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Idées

Les bonnes raisons pour modifier la loi pétrolière: quelques données pour les non initiés (contribution)

Par Yacine Temlali
octobre 12, 2017
Les bonnes raisons pour modifier la loi pétrolière: quelques données pour les non initiés (contribution)

Le démarrage de la période 2005-2012 a desservi l’attractivité de l’Algérie du fait non seulement d’une nouvelle loi très contestée à l’intérieur mais aussi de sa modification très rapide au bout d’une année (2006), d’où la crainte d’instabilité pour les partenaires et, enfin, d’une fiscalité non seulement très contraignante mais aussi rétroactive (TPE). Cette période n’a été positive qu’en apparence à cause du seul fait que le baril a augmenté de façon inattendue. Ce n’est pas la loi qui était bonne mais le prix du baril qui permettait d’améliorer la rente et non la sécurité énergétique à long terme.

 

  

La loi pétrolière, que ce soit en Algérie ou dans n’importe quel pays, n’est pas une loi ordinaire et ne doit pas être pensée, écrite ou analysée comme n’importe quelle autre loi, dans la mesure où l’activité pétrolière et l’investissement qui doit la soutenir sont très particuliers. Ci-dessous sont résumées quelques données générales pour les non-initiés.

Cette loi peut être bonne à un moment donné, quand elle permet une rentabilité pour les parties qui investissent mais peut devenir rapidement inadaptée si les conditions techniques et financières évoluent dans un sens ou dans l’autre (positivement ou négativement).

Il suffit de faire un bref historique des modifications de la législation pétrolière en Algérie depuis 1986 pour comprendre comment et pourquoi cette législation doit évoluer, dans quelles conditions les résultats peuvent être positifs ou négatifs, à condition de ne pas la modifier en fonction du présent mais plutôt sur la base d’une projection sur le futur.

La raison est très simple : quand on fait un bilan ou un constat sur les activités pétrolières en amont (exploration/production), et souvent même en aval (pétrochimie, GNL, commercialisation) à un temps T° (présent), il est souvent ou dans la plupart des cas impossible ou extrêmement difficile d’inverser ou de modifier l’état des lieux à court terme, souvent même à moyen terme. Parce que la loi n’est pas rétroactive, parce que les contrats de partenariat en vigueur ne peuvent pas non plus être modifiés du jour au lendemain, parce que les activités et les projets en cours sont déjà régis par la loi en cours, et parce qu’en principe, les objectifs souhaités (meilleurs résultats) à travers toutes les nouvelles dispositions d’une nouvelle loi ne seront atteints qu’après un délai minimal de 3 à 5 ans.

Avant de faire cet historique, il faut peut-être rappeler quelques définitions et règles de base parmi les plus importantes dans les activités pétrolières.

 

Principales caractéristiques des activités pétrolières

 

Ces activités comportent trois périodes importantes : une pour l’exploration, une pour le développement et une pour l’exploitation.

– La période d’exploration (entre 3 et 7 ans) consiste à chercher des hydrocarbures sans être certain d’en trouver. Le ou les titulaires du permis de recherche consentent donc un investissement de plusieurs dizaines, parfois des centaines de millions de dollars. S’ils ne trouvent pas d’hydrocarbures, ils auront donc investi à perte et n’auront rien en contrepartie, ce qu’on appelle le « risque financier exploratoire ». En Algérie ce risque est pris à 100% par le ou les partenaires de Sonatrach, cette dernière ne prenant aucun risque au cours de cette première période. S’il y a une découverte, des travaux sont réalisés pour en vérifier la commercialité (sur 1 à 3 ans maximum). Si cette dernière n’est pas avérée, seuls le ou les partenaires de Sonatrach en subiront les conséquences aussi.

– S’il y a une découverte commerciale, une deuxième période dite de développement (entre 2 et 5 ans en général) entre en vigueur, cette fois-ci avec un investissement de plusieurs centaines ou des milliards de dollars à consentir, en fonction de la taille ou la complexité technique de la découverte. A partir de ce moment, tous les partenaires doivent participer au financement à hauteur de leur taux de participation dans le contrat d’association, y compris la Sonatrach. D’où l’importance des différentes dispositions contractuelles relatives aux obligations de chacun d’eux, leurs droits, l’organisation et les conditions de financement et de conduite des travaux. C’est sur cevolet qu’il faut donc réfléchir non seulement à la répartition future des pourcentages de participation, des conditions de financement, des avantages et facilités (fiscales, douanières, administratives, sécuritaires, etc.) à mettre en œuvre.

