Une étude sur les défis de la démographie au Maghreb relève un décalage entre le capital humain et les besoins du marché de l’emploi, malgré les importants investissements consentis dans l’enseignement supérieur.
« En Algérie, on observe un décalage entre le capital humain et les besoins du marché de l’emploi, en dépit d’importants investissements dans l’enseignement supérieur », a indiqué une étude menée par la Direction générale du Trésor français, dont l’APS a obtenu une copie, expliquant que la surreprésentation des étudiants inscrits en sciences sociales et humaines (près de 65 %) « ne répond pas aux besoins actuels de l’économie ».
Le Trésor public français, qui se base sur des chiffres de l’Office national des statistiques (ONS-Algérie), fait observer que pour pallier à cette situation, « une inflexion est aujourd’hui apportée par les autorités pour mettre en place des formations diplômantes plus adaptées aux nécessités du marché du travail ».
Il note cependant que, dans tous les pays du Maghreb, le chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur dépasse « largement » celui des personnes ayant un niveau d’instruction inférieur, indiquant qu’en Algérie le taux était en 2016 à 16,7 %, « plus élevé qu’à niveau d’instruction inférieur (9,5 % pour le secondaire, 10,6 % pour le cycle moyen) ».
De façon plus globale, l’étude précise que le taux de chômage en Algérie, évalué à 11,7 % pour 2017, « devrait atteindre 13,2 % en 2018, du fait d’un ralentissement de l’activité économique (0,8 % de croissance prévu en 2018), alors que le taux de chômage des jeunes s’établit à 26 % (18 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur) », relevant que le taux de chômage des femmes reste « plus élevé » (20 %) que celui les hommes (8,1 %).
Analysant le marché du travail au Maghreb qui se caractérise par « une segmentation entre un secteur formel d’une part et un secteur informel non réglementé », l’étude rappelle à cet effet l’impact, en Algérie, de la restructuration du secteur public marchand intervenue dans le cadre du plan d’ajustement structurel mis en place avec la Banque Mondiale et le FMI en 1994.
« L’excédent d’offre durable sur le marché du travail qui a suivi, ne s’est résorbé qu’au milieu de la décennie 2000, à la faveur de créations massives d’emplois non affiliés au régime de sécurité sociale », a-t-elle indiqué, soulignant que ces évolutions ont jeté les bases de la structure du marché du travail algérien.
Ce marché du travail, a-t-elle expliqué, est segmenté en un marché primaire structuré, formel (emplois permanents, couverts par la sécurité sociale, soit 62 % des actifs occupés) et un marché secondaire non structuré, informel (emplois non permanents, sans contrats, non affiliés à la sécurité sociale et à faible valeur ajoutée) qui emploie 38 % des actifs occupés.
Ratio de dépendance
Par ailleurs, elle estime que comparativement avec les autres pays du Maghreb, l’Algérie bénéficie d’un ratio de dépendance « avantageux », en raison de la population âgée de plus de 65 ans qui ne représente que 6 % de la population totale, trois fois moins qu’en Europe occidentale.
« Cette situation lui est théoriquement favorable pour assurer le financement de sa protection sociale. Néanmoins, du fait de l’importance de l’emploi non affilié, les administrations de sécurité sociale algériennes accusent aujourd’hui un manque à gagner significatif », explique le Trésor public français, précisant que la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés (CASNOS), qui devrait théoriquement couvrir près d’un tiers des actifs occupés, « ne perçoit qu’à peine 5 % des cotisations potentiellement recouvrables ».
Avec un taux de remplacement des pensions à taux plein pour les retraités qui demeure « élevé » (à 80 % du salaire de référence des 5 meilleures années pour 32 ans de cotisation), le système tend ainsi à devenir « de moins en moins contributif », a estimé l’étude.
Pour elle, ceci « remet en cause sa soutenabilité, puisqu’une part croissante de la protection est financée par le budget de l’Etat et par tirage sur un Fonds de réserve des retraites créé en 2006 et abondé à hauteur de 3 % de la fiscalité pétrolière, tandis qu’une proportion croissante de la population, qui n’a pas suffisamment cotisé, bénéficie des dispositifs d’assistance tel que le minimum vieillesse ».
Sur le plan de la démographie, l’analyse fait ressortir que la population algérienne, multipliée par 4 depuis 1966 pour atteindre 40,4 M d’habitants au 1er janvier 2016, a connu ces dernières années une baisse de l’accroissement naturel.
Cette baisse résulte, selon elle, de l’effet conjugué de la baisse du taux de mortalité liée « aux progrès sanitaires », d’un « meilleur accès » aux soins et d’une « forte diminution » du taux de fécondité (en moyenne de 3,1 enfants par femme en 2015 contre 8 en 1970), ajoutant que la baisse du taux de fécondité est « imputable à des mesures d’espacement des naissances mises en place à partir de 1974 ».