Se basant sur des témoignages de 20 femmes victimes de violence, l’ONG Humain Rights Watch estime que les policiers algériens ne respectent pas la loi lorsqu’une femme se présente au commissariat pour dénoncer une violence domestique.
Les services de sécurité algériens adoptent une attitude inappropriée envers les femmes victimes de la violence domestique. Souvent, ils essayent de convaincre les femmes victimes de la violence de ne pas déposer plainte contre leur conjoint agresseur. C’est ce qu’a relevé un rapport de l’ONG américaine Humain Rights Watch (HRW), sur les violences domestiques en Algérie rendu public ce dimanche lors d’une conférence de presse animée au siège d’Interface Médias à Alger, par Ahmed Benchemsi directeur de communication MENA à HRW.
Se basant sur des témoignages de 20 femmes victimes de ce phénomène, l’ONG estime que les policiers ne respectent pas la loi lorsqu’une femme se présente au commissariat pour dénoncer une violence domestique. « Les policiers déconseillent les femmes victimes de la violence domestique de déposer plainte. Au lieu d’appliquer la loi, les policiers se référent à la culture », a déploré le conférencier. Des cas réels ont été enregistrés par l’ONG. « Hasna, une femme de 31 ans, mère de 4 enfants, a signalé à Human Rights Watch que son mari avait commencé à la battre lorsqu’elle est tombée enceinte. En septembre 2014, lors d’une dispute, il l’a jetée contre un mur, l’a giflée et l’a frappée au visage. Elle s’est rendue au poste de police en pyjama. Là, un policier lui a dit : « C’est une affaire de famille. Ce ne sont pas nos affaires. C’est votre mari. Peut-être était-il fâché. Il va retrouver ses esprits. Allez trouver des anciens pour le ramener à la raison. », rapporte l’orateur. Il ajoute : « Âgée de 39 ans, Salwa a déclaré avoir déposé plainte contre son mari le jour où il lui a gravement lacéré la poitrine avec des ciseaux et l’a battue. Lorsqu’elle est retournée voir la police pour en savoir plus sur l’enquête, ils lui ont dit : « Nous avons appelé votre mari. Il a dit que vous étiez tombée et que c’est pour cette raison que vous étiez blessée. ». La victime a fini par obtenir le divorce, mais son ex-mari refuse toujours de payer la pension des ses enfants.
D’après Ahmed Benchemsi, la police assure souvent un suivi inadéquat. « Human Rights Watch a découvert que, souvent, la police ne mène pas d’enquête sur place et n’interroge pas les témoins et qu’elle prête trop facilement foi au récit de l’incident par le mari », dit-il.
Manque de centres d’accueil
En plus de l’attitude inappropriée de la police, les femmes victimes de la violence domestique font face à un autre problème plus complexe. Il s’agit du manque ou d’absence carrément des centres d’accueil pour femmes victimes de la violence. « Les femmes ne trouvent pas où aller en fuyant la violence domestique. Les parents de la femme souvent demandent à la victime de retourner chez elle. Nous avons demandé à plusieurs associations algériennes de ne dire s’il ya des centres de spécialisés dans l’accueil des femmes victimes de la violence domestique, leur réponse étaient approximatives ce qui laisse dire que le gouvernement n’a pas mis en place une politique de prise en charge des victimes. D’après, se sont les associations qui s’occupent des victimes. « Les associations que nous avons rencontrées font un excellent travail pour venir en aide aux femmes victimes de la violence domestique. Ces associations ne reçoivent pas de soutient de la part de l’Etat », a-t-il affirmé.
Un cadre juridique en avance par rapport aux voisins
Pour le directeur de communication MENA à HRW, le cadre juridique algérien assure une certaine protection à la femme victime de la violence domestique. Il qualifie d’avancée positive la la loi n° 15-19 qui modifie le Code pénal en criminalisant spécifiquement certaines formes de violences domestiques et en augmentant les peines encourues par les auteurs. « Nous saluons le gouvernement algérien pour avoir pris cette initiative qui marque un avant dans la protection des femmes de la violence domestique. C’est le premier pays au Maghreb à prendre une telle mesure », a-t-il dit avant de déplorer l’attitude des autorités publiques qui ont n’ont pas donné suite aux demandes formulées par l’ONG pour rencontrer des responsables de l’Etat.
Des recommandations pour une protection plus efficace
Dans son document, l’ONG a fait une série de recommandations aux pouvoirs publics en vue de lutter efficacement contre la violence domestique. Il s’agit entre autres, de la révision du code pénal de sorte à abandonner la clause du pardon. Autrement dit, la justice ne va pas arrêter les poursuites si la victime pardonne son agresseur. « Des pressions sont exercées sur les femmes pour qu’elle abandonne les poursuites judiciaires. Il faut supprimer cette disposition », dit-il. L’organisation demande aussi au gouvernement d’ouvrir des centres d’accueil pour les femmes victimes de la violence et de les doter des moyens qu’il faut pour leur fonctionnement. En outre, elle plaide pour des formations spécialisées pour les policiers chargés d’accueillir les victimes dans les centres de police. Enfin, elle estime nécessaire de prévoir l’ordonnance de protection. Une disposition qui consiste à interdire à l’auteur de la violence de s’approcher de sa victime ou lui impose de quitter le domicile familial.