– La troisième période est celle de l’exploitation ou production à partir du gisement découvert sur une durée qui dépend en principe de la taille du gisement, de la nature des hydrocarbures (liquides, gaz, non conventionnels), mais qui est définie avec un plafond dans le contrat d’association (selon la loi en vigueur), avec possibilité de prorogation. Cette période peut aller de 25 à 40 ans. Elle est contractuellement très importante car elle correspond à la période qui permet la récupération des investissements exploration et développement du ou des partenaires, y compris Sonatrach, y compris le remboursement de la part d’investissement de Sonatrach dans la période de recherche qui a été prise en charge par le ou les partenaires (risque exploratoire), le paiement des coûts opératoires, le paiement de la fiscalité pétrolière au Trésor public.

Tous ces mécanismes, et surtout l’organe qui gère la gestion du gisement, sont à définir dans le contrat d’association sur la base des dispositions contenues dans la loi pétrolière. D’où l’intérêt non seulement d’éviter qu’il y ait des contradictions entre la loi et le contrat mais aussi d’éviter de faire une loi trop rigide comme celle de 2006, qui est à l’origine d’une multitude de conflits et de retard dans les opérations pétrolières.

Les dispositions fiscales devront aussi tenir compte des conditions techniques d’exploitation des hydrocarbures à découvrir, de l’évolution possible de l’environnement économique et énergétique mondial et, bien sûr, des besoins internes du pays.

Au-delà de ces trois périodes, la loi comporte aussi des volets importants en matière de transport des hydrocarbures par pipes, d’environnement, de commercialisation aussi bien en Algérie qu’à l’étranger, de transformation et distribution.

 

Quelles leçons tirer de l’évolution de la régulation en Algérie ?

 

1- 1986 : chute du prix du pétrole, chute de la rente, absence de capacités financières et technologiques chez Sonatrach pour soutenir les efforts de recherche, le maintien du niveau des réserves et de production et pour terminer une législation dépassée pour attirer les partenaires potentiels pouvant accompagner la Sonatrach au plan financier et technologique. Il a fallu modifier cette législation au sein du secteur de l’énergie en introduisant surtout un nouveau modèle de contrat (PSC) avec tout ce qui va avec (organisation des opérations, fiscalité, stabilité, etc.) pour convaincre les partenaires potentiels. Le résultat a été plus que positif malgré la période d’insécurité des années 1990. Rappelons tout juste que c’est cette législation qui a permis de renouveler les réserves algériennes à leur niveau de 1971.

2 La période 1998-2005 a été marquée d’abord par une baisse de l’attractivité à cause de la nouvelle baisse du prix du baril entre 1998 et 2002, puis une légère reprise avec la hausse des prix, mais pas au niveau espéré à cause des hésitations et de la lenteur de sortie d’une nouvelle loi annoncée en 2000 mais qui a tardé à voir le jour. Ceci pour montrer qu’hésiter n’est pas bon dans le secteur pétrolier. Les partenaires préféraient « attendre pour voir » en quelque sorte.

3- la période 2005-2012, dont le démarrage a plutôt desservi l’attractivité de l’Algérie du fait non seulement d’une nouvelle loi très contestée à l’intérieur mais aussi de sa modification très rapide au bout d’une année (2006), d’où la crainte d’instabilité pour les partenaires et, enfin, d’une fiscalité non seulement très contraignante mais aussi rétroactive (TPE). Cette période n’a été positive qu’en apparence à cause du seul fait que le baril a augmenté de façon inattendue, entraînant certes de nouveaux partenariats mais peu de retombées sur les volumes découverts, les réserves en hydrocarbures et le niveau de production. Ce n’est pas la loi qui était bonne mais le prix du baril qui permettait d’améliorer la rente et non la sécurité énergétique à long terme.

4 – 2013 : le bilan du secteur met définitivement en évidence trois aspects très négatifs :

* Baisse des réserves, de la production et des exportations, mais très forte augmentation de la consommation intérieure et, par conséquent, risque en matière de sécurité énergétique du pays à long terme ;

* Baisse de l’attractivité du pays et du nombre de partenariats ;

* Constat sur le faible potentiel conventionnel qui reste à explorer et son coût (complexité, taille et volume des découvertes possibles) ;

* En contrepartie, mise en évidence d’un nouveau potentiel non conventionnel, qui n’est pas défini ou prévu par la loi en vigueur, qui est très important mais très complexe à développer et nécessitant non seulement de nouvelles technologies mais aussi des investissements très élevés.

