Salah Khebri, nouveau ministre de l’Energie, insiste sur les économies d’énergie et le renouvelable. Une manière de se démarquer de son prédécesseur Youcef Yousfi.
Le nouveau ministre de l’Energie, Salah Khebri, s’est démarqué de son prédécesseur Youcef Yousfi sur un premier thème, les énergies renouvelables, dès son intronisation à la tête du secteur. Voulant apparemment marquer sa différence, après la tempête qui a entouré la prospection sur le gaz de schiste, M. Khebri se fixe pour objectif d’atteindre 37% d’électricité produite à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030, soit dix points de plus que ce que prévoyait son prédécesseur Youcef Yousfi.
Sa démarche semble guidée par sa formation. M. Khebri n’est pas un pétrolier, mais un économiste du pétrole. Il ne s’intéresse pas en priorité aux gisements, à l’exploitation ou à la prospection. Pour lui, les hydrocarbures constituent une matière première dont il faut tirer un profit économique et qu’il faut insérer dans une économie globale. Ceci constitue une vision très avancée, à condition qu’il puisse maitriser le secteur, avec ses lourdeurs et ses contraintes.
Ses handicaps sont aussi bien identifiés. Il ne connait pas l’amont pétrolier, il traine l’image d’un homme qui a émergé sous Chakib Khelil, et il devra gérer les retombées de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, avec les accords sur l’exploration du gaz de schiste conclus avec des compagnies étrangères. Il devra aussi survivre dans un secteur étroitement surveillé.
Programme ambitieux dans le renouvelable
Dès le premier conseil des ministres auquel il assisté, M. Khebri a mis la barre relativement haut dans le renouvelable, marquant une différence notable avec M. Yousfi. Les énergies renouvelables représenteront 37% de la production nationale d’électricité, contre 27%, selon le programme rendu public en février dernier. Ceci représente une économie de près de 300 milliards de m3 de gaz sur une décennie, quantité qui pourrait être orientée vers l’exportation. Le discours en vigueur durant l’ère Khelil – Yousfi insistait sur l’explosion de la consommation interne, qui devait doubler tous les cinq ans, ce qui imposait la priorité à la prospection pour trouver des gisements nouveaux en vue de satisfaire ces nouveaux besoins tout en maintenant un niveau élevé d’exportation.
Tranchant avec l’ère du gaspillage et de l’énergie pas chère, M. Khebri privilégie le volet économique, en insistant aussi sur l’efficacité énergétique. A l’horizon 2030, le programme d’efficacité énergétique permettra « un gain financier de 42 milliards de dollars », avec notamment l’objectif de réduire de neuf pour cent la consommation d’énergie. Ceci représente 63 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP). M. Khebri rejoint en cela un courant en vogue qui estime que le plus grand gisement d’énergie est celui de l’énergie qu’on ne consomme pas. Le programme passe notamment par l’isolation thermique de 100.000 logements par an, la conversion au GPL de plus d’un million de véhicules particuliers et plus de 20.000 autobus.
Pas d’aspérités
Cette démarche permet à M. Khebri de donner une nouvelle empreinte à la politique pétrolière algérienne, alors qu’il n’était pas très connu sur la scène politique et économique algérienne, encore moins dans les milieux internationaux. Des spécialistes du secteur, consultés par Maghreb Emergent, ne lui connaissent pas d’attache particulière. Il n’avait pas de vie associative connue, ce qui maintient l’énigme autour du réseau qui en a fait ministre.
Malgré une longue carrière à Sonatrach, et surtout à l’Institut Algérien du pétrole (IAP) qu’il a dirigé pendant sept ans, après avoir enseigné l’Institut National des Hydrocarbures (INH), il n’a pas non plus brillé par des déclarations ou des prises de positions tranchées sur les questions énergétiques. « Pointilleux dans ses analyses, exigeant, très ferme, à la limite têtu, c’est quelqu’un qui ne change pas facilement d’avis ou de position », affirme un cadre du secteur qui l’a côtoyé. Propulsé à la tête de l’IAP du temps de Chakib Khelil, M. Khebri est logiquement mis au placard durant l’ère Yousfi. Il se retranche à Sonatrach, dans un poste secondaire, jusqu’à sa retraite en 2014, pour succéder à M. Yousfi quand celui-ci se trouve dans une impasse, à cause de la crise du gaz de schiste et de la baisse des revenus des hydrocarbures qui, rappelons-le, ont chuté de 41% durant les quatre premiers mois de 2015.