Le rapport annuel 2016 de la Banque africaine de développement dresse pour chacun des pays de la région de l’Afrique du Nord (Algérie, Égypte, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie) un état des lieux macroéconomique ainsi que les perspectives dans les secteurs où la BAD intervient.
Ce rapport pour qui vient d’être rendu public précise que ces pays doivent faire face à des défis de court et moyen termes avant l’atteinte des objectifs en matière d’énergie, d’alimentation, d’industrialisation et d’amélioration de la qualité de vie. Ces nouvelles priorités répondent aux défis mis en exergue lors des revendications sociales qui ont affecté plusieurs pays de la région depuis 2011.
Les données recueilles par la Banque font ressortir que « les gouvernements ont déployé nombre d’efforts en 2015 pour rationaliser les institutions bancaires publiques en Tunisie, renforcer le contrôle des banques et encourager le développement des services bancaires électroniques en Mauritanie et établir un registre central des crédits pour les entreprises et les ménages en Algérie ».
Il s’agit aussi d’établir un système de suivi en ligne de l’utilisation des biens meubles mis en garantie en Égypte (ce qui devrait ouvrir l’accès au crédit pour les petites entreprises), et renforcer le cadre juridique pour le contrôle des banques au Maroc.
La Banque estime cependant que la transition vers un système bancaire privé plus dynamique se fait très lentement, et le recours aux marchés de capitaux comme autant de sources de financement est extrêmement limité, à l’exception notoire du système financier du Maroc, qui lui est diversifié et axé sur le secteur privé.
Quant au secteur financier libyen, il a largement pâti de l’explosion de la violence, et nécessitera une refonte complète une fois que la stabilité politique aura été rétablie.
La même source se prononce aussi sur la gestion du secteur public dans le contexte politique actuel pour souligner que celle-ci a souffert « une certaine détérioration ces dernières années des suites des perturbations politiques qui ont entouré le Printemps arabe ». Suite à ces évènements, le rapport indique que des programmes sont mis en œuvre pour renforcer la gestion du secteur public.
Ils portent sur l’amélioration du cadre juridique pour la fourniture des services publics et l’utilisation d’Internet pour améliorer l’efficacité des services au Maroc, renforcer le recrutement fondé sur le mérite en Égypte et en Tunisie, rationaliser les systèmes de rémunération et renforcer la transparence en Mauritanie, et améliorer la productivité des entreprises d’État en Algérie.
Malgré ces efforts, «la plupart des pays d’Afrique du Nord se comparent très négativement sur la scène internationale, du point de vue de l’efficacité de leurs institutions publiques ».
La situation politique n’a pas échappé aux rédacteurs du rapport qui estiment que « la consolidation de la démocratie s’est poursuivie dans la région ». Un descriptif est fourni sur ce paysage politique maghrébin pour rappeler que le premier Parlement sous le nouveau régime égyptien a été convoqué en janvier 2016 et que la Tunisie a accompli des progrès remarquables vers la démocratie depuis 2011, avec une nouvelle Assemblée des représentants du peuple élue fin 2014.
Quant au gouvernement mauritanien, il s’efforce d’établir le dialogue avec l’opposition et encourage les jeunes à une participation politique plus active et ce au moment où « la stabilité politique a été maintenue en Algérie, bien que le gouvernement ait procédé à un profond remaniement du Cabinet et à des remplacements à la tête des sociétés d’État ».
Les effets de la chute du prix du pétrole
Le rapport annuel 2016 de la Banque africaine de développement dresse aussi un aperçu sur les retombées de la chute des prix du pétrole. Sans surprise que la Banque africaine de développement prévoit dans son dernier rapport que la croissance du PIB de l’Algérie devrait chuter suite à la baisse du prix des ressources naturelles. Néanmoins, cette situation n’a eu que de modestes impacts dans la plupart des autres pays d’Afrique du Nord en 2015.
Le rapport parle alors d’exceptions notoires que sont l’Algérie «où les efforts déployés pour soutenir les dépenses ont creusé le déficit budgétaire de près de 8 points de pourcentage du PIB, et la Libye, où la baisse des exportations de pétrole et la persistance du chaos ont porté le déficit à 60 % du PIB ».
Il n’est pas alors surprenant que les mêmes effets ne soient pas détectés sur les recettes budgétaires d’autres pays comme la Mauritanie. Les effets de cette chute des prix des matières premières « ont été quelque peu compensées par les efforts déployés par le pays pour réduire les dépenses et mobiliser les recettes, améliorant ainsi de 0,8 point de pourcentage du PIB le déficit budgétaire, tout en réduisant néanmoins de moitié le taux de croissance du pays en 2015 par rapport à 2014».
En plus de ces constats, il est estimé que les perspectives de croissance dans la région sont contrastées. Le rapport a notamment évoqué le cas du Maroc où la croissance du PIB devrait chuter de près de 3 points de pourcentage en 2016, en raison notamment de la baisse anticipée de la production agricole.
La croissance du PIB de la Tunisie devrait, quant à elle, repartir nettement à la hausse alors qu’en Égypte et en Mauritanie, l’intensification des investissements dans les ressources naturelles ne devrait accompagner que modérément la croissance. Les gouvernements de Mauritanie et de Tunisie sont également parvenus à mobiliser des recettes fiscales et à contrôler les dépenses en réaction à la chute des revenus dans leurs secteurs pétroliers et miniers.
Pour le cas du Maroc, il est signalé que le pays maintenait un faible déficit budgétaire sur fond de prix à la baisse dans ses importations de ressources naturelles. Dans tous les cas, il est estimé que les réformes politiques dans les pays d’Afrique du Nord posent les jalons de situations budgétaires plus soutenables et de dépenses publiques plus efficaces.