C’est dans ce contexte que la loi 2006 a été amendée en 2013, pour développer à nouveau les efforts de recherche, beaucoup plus pour garantir la sécurité énergétique du pays à long terme que pour garantir la rente, qui était, de toutes les façons, soutenue par la production des gisements existants. D’où une nouvelle définition des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, la suppression de la taxe sur les profits exceptionnels (TPE) et la nouvelle formule de fiscalité basée sur le profit pour encourager un partenariat capable de prendre en charge les importants financements à consentir et, surtout, d’introduire les moyens technologiques par rapport à la complexité de ce qui restait à découvrir et à développer, l’assouplissement des conditions de prospection (phase d’évaluation précédant l’exploration) de façon à attirer plus de partenaires sur les zones peu explorées.

6- La période 2014-2017 est celle des imprévus, avec la chute du baril en 2014 qui va rendre inefficaces tous les amendements de 2013, et un retour à la case départ du constat de l’époque : Que faire pour garantir la sécurité énergétique à long terme ?

 

Une nouvelle loi pétrolière ou une stratégie énergétique ?

 

A ce jour, la rente pétrolière est assurée par les exportations provenant des gisements actuellement exploités et la fiscalité pétrolière deux recettes qui relèvent à environ 80% des dispositions de la loi 86/14 et le reste par la loi 2005/2006. La raison est très simple : l’essentiel de la production pétrolière et gazière de l’Algérie provient de réserves découvertes et développées avant 2005. Ni la loi amendée en 2013 ni de nouveaux amendements (ne pouvant pas légalement être rétroactifs) ne risquent, par conséquent, de modifier ces recettes. Seule l’évolution du prix du baril de pétrole et du MMBtu de gaz naturel, qui ne dépendra d’aucune loi, est en mesure d’avoir des conséquences sur ces recettes à moyen et long terme.

Par contre, à moyen et long terme, le niveau de production, d’une part, et, d’autre part le volume des exportations – qui dépendra de ce dernier et du poids de la consommation interne qui est incompressible – vont être les véritables régulateurs aussi bien pour la rente que pour les conditions permettant de garantir la sécurité énergétique à long terme. Par conséquent, seule une nouvelle législation pétrolière adaptée non seulement à la complexité technique du potentiel résiduel en hydrocarbures mais aussi au niveau très élevé des investissements de recherche et d’exploitation, est en mesure de permettre l’accroissement des travaux de recherche, l’augmentation du niveau de production et pourquoi pas d’exportation et, par conséquent, de garantir la sécurité énergétique qui sera très certainement basée sur un mix énergétique dominé par les hydrocarbures à moyen et long terme et progressivement par les énergies renouvelables à long et très long terme.

Je pense que c’est en réfléchissant et en analysant tous les paramètres qui caractérisent ou influencent cette évolution et en prenant en considération aussi bien les besoins internes du pays que les intérêts des investisseurs qu’on doit définir les conditions pouvant développer et garantir à long terme un partenariat gagnant-gagnant. L’Algérie est en face d’un défi majeur qui ne doit pas consister à amender ou modifier une loi pour des raisons conjoncturelles mais à jeter les bases d’une nouvelle stratégie énergétique dont la nouvelle loi ne correspondra qu’à un volet mais devant être complétée et soutenue par beaucoup d’autres réformes du ressort du secteur de l’énergie, de l’industrie, de l’environnement et de la société civile.

La présente contribution n’est destinée à soutenir ni les partisans d’une modification de la législation pétrolière ni ceux qui pensent le contraire. Elle a pour simple objectif de proposer des pistes de réflexion sur les véritables raisons d’une éventuelle modification et de la nécessité de le faire pour atteindre un objectif précis : la sécurité énergétique du pays à long terme, et par conséquent la mise en œuvre d’une stratégie énergétique dans toutes ses dimensions :

– augmentation et conservation des réserves ;

– modèles de partenariat pour une prise en charge des risques techniques et financiers équitable ;

– modèle de consommation et de mix énergétique ;

– protection de l’environnement.

Ce sont autant de défis qui sont indissociables l’un de l’autre, qui nécessitent, certes, un débat, surtout entre spécialistes, mais que les discours et positions dogmatiques sur la loi, la souveraineté nationale ou encore le gaz de schiste ne contribueront certainement pas à leur faire face dans un avenir très proche.

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