C’est une histoire qui laisse un goût amer aux producteurs algériens. Alors que l’Algérie se classe fièrement au quatrième rang mondial de la production de dattes, avec ses impressionnants 1,2 million de tonnes annuelles, le pays peine à transformer cette richesse en or. Le constat est édifiant : seuls 3% de cette production dorée franchit officiellement les frontières pour l’exportation.
Mais le plus troublant dans cette affaire n’est pas tant ce faible taux d’exportation que le circuit parallèle qui s’est développé au fil des années. Un circuit qui profite largement à notre voisin tunisien, dans ce qui ressemble à s’y méprendre à un tour de passe-passe commercial.
Imaginez : la Tunisie, avec une production trois fois moindre que celle de l’Algérie – seulement 360.000 tonnes – réussit l’exploit de générer 350 millions de dollars d’exportations. L’Algérie, elle, malgré sa production pharaonique, ne gratte que 40 petits millions de dollars. L’équation ne tient pas debout, direz-vous ? C’est là que le mystère s’éclaircit.
Une part significative des dattes algériennes traverse la frontière en vrac, direction la Tunisie, où elles subissent une métamorphose commerciale. Reconditionnées et réétiquetées, elles repartent vers les marchés internationaux, cette fois sous pavillon tunisien.
Plus surprenant encore : la France, sans le moindre palmier dattier sur son territoire, s’est taillé une place de choix dans ce commerce mondial, avec des exportations atteignant 42,133 millions de dollars, soit 2,5% du marché mondial. Elle réexporte environ 7.500 tonnes annuellement, en grande partie d’origine algérienne, confirmant son rôle de plaque tournante européenne.
Les obstacles logistiques n’arrangent rien à l’affaire. Quand un exportateur algérien met 45 jours pour acheminer sa marchandise vers sa destination finale, son homologue tunisien expédie 10.000 tonnes en quatre petits jours. Un monde d’écart qui illustre le fossé en matière d’efficacité logistique.
Des signaux d’espoir malgré les défis
Pourtant, les signaux positifs existent. Les exportations ont grimpé à 100 millions de dollars en 2024, et le gouvernement vise les 250 millions. Le nombre de pays importateurs s’élargit progressivement, avec l’ambition d’atteindre 150 marchés d’ici fin 2024, contre 72 en 2021. La France et l’Espagne restent les clients historiques les plus fidèles, absorbant respectivement 21.420 et 8.480 tonnes en 2021.
Pour concrétiser ces ambitions et relever les défis logistiques, le ministère de l’Agriculture mise avant tout sur la modernisation de la filière. Le programme national (2023-2027) se concentre prioritairement sur l’amélioration des capacités de transformation et des circuits d’exportation.
En parallèle, les agriculteurs bénéficient d’un soutien renforcé pour optimiser la production existante, à savoir systèmes d’irrigation modernes, lutte contre les maladies, amélioration de la qualité. Car la vraie bataille se jouera sur le terrain de la valorisation de l’existant, clé d’une véritable indépendance commerciale.