Les efforts diplomatiques des pays « vulnérables » de l’OPEP ont peu de chances pour sauver les prix (experts) - Maghreb Emergent

Les efforts diplomatiques des pays « vulnérables » de l’OPEP ont peu de chances pour sauver les prix (experts)

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A la veille de la tenue de la réunion de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), qui aura lieu le 27 novembre prochain à Vienne, dans un contexte particulier caractérisé par la chute effrénée du prix du pétrole ( 78 dollars à Londres pour le Brent et  75 dollars pour le WTI à New-York), soit 30% de moins que celui enregistré au début de l’ été, la diplomatie de certains  pays exportateurs comme le Venezuela et l’Iran  tente de regrouper des pays de l’Organisation pour faire front à cette dégringolade des prix.

 

Au moment où les économistes européens se réjouissent de cette chute des prix qui atteint des niveaux jamais observés depuis 2011, permettant de relancer l’économie européenne, selon nombreuses analystes, un grand nombre des pays de l’Opep, à leur tête le Venezuela et l’Iran  dont l’économie repose essentiellement sur les revenus de cette énergie fossile multiplient les tournées diplomatiques en préparation de la réunion du 27 novembre, pour demander une réduction de la production de pétrole des pays de l’Organisation à un niveau de  30 millions  barils par jour (bpj) au minimum, et par là, tenter de ramener le prix à 100 dollars.

Le Venezuela, dont la loi de finance 2015 promulguée la semaine dernière, est basée  sur un prix de baril à 60 dollars, selon l’agence de presse vénézuélienne ( APV), tente de rassembler les voix de l’Algérie, du Qatar, de l’Iran et, aussi, d’avoir l’appui de la Russie pour faire pression sur l’Opep.  L’Iran qui a dépêché le weekend dernier son ministre de l’énergie Bijan Zanganeh, au Qatar, au Kuwait et aux Emirats Arabes Unis, pour leur demander de « coopérer pour stabiliser les prix du pétrole », selon le quotidien américain The Wall Street Journal, œuvre également pour réunir des forces d’appui pour le ralentissement de la production de l’Opep.

Ces discussions diplomatiques pourraient-elles avoir un impact sur la réunion du 27 novembre, comme ça a été le cas en 1990, quand l’Arabie Saoudite s’est accordée avec le Venezuela et le Mexique pour freiner la production et réactiver les prix du pétrole qui avaient chuté alors à 10 dollars le baril ?

Doute sur les capacités de mobilisation au sein de l’Opep

Interrogé par Maghreb Emergent, Francis Perrin,  directeur de rédaction de la revue Pétrole et gaz arabe, estime que la diplomatie de ces deux pays est assez active pour mobiliser les autres acteurs de l’OPEP et constituer une sorte de « forum de soutien ». Mais pour lui, «  il serait très difficile de pouvoir peser lors de cette réunion pour deux raisons : la première, est relative au temps. Dix jours nous séparent de cette réunion et c’est un temps très cours pour pouvoir mobiliser. La deuxième raison, est qu’il faudrait avoir l’unanimité à l’Opep pour faire adopter une décision. Or, l’Arabie Saoudite ne va pas négocier cette question.  Et le Kuweit, le Qatar et les Emirats Arabes Unis feront de même, car ils partagent les mêmes visions, les mêmes politiques et surtout, parce que leurs réserves internes et externes, accumulées ces dernières années, les mettent à l’abri de ces difficultés financières engendrées par la baisse du prix du pétrole », explique-t-il. L’Arabie Saoudite a exprimé clairement par la voie de son ministre de l’énergie Ali Al Naimi, en voyage au Mexique et au Venezuela du 10 au 14 novembre, qu’elle ne compte pas revoir le plafond de sa production, selon le journal vénézuélien Bolsamania.com

Peu d’incidences sur le prix

Abdelmadjid Attar,  ancien PDG de Sonatrach, estime que ces deux pays qui sont «  à abattre et visés, à coté de la Russie, par cette chute du prix de pétrole soutenue par les Etats Unis et l’Arabie Saoudite »,  ne pourront rien face à cette crise. « Aujourd’hui, le plafond de production de l’Opep est de 30 millions b/j, si le Qatar, le Kuweit et les Emirats arabes soutiennent les demandes formulées par l’Iran et le Venezuela, ils pourraient pousser l’Arabie Saoudite à réduire sa production, et même avec cela, ça n’aura pas forcément des incidences sur le prix du baril. Moi en tous cas,  je suis très pessimiste », ajoute-t-il.

