La Constitution prévoit un déroulement de procès et un jugement sur la base de motivations (arguments, faits et preuves), pour qu’ils soient vérifiés par la Cour Suprême, et non pas un jugement sur la base de questions-réponses, affirme l’avocat de l’EDIMCO de Chlef.
Plus de 50 avocats se sont présentés ce 06 juin, devant le tribunal criminel près de la Cour de Blida pour demander leur constitution comme partie civile dans le procès de l’affaire Khalifa Bank. Cette première banque privée algérienne a opéré un véritable « ratissage » des avoirs des entreprises et offices publics entre 1999 et 2003. D’après les avocats de ces établissements publics, qui demandent la restitution des montants et des dédommagements, la CASNOS a déposé 14,518 milliards DA, en plus des 6,71 milliards DA déposés dans le compte courant de la caisse auprès des différentes agences de Khalifa Bank. 10,42 milliards DA (MDA) est montant perdu par la CNAS entre 2001 et début 2003. La CNAC a perdu 2,46 MDA, alors que l’entreprise (américaine) Halliburton avait déposé chez Khalifa un montant de 150 millions DA. Les 10 MDA par l’ENTMV ont disparus après leurs dépôts. L’entreprise nationale de Géophysique a vu son dépôt à terme en devise effectué en 2003, et estimé à 10 millions de dollars, volatilisé, avant même la liquidation de la banque, dit son avocat Hakoumi Mounir. Aussi plusieurs avocats d’entreprises nationales portuaires, de cimenterie, de transports, de tourisme, d’agroalimentaires, de matériaux de construction, d’industries lourdes, et des offices OPGI, sont venus déplorer les sommes faramineuses disparues des agences Khalifa Bank, bien avant la révélation du scandale. Dans une déclaration à Maghreb Emergent, Me Souab Abdelhakim, avocat de la Caisse Nationale des assurances sociale des salariés (CNAS), affirme que son mandant est déterminé à utiliser tous les moyens nécessaires pour recouvrir ses avoirs disparus « quelque soit le temps que cela prendra, et l’endroit où se trouve cet argent, sans faire trop d’illusion quant à l’issu du jugement », tient-il à préciser. Il souligne par ailleurs que les dépôts de la CNAS, étaient des dépôts « sages », car versés à très court terme. Sages, n’ont pas par méfiance de la légitimité ou l’intégrité de la banque, car « accréditée par l’état et sous contrôle de ce dernier », mais plutôt par prudence des risques économiques qu’engendrent les fluctuations incontrôlables de la valeur du dinar, affirme-t-il.
Pas de mécanisme pour rendre un verdict
Me Mahfoudi Mohamed Annaser, avocat qui s’est constitué partie civile pour le compte de l’Entreprise Nationale de Distribution des Matériaux de Construction (EDIMCO) de Chlef, a refusé de présenter les pertes de son mandant, considérant d’emblée que « le jugement est nul en vertu de l’article 144 de la constitution qui prévoit un déroulement de procès et un jugement sur la base de motivations ». Me Mahfoudi nous a également expliqué que l’article 309 du code pénal stipule la poursuite de quiconque soupçonné de faits relevant du pénal, mais que le tribunal criminel, composé de 3 juges et des assesseurs, condamne les prévenus sur les motivations du jugement et non pas sur les questions-réponses. « Quand un magistrat juge des criminels, il statue sur la base d’empruntes trouvées, de preuves irréfutables corroborées par des expertises, et non pas sur la base de questions-réponses obtenues. Comment voulez-vous qu’un procès d’une telle envergure soit tranché sur cette base ? », s’interroge-t-il. Pour lui, « le procès est nul et son verdict sera nul au regard de l’article 144 de la Constitution, qui prévoit l’existence de motivations : présentation des faits, arguments, et preuves palpables ».
L’avocat s’interroge également sur le « contrôle et la vérification » du jugement de cette affaire par la part de la Cour suprême, « en l’absence de preuves matérielles, de documents complets et d’arguments probants ». En Outre, Me Mahfoudi avocat agrée auprès de la Cour suprême, considère nulle également la jonction des deux affaires dites « Khalifa Bank » et « Abdelmoumène Khalifa ». Il explique que la « première est en cassation », tandis que « le pourvoi en cassation de la deuxième a été refusé par la Cour suprême, bien que le jugement ait été prononcé par contumace ». « Du point de vu juridique, je ne voie aucun mécanisme permettant de rendre un verdict sur des bases séparées. Il y aura certainement des problèmes de juridiction le jour de la délibération, attendons de voir », conclu-t-il.