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Tunisie

Les Tunisiens font face à une inflation sous-estimée par les statistiques officielles

Par Saïd Djaafer
avril 3, 2017
Les Tunisiens font face à une inflation sous-estimée par les statistiques officielles

L’inflation réelle se situe au-dessus de 10, voire de 11% du PIB, en Tunisie, vu la dégradation de la situation économique, alors que les statistiques officielles font état d’un taux d’inflation de 4,6%, en Février et de 4,2% pour l’ensemble de l’année 2016 (INS) , a déclaré l’expert comptable, Walid Ben Salah, à l’agence TAP.

En fait, le panier de produits adopté par l’Institut National de la Statistique pour le calcul de l’inflation ne traduit pas fidèlement la consommation à l’échelle nationale, a estimé l’expert comptable, précisant que « pas mal de produits ne sont pas représentés dans ce panier, alors qu’ils constituent une partie essentielle de la consommation de la population, dont les dépenses pour l’éducation, l’enseignement privé, la santé, les loisirs… ».

Dans ce même cadre, il a relevé le développement d’un nouveau comportement dans notre société, celui de la consommation arbitraire. « Nous remarquons, ces derniers temps, la hausse des montants réservés à l’importation des produits de consommation, des parfums et surtout de prêt-à-porter, ce qui porte préjudice à l’industrie du textile tunisien « .

Le dinar s’est déprécié de 11% par rapport au dollar

Par ailleurs,  » la situation actuelle, marquée par la hausse des importations, la baisse des exportations avec une forte dépréciation du dinar tunisien, allant jusqu’au -11% par rapport au dollar, serait, sans doute, en mesure d’aggraver davantage le taux l’inflation ».

En outre, l’expert a estimé que l’important recours des tunisiens aux produits de l’informel (au vu de leurs prix abordables) ne cesse de fausser les calculs de l’inflation, étant donné que ces produits ne représentent pas de recettes pour l’Etat.

A cela s’ajoute les augmentations salariales, notamment dans le secteur public, qui se répercutent directement sur la hausse continue des prix, d’où un nouveau facteur qui contribue fortement à la progression du taux d’inflation.

Autre facteur d’inflation, la stagnation des ventes dans le secteur industriel, face à une hausse des charges salariales et des coûts de production, pousse les industriels à augmenter les prix proposés à la vente…

Le taux d’épargne national est passé de 22% en 2010 à 11% en 2016

« Cette inflation a des répercussions directes sur le pouvoir d’achat du citoyen, et aussi sur le taux d’épargne national, lequel est passé de 22% en 2010, à 11% en 2016. Cette chute du taux d’épargne se répercute directement, sur les ressources propres de l’Etat, nécessaires pour le financement de l’investissement, d’où le recours du gouvernement à l’endettement », a-t-il souligné, rappelant que le taux d’endettement est passé de 43% en 2010, à 63% en 2016.

Toujours selon l’expert comptable, l’inflation affecte, également, la compétitivité des entreprises tunisiennes que ce soit à l’échelle nationale ou internationale, et ce, en raison de la hausse du coût de la production (hausse des prix des matières premières et de la main-d’œuvre).

Les tunisiens se plaignent de la hausse excessive des prix

C’est dans le marché de Manouba, que Mme Naziha, femme au foyer, le couffin à la main, fait ses emplettes, elle fait le tour des différents marchands de légumes et de fruits.

Cette sexagénaire se plaint de la hausse excessive des prix, surtout ces dernières années, « tous les produits notamment ceux de première nécessité, dont les légumes et les fruits, sont proposés, aujourd’hui, à des prix exorbitants. Le Tunisien qui touche un faible revenu n’arrive plus à assurer les besoins de sa famille ».

Pour mon cas, a encore dit l’interviewée, la pension de retraite de mon mari est, généralement, dépensée, dans sa totalité, durant les 3 premières semaines du mois. Le reste du temps, nous prélevons sur l’épargne réservée aux dépenses non programmés (maladie ou autre).

« En fait, je consacre aujourd’hui un budget mensuel de 600 dinars rien que pour les dépenses alimentaires. Auparavant, je réservais 400 dinars qui me suffisaient largement « , a-t-elle encore précisé.

Partageant le même point de vue, Mouna, cadre dans une société et mère de trois enfants, a souligné que son couffin quotidien coûte environ 20 dinars. « Ceci, sans prendre en considération les dépenses du petit déjeuner et surtout le goûter des enfants, qui coûte énormément surtout avec la diversification de l’offre émanant principalement de la Turquie ».

Mouna a révélé qu’elle essaye de minimiser les dépenses de la famille, et ce, en privilégiant ceux de l’alimentation, de l’enseignement et de la santé sur ceux de l’habillement, et ce, en recourant davantage à la fripe.

« Bien que mes deux enfants soient inscrits dans une école étatique, je paie chaque mois environ 200 dinars, rien que pour les cours particuliers, outre les frais de garderie (100 dinars pour chacun) », a indiqué la jeune cadre.

Le loyer constitue la plus grande part des charges

Son amie Lilia (cadre), a quant à elle, choisi d’inscrire son fils dans une école privée, moyennant une mensualité de 380 dinars. Elle a rappellé qu' »auparavant les écoles privées offraient leurs prestations de scolarité y compris les frais du panier et de la garderie pour des prix beaucoup moins chers, ne dépassant pas les 200 dinars par mois ».

« Bien que je sois bien rémunérée, en comparaison à d’autres personnes, et que je partage les charges financières avec mon mari, je me retrouve chaque mois, avec mon compte bancaire dans le rouge », a-t-elle révélé, soulignant que la plus grande part des charges pour la famille réside dans le loyer qui s’élève à 600 dinars.

Nadia a quant à elle, pointé du doigt « le renchérissement des prix de tous les types de produits », mais elle a estimé que « c’est au consommateur de rationaliser ses achats, pour ne pas se retrouver endetté ».

« A titre d’exemple, j’ai boycotté, depuis des mois, le piment parce qu’il est vendu à des prix inacceptables dépassant, parfois, les 4 dinars, et ces jours-ci, je boycotte la viande dont le prix a dépassé les 22 dinars », a-t-elle dit.

 

Spirale inflationniste

« Rien n’est indispensable pour moi, j’essaye de présenter à ma famille tous les apports nutritifs dont elle a besoin, sans beaucoup nuire à mon budget, et pour le faire il est impératif de privilégier des aliments ou des produits sur d’autres, et ce, en prenant en considération leurs prix ».

Face à cette spirale inflationniste, l’Organisation de défense du consommateur (ODC) a exprimé vendredi, sa préoccupation face la hausse « exorbitante » des prix des produits de consommation (produits alimentaires, détergents, services…), appelant les autorités concernées à intervenir, en urgence, et à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ce phénomène, surtout avec l’approche du mois de Ramadan, qui commence fin Mai.

L’Organisation a estimé que l’accroissement des prix de produits de base est du, en réalité, à la prolifération des circuits de distribution informels et à la régression des opérations de contrôle.

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