Lancé en 2006 par le défunt Mohamed Maghlaoui, puis annulé par le président Bouteflika, jugeant son coût élevé, le projet ferroviaire des lignes à grande vitesse (LGV), est déterré par Amar Ghoul, juste après son affectation au ministère des Transports. Les soupçons de corruption l’ayant retardé sont-ils dissipés ? Flash back…
Lors de sa visite, effectuée mercredi dernier dans la wilaya de Sidi Bel Abbès, le ministre des Transports Amar Ghoul a indiqué que des appels d’offres sont en cours d’élaboration pour la réalisation de deux lignes ferroviaires à grande vitesse, l’une reliant l’est du pays à l’ouest et une autre, le nord au sud. Il a souligné que l’objectif de ces réalisations est d’assurer un transport des voyageurs rapide et dans de bonnes conditions, où un voyage Alger-Oran, à titre d’exemple, s’effectuera en une (1) heure de temps.
Il convient néanmoins de rappeler que le projet de la ligne à grande vitesse est-ouest remonte au deuxième mandat de Bouteflika. Un cahier des charges avait été élaboré, des appels d’offres lancés, et le marché attribué à des groupements d’entreprises, essentiellement italiens. Mais, la procédure avait été annulée par le président Bouteflika, à son retour d’une visite effectuée en Chine au mois de novembre 2006 pour assister au forum de coopération Afrique-Chine.
Le président avait prétexté son coût « trop élevé ». Mais une source a révélé à Maghreb Emergent, que les raisons de cette annulation sont à chercher ailleurs. Plutôt, ajoute-t-on, dans les soupçons de malversations qui planaient sur l’attribution d’une partie de ce marché aux Italiens. Des informations qui se croisent avec les révélations de l’un des prévenus dans l’affaire de l’autoroute Est-ouest, à savoir, Sid Ahmed Addou.
Puissant lobbying au profit de l’italien Astaldi
Entendu dans le cadre de l’enquête judiciaire sur le marché de l’autoroute Est-ouest attribué aux Chinois de CITIC-CRCC et aux Japonais de COJAAL, Sid Ahmed Addou, qui s’est révélé un influent lobbyiste, avait longuement parlé aux enquêteurs du DRS et au magistrat instructeur sur des systèmes de corruption mis en place à la faveur de plusieurs autres projets, dans différents secteurs. Notamment celui des Transports. Selon l’ordonnance de renvoi de l’affaire de l’autoroute Est-ouest, cet homme d’affaires proche de Amar Ghoul a, en effet, avoué avoir touché une commission de 0,5 % de la valeur d’un marché, estimé à deux (2) milliards d’euros, en contrepartie de renseignements fournis au PDG d’Astaldi Algérie, Vittorio Angeloni, sur le projet des lignes à grande vitesse.
Des renseignements obtenus grâce au gendre de l’ancien ambassadeur d’Algérie à Bamako, Abdelkrim Ghrib, Salim Hamdane en l’occurrence, qui occupait un poste de responsabilité au ministère des Transports et qui fut lui aussi inculpé dans l’affaire de l’autoroute est-ouest. Les renseignements fournis par Salim Hamdane via Sid Ahmed Addou ont permis à Astaldi de soumissionner pour la conception, la réalisation et la maintenance de deux LGV en réponse à l’appel d’offres lancé en janvier 2006 pour deux des trois LGV (1, 2 et 3). Et ce, dans le cadre d’un groupement d’entreprises l’associant aux Espagnols d’Actiona et aux Français d’Alstom.
D’ailleurs, ce groupement était le seul à avoir présenté une offre technique pour la LGV 1 (Bordj Bou Arreridj/Khemis-Miliana sur 320 km). Pour la LGV 2, devant relier Boumedfaâ (Ain Defla) à Djelfa sur 260 Km, Astaldi était en concurrence avec un autre Italien associant Impresa Pizzarotti, CMC, CLF et Todini et un Espagnol associant OHL, Inabensa et Elecnor.
La LGV 3 devant relier Touggourt à Hassi Messaoud, n’avait reçu, elle aussi à l’instar de la LGV N°1 qu’une seule offre, celle de Bechtel. La procédure avait été annulée après étude des offres financières. Tout comme celle qui allait être lancée pour les LGV 4, 5, et 6. La LGV 4 va d’Oued Tlelat (Oran) aux frontières avec le Maroc sur 220 Km, la LGV 5 reliera Relizane à Tissemssilt via Tiaret (180 Km) et la LGV 6, d’une centaine de Km reliera Oued Sly (Chlef) à Yellal (Relizane).
Des TGV Est-Ouest et Nord-Sud
Selon des informations recoupées, l’Agence nationale d’études et de suivi de la réalisation des investissements ferroviaires (ANESRIF) prévoit des LGV pour relier l’est à l’ouest du pays, des frontières avec le Maroc à celle de la Tunisie, comme pour l’autoroute est-ouest, sur une distance cumulée d’environ 1 200 Km. Ainsi, elles desserviront les villes de Tlemcen, Mostaganem, Oran, Relizane, Sidi Bel Abbès, Chlef, Khemis Miliana, Alger, Bouira, Bordj Bou Arreridj, Sétif, Constantine, Guelma et Annaba. Il s’agit aussi de construire des LGV pour desservir des villes du sud à partir de Boumedfaâ en passant par Berrouaghia : Boughzoul, Djelfa, Laghouat, Ghardaïa, Ouargla et Timimoune. Les TGV circuleront sur ces LGV pour une vitesse maximale de 350 Km/h.
A nos demandes à interviewer le DG de l’ANESRIF pour savoir plus sur les péripéties de ce projet, ce dernier a exigé un écrit de la part du cabinet du ministre Amar Ghoul. Notre demande envoyée au cabinet par fax est restée sans suite, en dépit de nos relances téléphoniques.