En Tunisie, 6 ans après la révolution, la contestation sociale monte. Le président tunisien a semblé vouloir y répondre par un retour d’autoritarisme. Le patron de l’institut d’études stratégiques (ITES) a de nouveau parlé de l’étude « Tunisie 2025 » qui va dans le même sens.
“La Tunisie en 2025 : un Etat émergent, résilient et réconcilié avec lui-même”. L’étude réalisée par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) à l’intention du président Béji Caïd Essebsi (BCE) a été de nouveau présentée lors d’une rencontre organisée par la chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI).
Alors que la Tunisie connait sur fond de polémique autour de la loi sur la réconciliation une aggravation des tensions sociales à laquelle le pouvoir est tenté de répondre par la manière forte – le président Béjà Caïd Essebi a annoncé le déploiement de l’armée pour ‘’protéger’’ les sites pétroliers et de phosphates – le DG de l’ITES, Hatem Ben Salem, a présenté cette vision de la Tunisie de demain résolument optimiste. Mais qui semble assez bien épouser – du moins dans sa vision de la Constitution – la préférence de BCE pour une présidentialisme fort.
Réviser la Constitution?
Cette vision s’appuie sur des préconisations qu’il résume en six axes. Le premier est celui d’un ‘’Etat stratège, de droit et protecteur de libertés” avec un critique de la nouvelle Constitution devenue, selon Ben Salem, ‘’handicap pour le développement socio-économique en Tunisie, car elle ne fixe pas les éléments de base d’un régime politique’’.
“Quel régime avons-nous, parlementaire, présidentiel ou mixte ?”s’est-il demandé, selon l’agence TAP, en pointant une situation où…” tout le monde est responsable’’ et donc personne ne peut demander des comptes ‘’à qui ce soit”.
La première préconisation est donc de facto une révision constitutionnelle pour une « clarification » de la nature du régime. On ne sait pas dans quel sens irait cette révision mais la tendance la plus probable serait une présidentialisation accrue. Une telle option remettrait en cause la plus grande des avancées démocratiques en Tunisie qui est celle d’un parlement doté de suffisamment de pouvoirs pour contrôler l’action du gouvernement. L’entreprise qui n’est guère aisée quand on se souvient de la longueur des tractations pour aboutir à un texte consensuel.
Le second axe est le renforcement de l’efficacité du système de défense du pays pour faire face aux risques terroristes à travers notamment des ‘’moyens budgétaires supplémentaires’’. Dans le domaine économique (3ème axe), l’étude préconise de ‘’véritables réformes’’, de ‘’ multiplier les partenariats publics-privés’’ et de donner latitude aux régions de ‘’compter sur leurs propres capacités et de se développer à l’international.’’.
Quel dialogue social?
La partie qui semble la plus sensible aujourd’hui en Tunisie, celui du dialogue social est expédié en seule phrase dans le compte-rendu de l’agence TAP. L’étude, indique l’agence, préconise ‘’d’institutionnaliser ce dialogue afin de créer une nouvelle mentalité, pour défendre les biens publics.’’.
La question aurait mérité d’être plus largement abordé en raison de la situation particulièrement tendue sur le front social. L’étude, disponible sur le site de l’ITES, est marquée du sceau de la généralité sur cet aspect alors qu’il est politiquement central.
Si le gouvernement maintient le courant du dialogue avec l’UGTT, il n’en est pas de même avec la fronde de l’arrière-pays qui constate que six ans après la révolution, la situation ne s’est pas améliorée mais s’est dégradée.
Ce qui se passe à El Kamour est une illustration d’une exaspération sociale à laquelle le président Béjà Caïd Essebsi (BCE) semble vouloir répondre par la manière forte. Dans son dernier discours, il a présenté les contestations sociales qui s’aiguisent dans le pays comme une « menace contre le processus démocratique ». BCE a ainsi décidé de faire intervenir l’armée, ce qui a fait réagir la Ligue tunisienne des droits de l’homme qui a pointé le risque d’une « militarisation du Sud du pays” qui constituerait une « une grave dérive”.
Le Front populaire (FP) a dénoncé de son coté “l’option du président de la République Béji Caid Essebsi pour la militarisation” qui cherche à « Caid Essebsi a cherché à incriminer les protestations sociales pacifiques légitimes en les confondant avec certains mouvements illégitimes »
Le 5ème axe relève d’une préconisation classique sur ‘’ l’adaptation du système éducatif aux besoins du marché du travail’’. Ben Salem estime nécessaire d’aller vers une ‘’une refonte du bac professionnel, afin de valoriser les métiers et de donner plus d’importance à l’apprentissage.’’.
Le dernier axe appelé ‘’repositionnement de la Tunisie’’ semble relever de l’ordre du marketing politique. La Tunisie, a-t-il indiqué, ‘’doit tirer profit de son image, en tant que nouvelle démocratie, pour se repositionner au mieux à l’échelle internationale, en mettant en avant, ses intérêts nationaux.’’