Dans l’arène médiatique française, certaines affirmations politiques semblent bénéficier d’une immunité face à la vérification des faits. C’est le cas de la déclaration fracassante de Sarah Knafo, figure montante du parti Reconquête, qui persiste à véhiculer une information erronée sur l’aide au développement accordée par la France à l’Algérie.
« On donne 800 millions d’euros à l’Algérie (…) et à côté, on fait des appels aux dons pour financer des scanners à l’hôpital Georges-Pompidou », a-t-elle lancé sans sourciller, le 20 septembre, lors de l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC. Cette affirmation n’a suscité aucune remise en question de la part des journalistes présents, illustrant la facilité avec laquelle des informations non vérifiées peuvent s’ancrer dans le débat public.
Ce qui est particulièrement frappant, c’est la récurrence de cette affirmation erronée. En effet, ce n’était pas la première fois que Knafo brandissait ce chiffre trompeur. Le 20 mai dernier, elle avait déjà publié sur son compte X (anciennement Twitter) un message similaire. La répétition de cette information sur différentes plateformes et à plusieurs mois d’intervalle suggère une stratégie délibérée plutôt qu’une simple erreur ponctuelle.
Les vrais chiffres
Pourtant, les chiffres officiels racontent une tout autre histoire. Selon le ministère de l’Économie, l’aide française à l’Algérie s’élevait à 112 millions d’euros en 2021 et à 132 millions d’euros en 2022. Le rapport 2024 de l’OCDE confirme ces ordres de grandeur, bien loin des 800 millions avancés par Knafo.
Cette distorsion – une multiplication par six du montant réel – soulève des questions importantes sur la responsabilité des acteurs politiques dans la diffusion d’informations erronées. En juxtaposant l’aide supposée à l’Algérie avec les difficultés de financement de l’hôpital Georges-Pompidou, Knafo tisse un narratif simpliste qui ne reflète ni la réalité des chiffres, ni la complexité des enjeux de santé publique et de coopération internationale.
Pour comprendre l’origine de cette intox, il faut remonter à un article du magazine Challenges, publié le 15 avril. Une lecture attentive révèle que le chiffre de 842 millions d’euros mentionné correspond au cumul de l’aide française à l’Algérie sur une période de cinq ans, de 2017 à 2022, et non à un montant annuel. Cette interprétation erronée des données souligne l’importance d’une lecture critique des sources, même lorsqu’elles proviennent de médias réputés.
L’instrumentalisation de l’Algérie dans le discours politique français n’est pas nouvelle, mais l’utilisation de chiffres fantaisistes pour appuyer des arguments politiques représente une escalade dangereuse, perpétuant des clivages stériles au détriment d’un débat constructif sur les véritables enjeux des relations franco-algériennes et de l’aide au développement.