Les positions des deux hommes forts de la Libye restent pour l’heure, du moins en apparence, inconciliables.
Les deux chefs rivaux de Libye, réunis mardi près de Paris à l’initiative d’Emmanuel Macron, vont s’engager à un cessez-le-feu dans le pays plongé en plein chaos depuis six ans et à œuvrer en faveur de la tenue « dès que possible » d’élections, selon un projet de communiqué conjoint transmis par l’Elysée.
La présidence française précise que ce projet de déclaration, qui comporte dix points, a été « envoyé prématurément » et qu’il ne s’agit que d’un « document de travail » avant la rencontre tripartite prévue dans l’après-midi.
Dans ce document, le Premier ministre du gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’Onu, Fayez Seraj, et le chef militaire Khalifa Haftar soulignent que la solution à la crise ne peut être que politique et passer par un processus de réconciliation nationale associant tous les Libyens.
Les deux hommes forts du pays, qui doivent se rencontrer au château de la Celle-Saint-Cloud (Yvelines), s’engagent, peut-on lire, à un cessez-le-feu et à s’abstenir de tout recours à la force armée, sauf pour la lutte antiterroriste.
Ils prennent l’engagement d’œuvrer pour la tenue des élections présidentielles et parlementaires dès que possible, en coopération avec les institutions concernées et avec le soutien et sous la supervision des Nations Unies, peut-on encore lire.
Selon une source diplomatique, l’accord politique signé le 17 décembre 2015 à Skhirat, au Maroc, devrait également être réaffirmé par les deux parties à cette occasion.
Organisée sous les auspices d’Emmanuel Macron, la rencontre entre les deux hommes est la première depuis celle du 2 mai à Abu Dhabi, qui n’avait débouché sur aucun résultat concret et avait donné lieu à deux communiqués distincts.
« Signe fort »
Le chef de l’Etat français, qui a fait de la Libye une de ses priorités diplomatiques, espère que les deux hommes se mettent cette fois-ci d’accord sur une déclaration commune, qui ouvrirait la voie à un début de sortie de crise.
Emmanuel Macron a prévu de s’entretenir à 15h avec le Premier ministre libyen, puis avec Khalifa Haftar, avant une réunion conjointe en présence du représentant spécial de l’Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, vers 16h00.
Une déclaration conjointe serait un « signe fort », souligne-t-on à Paris, tant les positions des deux hommes forts du pays restent pour l’heure, du moins en apparence, inconciliables.
Le GNA, qui s’est installé à Tripoli et est soutenu par l’Onu, reste toujours contesté par le parlement de Tobrouk, à l’Est, et peine à unifier les différentes forces politiques derrière lui.
Longtemps accusé de bloquer le processus politique, Khalifa Haftar a gagné du crédit ces derniers mois, sous l’effet de sa progression sur le terrain face aux groupes djihadistes, aux yeux de certains pays européens.
L’homme fort de l’est du pays, qui bénéficie du soutien de l’Egypte et des Emirats arabes unis, doit toutefois composer avec des accusations régulières de crimes de guerre, notamment des exécutions sommaires de prisonniers.
Courroux italien
La question des droits de l’homme sera évoquée, assure-t-on à l’Elysée, au lendemain de la diffusion d’une vidéo sur les réseaux sociaux montrant une unité militaire présentée comme celle d’Haftar exécuter 20 islamistes présumés.
« La tenue de ce sommet est le résultat de la diplomatie régionale menée de Macron et (du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves-NDLR) Le Drian », souligne Mattia Toaldo, spécialiste de la Libye à l’European Council on Foreign Relations.
« Mais il n’est pas possible de savoir avec certitude si cette réunion sera plus qu’un simple instant Kodak : Seraj n’a pas reçu de mandat de négociation de la part de ses soutiens à Tripoli et Misrata (…) et le camp d’Haftar est divisé entre ceux qui souhaitent des élections (…) et ceux qui veulent pousser plus loin, jusqu’à Benghazi, Syrte et même Tripoli ».
L’initiative française, qui avait été maintenue dans le plus grand secret ces dernières semaines, a fait grincer des dents en Italie, longtemps en pointe des efforts pour ramener la paix dans son ancienne colonie d’Afrique du Nord.
« Macron veut s’impliquer beaucoup plus en Libye. C’est bien, mais il nous snobe. Nous n’avons pas été consultés », déclarait lundi un diplomate au ministère italien des Affaires étrangères, sous le sceau de l’anonymat.
A Paris, on assure que la France n’a pas l’intention de faire cavalier seul et que cette rencontre s’inscrit dans les initiatives menées successivement par l’Onu, l’Union européenne et l’Union africaine.