Abondant dans le même sens, Francis Perrin, également  fondateur de la Revue Stratégie et Politique Energétique,  éloigne l’idée que l’Opep puisse faire quelque chose, mais croit en l’effet surprise du marché. Même dans le cas échéant, ceux sont d’autres paramètres qui déterminent le prix du brut. « La production augmente parallèlement à l’augmentation de la demande. En dépit des zones de tensions au Moyen Orient, l’Irak continue à produire à presque pleines capacités car ses plus grandes réserves pétrolifères se trouvent au sud du pays, dans « les zones chiites », non affectées par les troubles occasionnés par l’Organisation terroriste Daech. Ce dernier vend du pétrole à la Turquie et ailleurs, bien qu’à des quantités dérisoires. Le gouvernement irakien continue de ce fait, de produire environs 3 millions de barils par jours. En plus, le taux du dollar qui augmente parallèlement à la chute du pétrole, boosté par la croissance de la production du gaz de schiste aux Etas Unis.

 Abdelamadjid Attar fait remarquer que le cours du dollar a augmenté de 30% depuis que le prix de pétrole a chuté, lui aussi, de 30%. L’ancien PDG de Sonatrach, en émettant l’hypothèse d’une demande de réduction du plafond de production à 20 millions de barils par jours, doute que ce taux de production soit respecté. «  Même s’il sera respecté, cela permettra uniquement de stabiliser le prix autour de 80 à 90 dollars pas plus », explique-t-il.

L’appui recherché de la Russie

Les pays de l’Opep cherchent de l’appui auprès de la Russie, un grand pays producteur des hydrocarbures, mais non membre de l’Opep. Le 16 novembre dernier, le ministre vénézuélien des affaires étrangères Rafael Ramirez s’est entretenu avec le ministre russe de l’énergie Igor Sechin. Ce pays dont les revenus nationaux reposent à 75% sur la manne pétrolière, ne pourrait boucler son budget avec un prix de pétrole inférieur à 100 dollars. Déstabilisée par cette  baisse des prix et sollicitée par les pays de l’Opep, comment pourrait  intervenir la Russie dans les prix du pétrole n’étant pas membre de cette organisation pétrolière ?  

Abdelmadjid Attar est convaincu que la Russie ne peut rien faire, car elle est visée par cette politique pétrolière. « Les russes sont sous embargo financier appliqué par l’Amérique du nord et l’Europe. Ils rencontrent d’énormes difficultés pour vendre leur production. Que pourraient-ils faire devant une telle situation ? Rien», s’exclame-t-il. M. Attar, nous fait remarquer que le prix du gaz russe, première richesse du pays est indexé sur le prix du pétrole, ce que selon lui, accentue les pressions sur ce plus grand pays du monde.

Pour M. Perrin, les pays de l’OPEP qui discutent avec la Russie, veulent montrer lors des prochaines réunions du 27 novembre, que ce ne sont pas uniquement les pays de l’Opep qui sont concernés ou affectés par cette chute et que c’est une affaire de tout le monde. « Ils cherchent par là une pression externe », souligne-t-il.

Un baril à 70 dollars n’arrange les affaires de personne

Dans son rapport mensuel, l’AIE prévoit que le prix du baril pourrait poursuivre sa chute en 2015. Le président russe Vladimir Poutine, a été plus loin la semaine dernière en avertissant contre un éventuel effondrement total du prix du baril.

Pour M. Attar, cette dégringolade n’ira pas en deçà de 70 dollars, car la production pétrolière qui nécessite des investissements énormes que ce soit dans le conventionnel ou le non conventionnel serait déficitaire au cas où le prix chuterait plus bas que ce niveau. « Bien que le prix du baril n’obéit plus depuis 2007 aux règles classiques de l’offre et de la demande, et que d’autres paramètres incitent cette fluctuation », met-il en relief.

M. Perrin est du même avis, il éloigne toute idée d’effondrement des prix du baril : «  L’Arabie Saoudite n’a pas l’intention d’aggraver la situation déjà très tendue et difficile des pays de la région. En plus, elle a besoin de retrouver des prix bas pour réduire les coups élevés de la production et encourager la demande, mais elle n’a pas intérêt, ni ne cherche à voir le prix de pétrole dans les 50 dollars ».

 

 

 

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