Tout comme lors du scandale de la banque d’affaires britannique HSBC, les »Panama papers » mettent également à nu, selon des comptes rendu du quotidien Le Monde, les transactions et les placements financiers privés douteux de personnalités politiques et autres célébrités mondiales, dont le roi du Maroc, Mohamed VI.
Selon Le Monde, le roi du Maroc a utilisé les services du cabinet panaméen Mossack Fonseca, au coeur de ce scandale financier, pour monter des opérations douteuses via des sociétés écrans. Dont la SMCD Ltd, une société domiciliée dans les Îles Vierges, chargée ensuite de l’acquisition d’un voilier de luxe de plus de 41 m, un hôtel particulier dans le 7e arrondissement à Paris et une société cotée à la bourse de Casablanca. »Les trois structures offshore, qui masquent les ayants droit véritables, ont été montées par le cabinet panaméen Mossack Fonseca. Les Panama papers, consultés par Le Monde et ses partenaires, permettent d’affirmer que le roi était bel et bien le bénéficiaire des montages », affirme le quotidien français. Les documents divulgués à la presse par les »Panama papers » indiquent que la SMCD Ltd, créée en 2005, a donné à la fin de janvier 2006 pouvoir à Mohamed Mounir Majidi, alors secrétaire particulier du Roi, pour procéder »à l’achat, la livraison et le transfert du navire Aquarius W’, un trois mats américain construit en 1930. Ensuite, quatre juristes, deux à Londres et deux à Casablanca, enregistrent le navire au Maroc, qui est rebaptisé »El Boughaz 1 ». Au mois d’août 2013, la SMCD Ltd aurait été liquidée et ses comptes transférés au bénéfice de Langston Group SA, elle même domiciliée aux îles Vierges britanniques, et qui a servi à une convention de prêt pour une société de droit luxembourgeois, Logimed Investments SARL.
Mohamed VI, fin jongleur financier aux Invalides
Par ailleurs, en 2003, une autre société du Roi du Maroc domiciliée par Mossack Fonseca dans les îles Vierges, EPOS International Corp., prête 36 millions d’euros »avec effet au 3 juin 2003 » à une société luxembourgeoise, l’Immobilière Orion SA. Le contrat précise, toujours selon Le Monde sur la base des révélations des »Panama papers » que »l’emprunteur ne paiera pas d’intérêts sur le montant du prêt. En contrepartie, le prêteur, l’ayant droit économique du prêteur et ses proches pourront utiliser l’immeuble acquis par l’emprunteur à des fins personnelles et ceci aussi souvent qu’ils en auront besoin ». Il s’agit en fait d’un hôtel particulier à Paris, au 7eme arrondissement, près des Invalides. ‘’La formulation sophistiquée signifie que le Roi du Maroc est en même temps le prêteur, l’emprunteur et le bénéficiaire du montage’’, explique Le Monde. En fait, l’Immobilière Orion, qui est administrée par le secrétaire particulier de Mohammed VI, s’est portée acquéreuse d’un bel hôtel particulier près des Invalides, et a obtenu, en 2013, un permis de construire qui donne une description précise des travaux : les étages seront entièrement reconstruits, les façades ravalées, les toitures refaites, une piscine aménagée.
Un investissement dans une entreprise cotée
Si sur le papier la SMCD aura été liquidée, dans les faits elle réapparaît à Casablanca à travers un investissement du roi dans une entreprise cotée à la Bourse de Casablanca : Alliances Développement Immobilier (ADI), dirigée alors par Mohamed Alami Lazrak Nafakh, lui même un ancien cadre de l’ex holding royale, l’Omnium nord-africain. L’ONA a été repris en 2010 par la SNI, la société nationale d’investissement, une autre holding royale, qui gère un volumineux portefeuille de sociétés marocaines à la bourse de Casablanca et des participations dans des groupes industriels étrangers, dont le cimentier français Lafarge, ou le sidérurgiste marocain Sonasid. Bien avant son introduction à la bourse de Casablanca, ADI comptait déjà en 2008 SMCD Ltd dans son tour de table. »Or, si SMCD Ltd semble bien avoir été liquidée en août 2013, elle apparaît aujourd’hui encore dans les registres d’actionnaires d’ADI », avance Le Monde, qui précise qu’en »août 2015, ADI émettait un emprunt obligataire remboursable en actions pour un milliard de dirhams (environ 90 millions d’euros) ». Et la note d’information, visée par le conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM), mentionne encore SMCD Ltd comme titulaire de 185 000 actions, soit 1,4 % du capital. » Au Maroc, les scandales boursiers n’existent pas, tant que cela concerne les placements de la famille royale. Mais, les affaires d’ADI ne marchent plus, et SMCD Ltd s’en est retirée »à temps ». Suspendu de la cote, Alliances Développement Immobilier a annoncé le 31 mars dernier préparer un plan de redressement. Le chiffre d’affaires du groupe a fondu, passant de 4,267 milliards de dirhams en 2013 (389 millions d’euros) à 2,932 milliards en 2014 (268 millions d’euros). Il n’a pas présenté à temps ses résultats annuels 2015. Plus de 100 rédactions dans 76 pays participent sous la coordination du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) à l’analyse et le traitement de ce qu’on appelle les Panama Papers, une masse de plus 11 millions de fichiers du cabinet panaméen Mossack Fonseca dont la spécialité des domiciliations off-shore.