Après avoir demandé une « pause » le 1er mars dernier, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a rejeté vendredi l’invitation de la médiation d’Alger à parapher l’accord sur la paix et la réconciliation au Mali le 15 avril prochain.
Dans un communiqué publié vendredi depuis Nouakchott, la CMA a réitéré « son attachement à la prise en compte des amendements qu’elle a remis à la mission internationale, le 17 mars 2015 à Kidal ». Ces amendements qui constituent l’essentiel des revendications de l’Azawad, selon la CMA, portent essentiellement sur l’autonomie de cette région touarègue. Pour le journaliste spécialiste du Mali, Thierry Perret, une grande mobilisation populaire autour de cette revendication risque peu de se produire. « Si cette population tient à cette autonomie à laquelle elle a été sensibilisée et mobilisée pendant deux ans, elle est toutefois lassée et fragilisée et ne demande qu’à en finir le plutôt tôt possible avec cette crise », a-t-il analysé dans une déclaration à Maghreb Emergent. Thierry Perret estime que le blocage de ce processus de paix dépasse la simple question d’autonomie requise initialement. « Les membres de CMA sont inquiets aujourd’hui par rapport aux milices, aux alliances avec les forces loyalistes car ils ont le sentiment que l’armée malienne veut inverser les rapports stratégiques en place ». Dans le cas échéant, M. Perret n’exclut pas que la« CMA fasse alliance avec Ansar Eddine ou Aqmi ».
Les pressions
Ceux sont ces facteurs encore plus complexes qui retiennent le CMA, selon l’avis de ce spécialiste de la question malienne, et « non pas l’accord d’Alger en soi qui pose problème », car « sur le fond, il ne propose pas de dispositifs trop différents du pacte national de 1992 ». Le CMA qui était disposé à donner son quitus aux accords d’Alger, subit des pressions de la part des narcotrafiquants qui traversent toutes les communautés de la région (arabe, touaregs, Kountas) affirme M.Perret. « Ces narcotrafiquants mettent d’énormes sommes aux groupes rebelles pour le refus de ces accords d’Alger. Aussi, y a-t-il les influences des groupes d’Ansar Eddine, du Mujao et d’Aqmi dont le sort n’est pas prévu par ledit accord, et qui, à leur tour, exercent une grande pression sur les mouvements rebelles nord-maliens ». En réalité, la coopération militaire et la démilitarisation de la région du nord Mali implique la neutralisation de tous ces groupes, d’où leur rejet de cet accord. « Enssar Eddine tout comme le Mujao et Aqmi n’ont jamais déserté le territoire du nord Mali, et Agh Ali ne veut pas perdre toutes ses positions dans l’échiquier malien », relève Thierry Perret qui rappelle que les propositions d’un accord de paix et de réconciliation par la médiation algérienne intervient sur un fond de méfiance, car « il n’ya aucune garantie pour sa mise en œuvre », dans un contexte d’insécurité géostratégique.
« Désintégrer le pays »
Cette restriction d’engagement dans les accords d’Alger est observée également chez d’autres parties unionistes, qui conscientes de l’imperfection de cet accord, le considèrent néanmoins, comme un accord-cadre, susceptible de faire avancer les démarches vers la normalisation de la situation au Nord du pays. Ce spécialiste du Mali considère que le gouvernement malien, cédant à la pression internationale, est allé trop loin par rapport à sa population, sa société civile et un bon nombre des partis politiques, qui estiment que cet accord pourrait « désintégrer le pays ». Thierry Perret estime que dans cet accord est prévu « une majorité de Touarègues dans l’armée malienne, ce qui ne fait pas l’unanimité des autres régions ». Par ce fait, le gouvernement central de Bamako a pris un certain nombre de risques susceptibles de le fragiliser, car « si les accords n’aboutissent pas et la situation se dégrade davantage, le gouvernement risque de se voir confronté à la remontée des autres populations qui souffrent déjà des mêmes problèmes du Nord ». Mais jusqu’à quel point le gouvernement malien peut maintenir ce consensus autour de lui ? Au fond, le problème du Mali est clair mais pas simple, répond Thierry Perret. Et d’expliquer : « C’est un problème de la capacité de l’Etat malien à gérer les affaires du pays. Un problème qui, cependant, est loin de se voir réglé tant que la crise libyenne n’est pas résolue et que l’insécurité au Nigéria persiste ». Selon lui, s’il y avait une sécurisation en Libye et au Nigéria, cela pourrait aider le processus de stabilisation du Mali, « car les éléments les plus hostiles n’auraient pas toute latitude à opérer dans des territoires aussi vastes ».