Onze personnes ont été arrêtées et déférées devant le parquet pour faux et usage de faux mardi dans l’affaire du décès du poissonnier Mohcine Fikri, broyé dans un camion-benne vendredi à El Hoceima, dans le nord du Maroc, lorsqu’il a voulu empêcher la destruction de sa marchandise.
Si les manifestations dans plusieurs villes du royaume réclamant plus de justice et la fin de la »hogra » au Maroc qui avaient dénoncé le retour insidieux des »années de plomb » ont été suspendues, l’enquête judiciaire se poursuit. Le procureur d’Al Hoceima a annoncé mardi l’arrestation de 11 personnes liées à cette affaire et déférées devant le juge d’instruction pour »faux en écriture publique et homicide involontaire » suite au décès de Mouhcine Fikri. Ces personnes ont été arrêtées, précise t-il, sur la base d’une enquête préliminaire de la BNPJ sur les circonstances de cette tragédie, qui a replongé le Maroc dans les »années de plomb », selon des ONG locales. Parmi les onze personnes arrêtées dans le cadre de l’enquête sur les circonstances de la mort brutale de Fikri, il y a deux agents d’autorité, le délégué de la Pêche maritime, le chef de service de la délégation de la pêche maritime, le médecin chef du service de la médecine vétérinaire, »pour faux en écriture publique et homicide involontaire ». Cette décision du procureur d’El Hoceima a été prise sur la base des conclusions de l’enquête préliminaire durant laquelle plus de 20 personnes ont été auditionnées pendant leur garde à vue.
Le poisson saisi n’avait pas été chargé
Après l’interception par un policier en dehors du port du véhicule de Mohcine Fikri chargé de 500 kg de poisson conduit par une autre personne, le vétérinaire appelé par les agents d’autorité du port a »déclaré que les poissons sont impropres à la consommation pour faute de document attestant de leur origine ce qui nécessite leur destruction », note le communiqué du procureur, qui ajoute que la commission composée du délégué de la pêche maritime, du chef de service de la pêche maritime, du médecin vétérinaire et du représentant de l’autorité locale a fait appel, pour effectuer l’opération de destruction, à un camion de ramassage d’ordures, dont un responsable a exigé un ordre de destruction avant de transporter la quantité de poisson saisie. » Sur ce, ajoute le communiqué, la commission »a rédigé un procès verbal de destruction des poissons saisis avant d’effectuer cette opération et dont l’original a été remis au représentant de la société, ce qui constitue, du point de vue du parquet général, un faux en écriture publique ». Quant aux circonstances de la mort de Fikri à l’intérieur du camion-benne, l’enquête reste vague, et les conclusions de l’enquête expliquent que le processus de déclenchement du mécanisme de compactage s’est fait en deux étapes, révélant que la mise sous contact a été le fait d’un ordre émanant d’un ouvrier de la société de ramassage des ordures. Mais, les premières conclusions de la BNPJ de Casablanca, à qui a été confiée cette enquête, restent imprécises sur »la main » ou l’origine de l’ordre qui a fait actionner le mécanisme de broyage du camion-benne, car, selon cette enquête, lorsque Mohcine Fikri et deux autres personnes étaient montées sur le camion, le poisson saisi n’avait pas été encore chargé.
Manifestations vendredi dans la région d’Al Hoceima
Au Maroc, l’affaire a mobilisé autant les partis de la gauche que les ONG, pour qui le pays reste encore prisonnier de ses vieux démons, l’impunité de la police, l’injustice, al violation des droits de l’homme. Les manifestations de protestation, reprendront dans plusieurs villes du pays, en particulier à Al Hoceima après la prière du vendredi à l’occasion du 8eme jour du décès de Mouhcine Fikri. Mardi, des manifestations avaient été organisées dans plusieurs villages de cette région du rif. En Europe, la communauté marocaine et maghrébine en général avait également dénoncé la mort tragique du poissonnier d’Al Hoceima avec des manifestations mardi à Paris, Bruxelles, Barcelone. ‘’En Espagne, des dizaines de Marocains, brandissant des drapeaux de Tamazgha et de la république d’El Khattabi, se sont donné rendez-vous mardi devant le consulat du royaume pour réclamer justice. En Catalogne, la manifestation était l’occasion pour des indépendantistes rifains de scander des slogans anti-Makhzen. Ce mercredi est prévu un sit-in à Bilbao, au Pays-Basque. D’autres opérations de solidarité avec Mohcine Fikri devraient se tenir dans d’autres capitales européennes dans les prochains jours », rapporte le site Yabiladi.