Le début du procès de Nasser Zefzafi, leader du mouvement rifain »Hirak », a été marqué par la diffusion de vidéos ‘’humiliatntes’’ montrant les militants du Hirak nus, lors de leur interrogatoire dans les locaux de la police, à Casablanca. Des vidéos dénoncées par la classe politique marocaine et les sympathisants du mouvement.
Un autre coup dur porté contre les militants du Hirak et qui prouve la violation de leurs droits et leur intégrité physique, selon leurs avocats. L’enquête annoncée par la justice marocaine sur l’origine de la diffusion et l’auteur de ces vidéos ne les convainc pas. Selon un des avocats du collectif de défense des militants du Hirak, l’enquête annoncée lundi par le procureur du roi, après la diffusion de la vidéo de Nasser Zefzafi par un média proche des milieux sécuritaires, Maître Isaac Charia, »ne servira à rien ». »Il n’y a ni enquête, ni investigation. C’est un gros mensonge qu’on adresse aux Marocains », relève t-il, avant de s’interroger sur »le véritable responsable de tout cela ». »C’est le procureur général et la BNPJ, ceux-là mêmes qui enquêtent sur la vidéo. Cela fait près de cinq jours et personne n’a été arrêté alors que le coupable est connu. Trois institutions sont impliquées, à savoir le parquet général, la DGAPR et la BNPJ, que Nasser n’a pas quittées », assure t-il.
Zefzafi accuse la BNPJ
En fait, la vidéo de Nasser Zefzafi montrant son corps pour réfuter les accusations de torture, jugée ‘’humiliante et dégradante » par plusieurs personnalités publiques et politiques marocaines, a été filmée dans les locaux de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), a déclaré à ses avocats le leader du Hirak. Selon »Al Yaoum 24 », l’avocat Rachid Belali raconte avoir rendu visite à Nasser Zefzafi mardi, et celui-ci lui aurait dit que la vidéo, publiée par un site proche des services de sécurité marocains, et aussitôt retirée, a été filmée dans les locaux de la BNPJ à la veille de son transfert vers la prison locale d’Oukacha.
»Il m’a raconté qu’un médecin est venu l’ausculter puis qu’un homme a commencé à le filmer. Ce dernier lui a dit que c’était tout à fait normal et fréquent », selon Belali. Mais, Zefzafi a dit n’avoir pas été en mesure de déterminer l’identité de l’auteur présumé de la vidéo, ni sa fonction au sein de la BNPJ. Une version confirmée par Isaac Charia, selon lequel »Zefzafi m’a confié que la vidéo a été filmée dans les locaux de la BNPJ. »
»La vidéo de Nasser Zefzafi, détenu sur fond des événements d’Al Hoceima à la prison locale de Ain Sebaa 1, n’a pas été enregistrée dans cet établissement pénitentiaire », s’est de son côté défendue la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR). Elle a précisé dans un communiqué que le détenu »n’a jamais porté les vêtements apparus dans la vidéo, depuis qu’il a été placé au sein de l’établissement pénitentiaire jusqu’à maintenant. »
D’autres militants du Hirak aussi
L’affaire a cependant pris la tournure d’un véritable scandale avec d’autres militants du Hirak filmés eux aussi nus lors de leur interrogatoire dans les locaux de la BNPJ.
Sur les réseaux sociaux, c’est la consternation. »La vidéo de Zefzafi n’est pas un cas isolé. D’autres détenus ont eux aussi été filmés de la même manière », rapportent des internautes sur Facebook, citant un article publié vendredi 14 juillet par Annahj Addimocrati ( La Voie démocratique). Selon le site du mouvement de la gauche radicale marocaine, c’est dans »les locaux de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), que d’autres détenus ont eu droit à leur lot d’humiliation, et ont été filmés presque nus lors des interrogatoires ». »Les détenus concernés ont même exprimé, devant le juge d’instruction, leur crainte que ces images soient utilisées contre eux », poursuit Annahj Addimocrati. L’information est même confirmée par l’avocat Isaac Charia. »Un autre groupe a été filmé de la même manière que Nasser Zefzafi dans les locaux de la BNPJ. Je le confirme », avant de souligner qu »’il ne s’agit pas de tous les détenus, mais de la plupart. »
On fera appel aux justices française, américaine…
»Après la vidéo de Nasser Zefzafi, nous avons demandé aux détenus s’ils avaient été eux aussi filmés au siège de la BNPJ. Certains ont répondu par l’affirmative. Nous avons découvert qu’il y avait une catégorie concernée, à savoir les figures connues du Hirak, mais je ne peux pas vous donner de noms », a-t-il ajouté dans des déclarations à la presse.
Quant à l’autre avocat de Zefzafi, Maître Mohamed Ziane, il estime que ces informations sont »une tentative de décourager les détenus et porter atteinte à leur moral en les humiliant aux yeux de la population du Rif. Si cela est vrai, alors ces vidéos seraient prises sous les ordres du procureur du roi. »
Et, dans le cas où la justice marocaine n’arrête pas »les coupables », »je peux vous assurer que nous ferons appel aux justices française, américaine et internationales. Nous sommes d’ailleurs en train de préparer ces recours », annonce t-il.
Les militants et responsables du Hirak, mouvement de protestation né en octobre 2016 à Al Hoceima, après la mort d’un poissonnier dont la marchandise avait été injustement saisie par la police, ont été arrêtés fin mai dernier après des jours de manifestations. Ils encourent plusieurs années de prison, et même la perpétuité pour Nasser Zefzafi, poursuivi notamment pour »atteinte à la sécurité de l’Etat ». Son procès se poursuit à Casablanca.