Dans le contexte des événements dramatiques qui se sont produits à Béchar, L’entretien de RadioM reçoit Leila Beratto, journaliste à el Watan week-end, Rfi et cofondatrice du projet « Terminus Algérie ». Son récit aborde la question des migrants subsahariens.
A Béchar, une ville de transit des migrants subsahariens, certains d’entre eux sont logés dans les fameux locaux commerciaux du président Abdelaziz Bouteflika. Ce qui a semblé déplaire à une partie de la population. Le vendredi 25 mars, une « rumeur » selon laquelle une petite fille algérienne aurait été agressée par des migrants met le feu aux poudres, raconte Leila Beratto. En réponse, il y a eu des représailles de la part de plusieurs centaines d’habitants (selon les images que la journaliste a vues), qui ont agressé une centaine de migrants, à coup de cailloux et d’armes blanche. La Police n’a fait qu’arrêter un ou deux jeteurs de pierre, sans pour autant s’en prendre aux vrais agresseurs. Les migrants que la journaliste a eus au bout du fil soutiennent que la police leur a systématiquement raccroché au nez lorsqu’ils ont tenté de la joindre, du fait qu’ils parlent français. Quoi qu’il en soit, le résultat est l’évacuation des migrants vers Adrar ou Tamanrasset.
Ce n’est pas la première fois que ce genre de heurts se passe. A Ouargla aussi, les habitants n’avaient pas pris d’un bon œil l’occupation des locaux commerciaux non distribués par les migrants. Il y avait eu des bombonnes de gaz qui ont explosé dans un hangar, 18 morts, un algérien assassiné par les migrants, et à nouveau évacuation des migrants : 2000 migrants dans des bus en direction de Tamanrasset.
Quels migrants et pourquoi ?
Les nationalités les plus présentes selon la journaliste reçue par Radio M sont le Cameroun, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Libéria, et de plus en plus de Béninois. Il y aussi évidemment des Maliens, des Nigériens et des Guinéens. Mais la majorité ne fuient pas forcément la guerre ; ils viennent plutôt trouver un moyen de gagner plus d’argent, atteindre une certaine position sociale, y compris en tentant de rejoindre l’Europe. La durée moyenne de séjour d’un migrant subsaharien en Algérie est de 3 ans officiellement, 4 ans selon Leila Beratto.
La raison de leur venue est celle de la présence de l’argent dans un pays qui en a et qui construit. Malgré les violences, l’Algérie dispose d’un modèle économique qui attire les migrants subsahariens, affirme la journaliste. Les entrepreneurs des différentes villes attestent qu’ils ne pourraient travailler sans ces migrants, les emplois proposés (postes de manœuvre, travailleurs agricoles..) étant dédaignés par les jeunes algériens. Le wali de Ouargla, et le chef des entrepreneurs de la même ville sont jusque là les seuls politiques à avoir soulevé la question de la régularisation des migrants. Les partis politiques en sont encore loin. Et même si dans la législation rien n’a changé, dans les faits, c’est différent. Etant donné ce besoin de main d’œuvre, les autorités permettent aux migrants de travailler sans leur chercher des noises. Et rien dans la loi n’empêche leurs enfants d’êtres scolarisés, à l’instar des quelques enfants à Bordj el Kifane. D’ailleurs, malgré quelques cas d’arnaque de migrants travailleurs par leurs employeurs, les choses se passent plutôt bien, d’où l’augmentation des venues de migrants en Algérie. Même les autorités policières poussent les employeurs à qui elles permettent d’employer des migrants sans permis de travail, vont jusqu’à les pousser à payer leur travailleurs.
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