L’Algérie depuis l’indépendance politique est une économie fondamentalement rentière, toute augmentation ou baisse du cours des hydrocarbures avec les dérivés (987% des recettes en devises) ayant eu des incidences à la fois économiques et politiques comme en témoigne les impacts politiques de la crise de la baisse du cours entre 1986/1990.
Comprendre la crise actuelle implique de saisir les liens dialectiques entre la production de la rente -Sonatrach et sa distribution à travers le système financier notamment les banques publiques qui canalisent plus de 85% des crédits octroyés expliquant que la réforme profonde du système financier, qui ne saurait se limiter à la rapide de l’intermédiation à travers l’informatisation, n’a jamais eu lieu et que sans sa réforme profonde autant que celle de la justice , il serait utopique de s’attaquer à l’essence de la corruption.
1.-Premièrement, le cours du pétrole a subi une baisse brutale étant coté le 12 aoÜt 2019 à 58,06 dollars pour le Brent et à 53,78 dollars le baril pour le Wit suivi du cours sur le marché libre du gaz naturel , représentant 33% des recettes de Sonatrach en 2018, coté également le 12/08/2019 à 2,119 dollars le MBTU ayant fluctué ces 12 derniers mois entre 4,93 e t 2,06 le MBTU, où à ce cours l’Algérie peinera à couvrir les frais de production. La raison principale ce sont les tensions entre les USA et la Chine, les deux plus grandes puissances économiques mondiales , avec le retour des mesures protectionnistes selon le FMI , il y a risque de provoquer une crise économique mondiale équivalente à celle de 2008, entrainent une baisse du taux de croissance et par là un fléchissement de la demande d’hydrocarbures
2.-Deuxièmement, l’OPEP en 2018 représente environ 40% de la production commercialisée mondiale avec la prédominance de l’Arabie Saoudite (plus de 10 millions de barils jour) confronté à des tensions budgétaires 60% hors OPEP dont la Russie et les Etats Unis d’Amérique avec l’entrée massive du pétrole et gaz de schiste , plus de 10 millions de barils jour pour chacun , les gisements rentables de schiste aux Etat s Unis étant rentables pour un cours, pour les grands gisements d’environ 45/50 dollars et pour les gisements moyens les plus nombreux 55/60 dollars le baril et dont le cout grâce aux nouvelles technologies ont diminué de plus de 50%
3.-Troisièmement, ente 2020/20360 ; nous assistons à un nouveau modèle de consommation énergétique fondée sur l’efficacité énergétique (bâtiments, transport notamment) et l’entrée massive des énergies renouvelables dont le cout a diminué de plus de 50% et nous avons assisté contrairement aux prévisions à une hausse des stocks américains et à un cours du dollar euro/(1,12 dollars un euro) relativement stable qui influent conjointement d’environ 10/15% sur le cours. Par ailleurs, contrairement aux années passées, les tensions géostratégiques notamment avec l’Iran qui contrôle le détroit de D’Ormuz ( 30% du trafic pétrolier mondial) ainsi que la crise au Venezuela premier réservoir pétroler mondial ont eu peu d’impacts;
4.-Quatrièmement, 98% des recettes en devises pour l’Algérie provenant directement et indirectement des hydrocarbures cela a un impact négatif sur la balance des paiements en n’oubliant jamais que 33% des recettes proviennent du gaz naturel et du GNL. Pour 2018, selon le bilan de Sonatrach , le prix de vente d’unité MBTU- GNL en 2012 était de 10,50 dollars, de 10 en 2014, de 6,5 en 2015, de 4,3 en 2016, de 5,1 en 2017 et en 2018, 6,30 dollars le MBTU (GNL) et 5,8 pour le gaz naturel (GN) par canalisation, via respectivement le gazoduc Enrico-Mattei qui relie l’Algérie à l’Italie par la Tunisie, et le gazoduc Duran-Farell, qui relie l’Algérie à l’Espagne via le Maroc. Pour un cours moyen de 60 dollars annuellement et un cours de 4 dollars le MBTU pour le gaz les recettes de Sonatrach pour 2019 ne dépasseront pas 30 milliards de dollars pour une sortie de devises importations ( environ 45/46 milliards de dollars ), montant incompressible si l’on veut éviter une paralysie totale de la machine économique, et les services fluctuant entre 10/11 milliards de dollars entre 2017/2018.
