Le ministère de la santé a ordonné le retrait du complément alimentaire «RHB » connu sous la dénomination de « rahmat rabbi »(miséricorde de Dieu) de toutes les pharmacies et de ne plus le vendre. Une décision tardive dans une affaire où l’implication personnelle du ministre Abdelmalek Boudiaf a entretenu la polémique et les délires.
Slim Belkessam a indiqué que le «ministère a instruit l’ensemble de ses services d’appliquer la mesure et en a informé son inventeur, Toufik Zaibet ». Une mesure de précaution qui complète la décision du ministère du commerce jusqu’à la publication des résultats des analysés engagés par ce département, a-t-il précisé dans une déclaration au journal El Khabar.
Le ministre de la santé, Abdelmalek Boudiaf – qu’il ne faut pas confondre avec les cadres du ministère – qui s’est personnellement impliqué dans l’affaire du RHB en apportant son soutien à «l’inventeur » prend tardivement acte des fortes résistances qui se sont exprimées dans le corps médical et dans les médias.
Présenté au début comme un médicament miracle au diabète avant de devenir un simple complémentaire, le RHB porté au pinacle par la chaine de TV Echorouk a reçu l’estocade finale le 7 décembre dernier. Un communiqué du ministère du commerce a annoncé le retrait du produit «aux fins d’analyses et de vérification de sa conformité » et recommandant aux « consommateurs de s’abstenir d’acheter ce complément alimentaire jusqu’à obtention des résultats définitifs de ces analyses ».
Le communiqué était en soi un désaveu de l’imprudente implication du ministre de la santé qui le jour même où le commerce prenait cette décision ferme persistait à parler d’un « complément alimentaire qui n’est pas soumis aux textes juridiques régissant les produits pharmaceutiques ».
C’est le plus grand des paradoxes dans cette affaire. En général, dans le monde entier, les ministères de la santé publique sont plus intransigeants que ceux du commerce – plus sensibles aux intérêts des entrepreneurs – en terme de mise en vente produits qui peuvent induire en erreur des malades ou leur suggérer qu’ils peuvent être une alternative aux traitements habituels.
L’annonce, tardive, par le ministère de la santé du retrait du RHB intervient alors que même les compétences professionnelles et son statut de «docteur » sont mis en doute. L’université suisse où il est censé avoir obtenu un doctorat ne le «connait pas ». Ali Aoun, ancien PDG de Saidal où Zaibet dit avoir été cadre, a apporté un démenti.
Un ministre et une TV et le délire commence
Comment une telle histoire a-t-elle pu avoir lieu en Algérie en 2016 ? La réponse parait évidente : l’appui personnel du ministre de la santé- qui a contourné les protocoles et la communauté scientifique y compris semble-t-il les cadres de son département – a été le facteur déterminant.
La chaine Echorouk tv qui a «découvert » l’inventeur et prétend avoir «amené le ministre à le rencontrer » (on apprendra par la suite que le ministre le connaissait depuis longtemps) a été l’instrument médiatique de cette affaire. Mais c’est bien l’appui du ministre – donc du niveau politique – qui a donné corps à cette étrange histoire.
Comment une telle histoire a pu exister en Algérie en 2016 ? Le ministère n’a pas vérifié les diplômes de Toufik Zaibet, ni même son parcours. Après le démenti de l’université de Genève où il a toujours affirmé avoir eu son doctorat en médecine, Toufik Zaibet vient d’avouer en direct sur la chaine « Ennahar TV » qu’il n’est pas médecin et qu’il n’a jamais eu de diplôme en médecine.
Jusque-là, il s’était laissé appeler «docteur » et n’a pas nié qu’il ait cette qualité. Ali Aoun, ancien PDG de Saidal a enfoncé le clou en indiquant qu’il n’a jamais été cadre au sein de l’entreprise, une autre qualité que « l’inventeur » mettait en avant
Toufik Zaibet a déclaré avoir testé le complément alimentaire commercialisé sous l’appellation « RHB », sur des patients devant M. Boudiaf, le ministre de la santé, alors que tout essai sur des humains doit être encadré, d’autant plus quand il s’agit d’enfants. Or, dans plusieurs reportages d’ « Echourouk TV », on montre des diabétiques, dont des enfants en bas âge, déclarant que la prise de « Rahmet Rebbi » leur a permis d’abandonner tous les autres traitements conventionnels.
« Avant d’être commercialisé, tout médicament ou complément alimentaire doit d’abord être testé sur des animaux pour voir ses effets à moyen et long termes » déplore Ali Aoun, ancien directeur général de Saidal, groupe pharmaceutique producteur de médicaments.
Le ministre de la santé, qui n’est pas expert en médecine, a tout de suite donné son soutien à Toufik Zaibet, sans même consulter ses conseillers, à savoir les endocrinologues du ministère. Il a même ignoré toutes les alertes des professionnels de la santé qui ont crié au scandale, les accusant d’être « jaloux » dans plusieurs de ses déclarations à la presse.
Cet appui indéfectible du ministère a été perçu comme une garantie. «Ta3arfou khir men el wazir? », « vous vous y connaissez mieux que le ministre?» répondent certains diabétiques en quête de miracles à leurs médecins et pharmaciens qui le leur déconseillent le « RHB ».
Le ministre de la santé, a laissé dénommer le produit « médicament » pendant de nombreuses émissions sans réagir. Depuis le début et jusqu’à la commercialisation du « RHB », son inventeur et certaines chaines de télévision privées l’ont toujours qualifié de médicament, « dawaa » en langue nationale.
Ce qui a induit en erreur les patients diabétiques. Les premières victimes n’ont d’ailleurs pas tardé à se déclarer. Plusieurs patients ayant pris « Rahmet Rebbi » ont été reçues à l’hôpital dans un coma diabétique.
« Le RHB permet au pancréas de reprendre la « sécrécation » (sic) de l’insuline ». C’est là une erreur d’orthographe, mais sans doute l’erreur de trop. Le premier devoir du ministère de la santé est de veiller à la protection des diabétiques, fragilisés par leur maladie, qui sont à la recherche de la moindre lueur d’espoir.
Des « Zaibet », il y en a partout dans le monde, mais quand ils reçoivent l’appui d’un ministre et des médias, bonjour les dégâts. L’affaire RHB restera dans les annales.