Le CPP a été surpris. Le gouvernement commence à parler de la chute des prix du pétrole et de ses conséquences. Il ne parle pas encore de rigueur, mais le tabou est tombé. Avec beaucoup de retard.
C’est le scoop du CPP, El Kadi Ihsane, directeur de Maghreb Emergent, a révélé jeudi que le gouvernement algérien va acheter à l’étranger une expertise disponible gratuitement en Algérie sur l’attitude à adopter face à la chute des prix du pétrole. Au cours du Café Presse Politique de Radio M, El Kadi Ihsane a indiqué que « le gouvernement a lancé une consultation retreinte auprès de cabinets internationaux pour produire rapidement une étude en vue de voir comment le gouvernement peut faire face à la situation ». En agissant ainsi, le gouvernement « externalise la compétence qui permet de répondre ». Mais « dans le microcosme des cabinets qui peuvent analyser ce type de situation et apporter des réponses, un réseau relativement fermé, c’est tombé dans un circuit dans lequel travaillent des gens de Nabni », a-t-il indiqué. Résultat : « le gouvernement va donc acheter très cher une expertise disponible gracieusement. Il suffit de cliquer sur le site de Nabni pour avoir une partie des réponses », a-t-il dit.
La réunion ministérielle restreinte présidée par le chef de l’Etat, M. Abdelaziz Bouteflika, pour étudier les effets de la crise a occupé une bonne partie du CPP. Mais les participants ne s’attendent pas à grand-chose. La réunion a débouché sur « des énoncés de pratiques générales », estime Saïd Djaafar, qui attend de voir « comment ça va se traduire en termes politiques ».
Ministres et secrétaires
« Les ministres ne sont pas des politiques, ce sont des espèces de secrétaires chargés d’exécuter des tâches ». En tous les cas, « ils ne décident pas ». En Algérie, « l’économie, c’est l’affectation des ressources, et non pas la production », rappelle-t-il, alors que « revoir le budget, c’est faire des arbitrages ».
Khaled Drareni estime que la réunion en question était destinée d’abord à l’opinion publique. Il relève que le mot « rigueur » n’a pas été utilisé par le gouvernement, et que l’Algérie n’est pas en mesure d’influer sur les cours du pétrole. « Elle n’est même plus en mesure de provoquer une réunion de l’OPEP ».
Abed Charef estime de son côté que le communiqué publié à l’issue de la réunion montre « des postures, pas des positions politiques ». Pour lui, « il s’agit de mots qui ne prêtent pas à conséquence ». Dire aujourd’hui qu’il faut prendre des mesures, c’est comme un Algérien qui, en 1960, pense qu’il faut peut-être rejoindre l’ALN.
El Kadi Ihsane note toutefois une évolution. Selon lui, le président Bouteflika espérait partir sans jamais toucher aux prix. Cette réunion montre qu’il « se demande peut-être si c’est possible ».
Le verrou politique
Souhila Benali insiste : comment peut traduire ce communiqué ? Quelles décisions peut prendre le gouvernement ? Une révision de la fiscalité ? Des coupes dans les budgets ? Dans les subventions ? « Vous demandez trop au gouvernement », répond Abed Charef. « Celui-ci est sorti de son rôle. Il n’a pas de projet, il ne gère pas les affaires du pays, il gère les conséquences de l’état de santé du président Bouteflika ».
A ce rythme, Khaled Drareni se demande combien de temps le pays va tenir. Deux ans, trois ans ? Est-ce qu’on va aller vers un changement de régime à cause de la chute du prix du pétrole ?
Abed Charef estime que le problème est inversé. « Il est possible de prendre des mesures de rationalité économique, pour aller à des subventions efficaces et raisonnables, si on règle le préalable politique. Un gouvernement légitime peut prendre des décisions, un gouvernement qui a un projet politique peut les prendre, mais il faut auparavant lever le verrou politique. Le reste apparaîtra alors comme un simple volet technique, même si c’est très complexe ».
Extraits vidéo : http://bit.ly/1H2tEJx