Le leader du mouvement rifain »Hirak » Nasser Zefzafi a rappelé dans une lettre écrite depuis la prison d’Oukacha le caractère pacifiste des manifestations et marches de revendications, et a accusé les politiques d’avoir alimenté les accusations de séparatisme contre son mouvement.
Dans une lettre écrite depuis sa cellule de la prison Oukacha de Casablanca, qu’il a transmise via son avocat Mohamed Ziane et authentifiée par ses proches dont son père, Nasser Zefzafi, qui attend son procès, a indiqué ‘’en vous écrivant depuis ma petite cellule verrouillée par des portes en fer et des serrures cherchant à emprisonner le corps sans pouvoir menotter la volonté, la conscience et le spectre de la liberté, je vous envoie cette lettre pour renouveler l’alliance et le serment que j’ai prononcé devant vous sur la Place des martyrs. » Le leader du Hirak arrêté fin mai dernier, a réaffirmé l’innocence des détenus du Hirak de l’ensemble des accusations portées contre eux. Pour lui, ces accusations ne sont que »calomnie et machination, tentatives désespérées de faire taire la voix de la liberté. Une voix qui dénonce, ajoute t-il, depuis le décès du martyr Mohcine Fikri, les corrompus au sein des autorités locales, des élus, des responsables gouvernementaux et des boutiques politiques ». Pour lui, il c’est là un ensemble qui a veillé »au fil des ans, à piller nos produits et amadouer nos frères et nos enfants, et à faire de fausses promesses sur des projets de développement illusoires et inachevés. » Il ajoute que »même le Roi du pays n’a pas été épargné de leurs mensonges et leurs complots. Nous avions foi à ce que leur vérité honteuse soit exposée devant lui pour que la loi s’applique à leur égard. »
Un mouvement pacifiste
Zefzafi insiste par ailleurs auprès des militants du Hirak à préserver le caractère pacifiste du mouvement. »Je vous demande de renoncer à la violence et à l’extrémisme et de ne pas dévier de nos réclamations justes. Je vous mets en garde contre le fait de ne pas être entraînés dans des machinations par ceux qui vous veulent du mal. Celui qui jette une pierre trahit le Hirak et ses détenus. Celui qui brisera du verre ne fera pas partie de notre mouvement. », a-t-il écrit. Il a, dans le même temps, clamé son innocence et celle de ses compagnons. »Alors que nous dessinons la trajectoire de la liberté et de la dignité de la prison, je vous le dis une fois encore, nous sommes innocents de tous les chefs d’accusation qui ont été émis contre nous ». »Ces allégations ont un unique but, c’est de faire taire la voix de la liberté qui a émergé après la mort de Mouhcine Fikri. L’objectif était de pointer du doigt les corrompus, les responsables gouvernementaux et les officines politiques qui ont pillé nos richesses depuis des années ».
Les démentis de l’administration pénitentiaire
Pourtant, la direction de la prison d’Oukacha a démenti que Zefzafi ait transmis mercredi 5 juillet une telle lettre à son avocat. « Le détenu a démenti catégoriquement dans une déclaration écrite les allégations émises par l’avocat » et assure ne pas « avoir remis une prétendue lettre publiée sur les réseaux sociaux », précise l’administration pénitentiaire dans un communiqué rendu public le lendemain jeudi 6 juillet. Quant à l’avocat Mohamed Ziane, il maintient avoir bien reçu le document. « Je ne suis tout de même pas fou! Je maintiens la véracité de cette lettre », a t-il déclaré à la presse. Écrite à la main et adressée « aux fils du Rif et de la nation », cette lettre a été attribuée le 5 juillet à Nasser Zafzafi.
De lourdes peines de prison
Le procès de Nasser Zefzafi est prévu lundi 10 juillet au tribunal de Casablanca. Il est notamment poursuivi, ainsi que les militants du Hirak, »d’atteinte à la sécurité intérieure », et encours une lourde peine de prison. Selon le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et la société civile et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, 176 personnes ont été arrêtées et placées en détention préventive suite aux manifestations de protestation du Hirak à Al Hoceima. Ces détenus, contre lesquels aucun jugement définitif n’a été prononcé, se répartissent comme suit : 56 personnes en cours d’instruction (48 devant la cour d’appel de Casablanca et huit devant celle d’Al Hoceima), 120 personnes en cours de jugement (64 devant le tribunal de première instance d’Al Hoceima, 51 devant la cour d’appel d’Al Hoceima et cinq devant la cour d’appel de Nador). Les procès de ces militants du Hirak ont commencé le 19 juin dernier.
Le »Hirak » est un mouvement de jeunes de la région pauvre du Rif (Nord-est) né en octobre 2016 après la mort atroce d’un poissonnier à Al Hoceima dont la marchandise avait été saisie et détruite par la police. En voulant sauver sa marchandise, jetée par des agents de police dans un camion-benne pour être détruite, il est mort broyé. Depuis, la colère des Rifains n’a pas faibli. Zefzafi termine sa lettre par renouveler ses plus »vives salutations de cette sombre cellule, espérant que mon emprisonnement renforce votre liberté que ma mort soit votre vie et dans ma défaite votre victoire ».