privé K3A. Cette entreprise émergente inaugurera au courant du mois de novembre une usine de production d’azote et d’oxygène à Laghouat et une seconde unité à Ouargla, au mois de décembre prochain, pour une production de200 tonnes/jour de gaz chacune.
Le plan de développement à court terme de cette entreprise, prévoit également le lancement de trois autres usines à In Amenas, Adrar et Mascara, de 200 tonnes/jours de gaz industriel chacune.
En 2020, Calgaz prévoit de mettre sur le marché 1000 tonnes de gaz quotidiennement avec un acheminement des gaz sur les sites de ses clients.
L’émergence d’un groupe privé dans le domaine des gaz industriels peut surprendre, mais il est avant tout le résultat d’une volonté d’ouverture des pouvoirs publics.