L’armée nationale libyenne (ANL) du général Haftar a perdu deux terminaux pétroliers à la suite d’une attaque des Brigades de défense de Benghazi (BDB). Le pétrole est remis au centre du conflit libyen. Il sera difficile à la compagnie libyenne (NOC) d’atteindre l’objectif intermédiaire d’un million de baril/jour. Une analyse de reuters traduite de l’arabe par Maghreb Emergent.
Tôt le matin, des petits groupes de camions pick-up armés ont coupé à travers le désert vers certains des plus grands terminaux pétroliers en Libye. Une précédente tentative des Brigades de défense de Benghazi (BDB) de prendre les ports avait échoué. Mais l’attaque lancée vendredi dernier a pris de surprise l’Armée nationale orientale(ANL) basée dans l’est du pays.
Le retrait de l’ANL des ports d’Es Sider et de Ras Lanouf a réduit ses prétentions à la supériorité militaire et grève les perspectives d’un renforcement des pouvoirs de son chef, le général Khalifa Haftar. Il ouvre également un nouveau front entre les factions qui se livrent de temps à autre depuis 2014 à des combats pour étendre leur influence, ce qui accentue les doutes sur la viabilité des efforts visant à réunifier le pays et accroitre sa production de pétrole.
La Libye qui a été exemptée de l’effort décidée par l’OPEP pour limiter l’offre mondiale de pétrole, a plus que doublé sa production au cours des derniers mois atteignant les 700.000 barils par jour (bpj).
L’Armée nationale libyenne a annoncé qu’elle préparait une contre-attaque qui sera supervisée par personnellement par Haftar contre la BDB, la plus récente des factions armées qui combat pour le contrôle des ports d’où est censé sortir la moitié des exportations libyennes de pétrole.
Les Brigades de défense de Benghazi (BDB) affirment vouloir ouvrir une voie vers Benghazi d’où ont été chassés nombre de ses membres à la suite de l’avancée de l’ANL contre des islamistes et d’autres opposants au cours des deux dernières années. Les BDB affirment également se battre pour des familles encerclées ou déplacées à la suite de la campagne militaire lancée par l’ANL et pour préserver la révolution qui a renversé Kadhafi en 2011
«Notre principal objectif est de reprendre notre ville, nous rejetons l’injustice et le régime militaire », a déclaré à des journalistes, M. Mustafa al-Sharksi, un commandant de la BDB. « Quand nous avons manifesté contre Kadhafi, nous voulions la liberté, la construction d’institutions légitimes et des dirigeants qui gouvernent le pays comme le font les pays développés » a-t-il ajouté.
Soutien tribal
Khalifa Haftar, ancien allié de Kadhafi, qui se présente comme l’homme capable de sauver la Libye du chaos du pouvoir des groupes armes, a renforcé ses positions en septembre dernier en prenant le contrôle des terminaux d’Es Sider et de Ras Lanouf en sus de ceux de Brega et Zueitina, deux autres ports au sud-ouest de Benghazi connu sous le nom du croissant pétrolier.
Sans avoir obtenu un appui tribal, Haftar a pu chasser Ibrahim Jathran, commandant des Gardes des installations pétrolières de Libye (PFG) devenu très impopulaire pour avoir exigé de l’argent pour mettre fin au bloc du port
Après avoir pris le contrôle des ports, Haftar a rapidement invité la National Oil Corporation (NOC) basée à Tripoli à reprendre les activités et la production de la Libye a plus que doublé pour atteindre à 600.000 barils par jour.
Les BDB ont également indiqué qu’ils permettront à la NOC d’opérer librement et a invité le chef des gardes des installations pétrolières désignée par le gouvernement d’entente nationale (GNA) de Tripoli, soutenu par l’ONU.
Les terminaux Es Sider et de Ras Lanouf ont subi de graves dommages au cours de combats précédents et fonctionnent à des niveaux bien plus bas que ceux Zueitina et Brega. L’impact des derniers combats sur la production a été de ce fait limité. La production globale était de près de 620.000 barils-jour a indiqué jeudi à Reuters, le président de la NOC, Mustafa Sanallaà Reuters.
Mais l’avancée des brigades BDB a remis le pétrole au centre du conflit et pourrait entraver la mise en oeuvre de l’ambitieux plan de la NOC pour relancer la production. La NOC a indiqué auparavant qu’elle espérait augmenter la production à 1 million b/j en quelques mois en prélude à un retour à la production de 1,6 millions b/j, leur niveau d’avant le conflit.
Selon John Hamilton, directeur à Cross-border information et expert du domaine pétrolier libyen, la situation va exiger de la NOC un « jeu de jambes très adroit » pour y parvenir. « Cela montre que Haftar n’est pas en mesure d’assurer la sécurité des terminaux… Quels propriétaires de navires et quels assureurs enverraient des navires pour enlever du brut même si Haftar en reprenait le contrôle » ajoute-t-il
Mercenaires
Après avoir pris le contrôle des ports il y a sept mois, l’ANL avait repoussé plusieurs contre-attaques en recourant à des frappes aériennes et en menant ce qu’elle a appelé des frappes préventives contre la mobilisation des troupes de la BDB dans la région saharienne de Jufran dans le centre du pays. Les gardes ralliés à l’ANL affirmaient que les ports étaient bien sécurisés et qu’il n’y avait aucun risque pour les étrangers.
Mais en attaquant de nouveau vendredi dernier, les brigades de défense de Benghazi ont rapidement percé les défenses de l’ANL dont les troupes ont battu en retraite vers Brega, à 115 km à l’est de Ras Lanouf. Des sources médicales indiquent que l’ANL a perdu plus de 30 hommes dans les combats. L’ANL mène des frappes aériennes quotidiennes mais leur impact est incertain. Selon Mustafa al-Sharksi, les Brigades de défense de Benghazi ont des armes de défense aérienne et les pilotes de l’ANL « ont peur et volent à très haute altitude ».
Fawzi Boukatef, chef rebelle à Benghazi en 2011 en contact avec la BDB, souligne que le soutien tribal à Haftak , déjà incertain dans certaines parties de l’est de la Libye, s’est érode dans le croissant pétrolier. Il affirme que des mercenaires du sud libyen et d’afrique subsaharienne qui étaient au service de l’ANL ont été retournés. « De l’argent a été donné à certains d’entre eux pour quitter la région, d’autres ont été payés pour combattre dans le camp adverse » a-t-il ajouté.
Le siège de Benghazi
« Les attaques a Jufra a galvanisé les soutiens à la BDB et créé un appel au rassemblement contre Haftar, » at-il dit. Une partie du soutien à la BDB vient de Misrata, ville portuaire occidentale qui a été une source d’opposition militaire à Haftar et où viveny de nombreuses familles déplacées de Benghazi.
Selon les analystes, si les modérés à Misrata soutiennent le GNA et sont ouverts à un accord avec Haftar, les combats dans le croissant pétroliers pourraient renforcer les radicaux dans les deux camps.
Haftar a rejeté les efforts pour relancer le processus de paix de l’ONU et a accusé des éléments au sein du GNA de soutenir la BDB. Un groupe de près de 40 de députés pro-Haftar ont voté une motion pour retirer le soutien au Gouvernement d’union nationale et pour le retrait du dialogue mené sous médiation de l’ONU. « Dans la situation actuelle, un accord semble très peu probable », a déclaré Gomati.
