En instituant le « bon de transaction » dans l’agriculture et la pêche, le gouvernement prend un risque : augmenter la méfiance, sans rien gagner en contrepartie. Il confirme qu’une bonne mesure, seule, peut déboucher sur des réseaux désastreux.
Le ministère du Commerce a annoncé l’introduction, au dernier trimestre 2017, de la nouvelle formule du « bon de transaction », une méthode de facturation hybride destinée à assurer la traçabilité des produits et des opérations commerciales. Instituée par un décret de février 2016, la méthode a été depuis mise de côté, car inapplicable, avant d’être déterrée par le nouveau ministre du Commerce, M. Ahmed Saci. Celui-ci promet de la mettre en œuvre avant la fin de l’année, après une simplification des procédures.
Destinée aux fellahs, aux artisans et aux pêcheurs, le « bon de transaction » est supposé assurer un minimum de transparence dans des secteurs non contrôlés par l’administration. Mais si l’intention du gouvernement est louable, les effets attendus risquent d’être à l’opposé de ce qu’il prévoit, au cas où il arriverait à imposer cette mesure, ce qui est loin d’être acquis.
Le « bon de transaction » se présente comme une alternative à la facture, sans en contenir tous les composants. La facture inclut les taxes, notamment la TVA, alors que le « bon de transaction » n’a pas d’ambition fiscale. Il est juste destiné à la lutte contre la fameuse spéculation, un fourre-tout utilisé par l’administration pour expliquer son incapacité à réguler le marché.
Incompréhensions
Comment imposer à des centaines de milliers de fellahs, à l’activité irrégulière, une formule administrative sans réel intérêt économique? La mesure va générer des incompréhensions, des injustices, voire de la corruption. Elle va pousser une partie des acteurs à plonger encore plus profond dans l’informel.
Pour quel gain ? Concrètement, aucun. Le bon de transaction n’est pas destiné à assurer des recettes au profit de l’Etat. A moins que le gouvernement ne vise, à terme, à introduire des impôts sur l’activité agricole. Dans ce cas, la méfiance envers les pouvoirs publics serait encore plus justifiée, avec un gouvernement qui ne serait pas en mesure d’avancer à visage découvert.
Mais l’histoire du pays est pleine de ces mesures qui ont débouché sur un résultat inverse de ce qui était souhaité, particulièrement quand l’exécutif prend des décisions velléitaires, insuffisamment mûries, juste pour faire face à une situation délicate.
Dégâts collatéraux
Les licences d’importation en sont un modèle. En théorie, la mesure peut répondre à une situation d’urgence, à condition d’être solidement encadrée. En Algérie, elle a, certes, permis de réduire la facture des importations de véhicules, mais à quel prix !
Elle a ainsi débouché sur l’importation de près de 50.000 véhicules depuis le début de l’année par des réseaux informels, contre zéro pour les circuits officiels. Quel gouvernement peut admettre que l’ensemble des importations des véhicules assemblés durant le premier semestre 2017 a été dûment poussé vers du quasi-informel ?
Entretemps, le pays a découvert le ridicule de l’industrie automobile locale, alors qu’une partie des réseaux de commercialisation et de services laborieusement mis en place est en train de disparaitre. Bilan : l’Etat s’est délesté de 530 millions de dollars d’importations de véhicules au profit des particuliers. Quand on sait qu’un véhicule importé par un particulier coûte au minimum 1.000 dollars de plus que celui importé par un concessionnaire, sans les garanties et les obligations de service, on mesure les dégâts.