5.-Cinquièmement , cela accentuera la baisse des réserves de change, qui tiennent la cotation du dinar à plus de 70%, poussant à la dévaluation, avec des impacts inflationnistes (relèvement du taux d’intérêt des banque pour éviter leurs faillites) , les investissements directs étrangers fléchissant à cause de la crise politique. Au rythme de la dépense publique qui tire à plus de 80% la croissance,(75/80% des entrants des entreprises publiques et privées étant importés) , les réserves de change risquent de clôturer à environ 58 milliards de dollars fin 2019, 36 en 2020 16 milliards de dollars fin 2021 et une cessation de paiement avant le premier trimestre 2022. Les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques populistes et le temps ne se rattrapant jamais en économie, car dans ce cas de retour au FMI, il serait utopique tant pour le pouvoir, l’opposition qu’El Hirak de parler d’indépendance sécuritaire, politique qu’économique avec le risque d’une déstabilisation de l’Algérie avec des incidences géostratégiques.
6.- Sixièmement, comme je l’ai rappelé souvent depuis la crise de 2008, en ce mois d’août 2019 et cela ne date pas d’aujourd’hui, l’Algérie traverse avant tout une crise de gouvernance ce qui implique d’avoir une vision stratégique de l’Algérie horizon 2020/2030 du devenir de l’Algérie. L’Algérie a toutes les potentialités, pour dépasser les tensions budgétaires actuelles mais pour paraphraser les militaires devant s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire afin de ne pas se tromper de cibles. Il existe une loi en sciences politiques : 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80%. Mais 80% d’actions mal ciblées ont un impact seulement de 20%. Pour dépasser l’entropie, et trouver des solutions réalistes, il s’agit de réaliser un bilan serein de tout ce qui a été réalisé et ce qui reste à faire pour corriger les erreurs du passé et ce par un langage de vérité loin de toute sinistrose, une visibilité et cohérence dans la démarche des réformes et une nette volonté politique de changement.
7.- Septièmement, comme je viens de le souligner dans quatre interviews le 08 aout 2019 au niveau de quatre télévisions, la persistance de la crise politique qui secoue le pays depuis le 22 février pourrait aggraver la situation économique du pays. L’économie ne peut plus résister à ces effets dans le temps La situation économique pourrait s’aggraver plus rapidement sans la résolution de la crise politique. Il est donc nécessaire, une lutte sans merci contre la corruption comme l’a souligné fortement le vice ministre de la défense nationale, chef d’Etat major de l’ANP qui mine le développement et démoralise la société, une réorientation de la politique socio-économique actuelle fondée sur la rente et d’organiser une élection présidentielle transparente très rapidement, pour une sortie de crise et pour faire face à la grave situation économique du pays.
8.- Huitièmement, le fondement de la réussite des réformes doit passer nécessairement par le retour à la confiance, impliquant la moralité et une autre gouvernance de ceux qui dirigent la Cité, sans laquelle aucun développement n’est possible. Plus on diffère les réformes institutionnelles et micro-économiques, plus on épuisera les réserves de changes. Trois secteurs ont besoin de profondes réformes pour s’attaquer à l’essence de la corruption : l’administration centrale/locale, la justice et tout le système financier dont le ministère des finances qui recoupe les domaines, la fiscalité, les banques ( surtout les directions et sous directions de crédit et les caisses de garanties) et la douane, ou alors la lutte actuelle contre la corruption ne seront que des mesures conjoncturelles.
En résumé, l’Algérie a besoin pour sa crédibilité nationale et internationale, dans un contextes marqué par des tensions géostratégiques au niveau de la région et de tensions budgétaires inévitables entre 2019/2020/2025 de rassembler tous ses enfants dans leur diversité et non de diviser. Il faut impérativement faire taire nos divergences et privilégier uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie nécessitant un minimum de consensus économique et social qui ne saurait signifier unanimisme signe de décadence de toute société afin de stabiliser le corps social, dans le cadre d’un dialogue productif, je pense fermement que l’Algérie a des ressorts pour surmonter la crise multidimensionnelle actuelle.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL