Dans la foulée du remaniement du 11 juin, des patrons de grandes entreprises et des responsables de la haute administration sont remplacés. Ceci provoque une déstabilisation des secteurs concernés.
Plusieurs patrons de grandes entreprises et hauts responsables ont été remplacés cette semaine, dans un mouvement qui semble accompagner le remaniement gouvernemental du 11 juin. Les changements décidés à la tête de l’entreprise publique Saïdal (médicaments), de l’Algérienne des Eaux (ADE), de l’administration des domaines et de l’Autorité de régulation de la Poste et Télécommunications (ARPT) devraient être accompagnés d’autres nominations dans les jours qui viennent, selon une tradition qui veut que les nouveaux ministres installent leurs propres équipes ou clientèles, quitte à déstabiliser les entreprises.
Mardi, un nouveau directeur des domaines, M. Djamel Khaznadji, a été installé par le nouveau ministre des ministre des Finances, M. Hadji Baba Ammi, et qui était accompagné du ministre délégué auprès du ministère des Finances, chargé de l’Economie numérique et de la modernisation des systèmes financiers, M. Mouatassem Boudiaf. M. Khaznadji remplace M. Mohamed Himour, en poste depuis une dizaine d’années. La direction des domines gère le patrimoine privé de l’Etat et a, à ce titre, la haute main sur les immenses transferts de propriété de biens publics vers le privé.
Dans la même journée, la ministre des Nouvelles technologies, Imène Houda Feraoun, a installé à la tête de l’ARPT M. Mohamed Ahmed Nacer, qui remplace M. Mohamed Toufik Bessai. Officiellement, le changement était prévu de longue date, un site proche de l’ARPT ayant même rapporté que M. Bessaï avait exprimé le souhait de revenir à l’université pour « se consacrer à l’enseignement du droit de régulation ». Le remplaçant de M. Bessaï est lui aussi professeur à l’université, et il siégeait déjà au conseil de l’ARPT.
Zidane Merah, un homme de caractère
Moins versés à la complaisance, d’autres sources citaient deux facteurs qui auraient précipité cette décision. D’une part, M. Bessaï offrait un parfait bouc émissaire après la controverse suscitée par la coupure de l’internet décidée à l’occasion du passage de l’examen du bac, que le ministère de l’éducation avait été contraint de refaire après le scandale de la fraude. D’autre part, la ministre des TIC aurait saisi cette occasion pour se séparer de cadres considérés comme proche de l’ancienne ministre des TIC, Mme Zohra Derdouri.
Par ailleurs, M. Zidane Merah, directeur général de l’Algérienne des Eaux, a décidé de prendre es devants et de démissionner, après la nomination d’un nouveau ministre des ressources en eau, M. Abdelkader Ouali. Homme de caractère, partisan d’une révision des tarifs, M. Zidane était connu pour son franc-parler, qui heurtait la réserve traditionnelle des ministres algériens, qui se contentent d’appliquer les instructions. Il a fait savoir, à plusieurs reprises, que la politique des prix appliquée jusque-là, avec un tarif de base de l’eau à six dinars e mètre cube, était suicidaire dans un pays sujet à un inquiétant stress hydrique. Le successeur de M. Zidane n’était toujours pas officiellement connu, mardi soir.
Saïdal toujours dans la tempête
A Saïdal, la compagnie pharmaceutique qui ambitionne de couvrir 20% du marché algérien dès 2016, le PDG Mohamed Hammouche PDG a été limogé et remplacé, toujours dans la journée de mardi 21 juin. L’assemblée générale du groupe a choisi de dissocier les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général. M. Hocine Kerkoub a été nommé à la tête du conseil d’administration, alors que M. Yacine Tounsi, ancien directeur des projets, a été nommé au poste de directeur général.
M. Hammouche a tenu à peine un semestre à la tête de l’entreprise. Il avait été nommé en novembre 2015, en remplacement de M. Boumediène Derkaoui, qui avait réussi à donner un élan remarquable à l’entreprise, en dynamisant la gestion et en lançant une série de partenariats avec de grands groupes internationaux. M. Derkaoui avit donné un forte visibilité au groupe, avant d’être limogé à la suite d’un conflit avec le ministre de l’industrie, M. Abdessalam Bouchouareb, l’homme fort du gouvernement Sellal.
D’autres changements concernant des entreprises d’envergure devraient également être annoncés dans les prochains jours. Les plus attendus concerneraient Sonatrach et Sonelgaz, les deux plus grandes entreprises du pays.
Le secteur des hydrocarbures de nouveau déstabilisé
Le nouveau ministre de l’Energie, Noureddine Bouterfa, devrai ainsi nommer rapidement celui qui lui succèdera à la tête de la compagnie Sonelgaz. Ce poste, très convoité, fait traditionnellement l’objet de marchandages au cœur du pouvoir, en raison du poids de la compagnie. Le choix est d’autant plus complexe que l’entreprise doit faire des choix décisifs : sur les tarifs, sur les financements des investissements en pleine crise budgétaire, sur les économies d’énergie, dans un pays où la consommation augmente de plus de dix pour cent par an, et sur les énergies renouvelables.
La désignation du patron de Sonatrach est encore plus sensible, au moment où le pays fait face à une baisse sans précédent des recettes budgétaires, qui ont abouti à un déficit commercial de près de dix milliards de dollars sur les seuls cinq premiers mois de 2016. Le ministre sortant, Salah Khebri, a assisté, impuissant, à la chute des prix du pétrole, sans pouvoir relancer sérieusement la production. Il n’avait même pas réussi à imposer son leadership sur le secteur, où le patron de Sonatrach et, surtout, celui de Sonelgaz, qui lui a succédé, le défiaient ouvertement.
M. Bouterfa doit d’ailleurs faire face dans l’immédiat à un premier défi : pacifier la relation avec Sonatrach, soit en établissant des relations plus solides avec M. Amine Mazouzi, l’actuel patron de Sonatrach, soit rétablir une hiérarchie en désignant éventuellement un nouveau patron de la compagnie des hydrocarbures.