Deux »femmes-mulets » marocaines sont mortes lundi 28 août au poste frontière de Tarajal 2 entre l’enclave espagnole de Ceuta et la ville marocaine de F’nideq. Leur mort porte à quatre le nombre de ces porteuses de marchandises de contrebande, qui travaillent dans des conditions »indignes » à raison de 10 euros par passage. Elles en font plusieurs par jour.
Touria et Karima, originaires de Kenitra et Chefchaouen, deux »femmes-mulets », âgées respectivement de 34 et 45 ans sont mortes après avoir été piétinées dans violente bousculade tôt lundi matin au niveau du poste-frontière de Tarajal II.
Quatre autres transporteuses, blessées, ont été soignées à l’hôpital Hassan II de F’nideq. La mort de ces deux femmes intervient après celle d’une autre »femme-mulet » en avril dernier. Lundi 28 août, les porteurs étaient, comme à leur habitude, près de 20.000 à vouloir passer la frontière.
»Cela porte à quatre le nombre de personnes décédées depuis l’ouverture de ce poste-frontière début 2017 », rappelle Mohamed Benaïssa, président de l’Observatoire du Nord pour les droits de l’homme (ONDH).
Les »femmes-mulets » est le nom donné à ces femmes, généralement issues des campagnes et de milieux pauvres du Rif, qui transportent sur leur dos des marchandises souvent de plus de 80 kg entre la ville marocaine de F’nideq et l’enclave espagnole de Ceuta.
Dure, la condition de femme-mulet
A raison de 10 euros par passage, elles font plusieurs aller-retour dans la journée et sont »traitées comme du bétail », déplore Karima Omar El Ayachi, responsable locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH). Plusieurs ONG dénoncent leurs conditions de travail, estimant qu’elles sont »humiliantes et dégradantes ».
Les autorités espagnoles, qui avaient rénové le poste frontalier, ont renforcé les mesures de contrôle, notamment en matière de poids et des dimensions des colis portés par les travailleuses journalières, et l’établissement, d’un commun accord avec les autorités marocaines, d’un quota maximum de 4 000 laissez-passer par jour en février dernier aux porteurs contre 10.000 auparavant.
Ce qui a rendu plus fréquents les mouvements de foule. Selon Mohamed Benaïssa, plusieurs milliers de Marocaines se présenteraient chaque jour pour profiter de l’espace détaxé de l’enclave espagnole. Les premières arrivées étant les premières servies, il y a fatalement de violentes bousculades pour l’obtention du précieux laissez-passer.
« Cette situation alimente l’indignité humaine », déplore Mohamed Benaïssa dans une déclaration à l’AFP. « C’est pourquoi nous demandons aux autorités de fermer définitivement ce passage, et de créer des emplois pour qu’elles puissent trouver du travail dans un autre secteur » ajoute-t-il.
Indignation en Espagne
Déjà, en mars et en avril derniers, deux »femmes-mulets » étaient mortes dans la zone frontalière. La première, Souad El Khatibi (22 ans), est décédée des séquelles d’un œdème aigu du poumon, alors que la seconde, quinquagénaire, s’est évanouie après avoir été piétinée devant l’une des portes. Le procureur général de Tétouan a ouvert plusieurs enquêtes, mais elles n’ont, jusqu’à présent, jamais abouti.
Face à cette déplorable situation, l’Association andalouse des droits de l’homme (APDHA) a écrit au Parlement espagnol pour l’alerter sur des conditions de travail « absolument dégradantes » de ces femmes.
Les porteuses attendent « pendant des heures sous le soleil, sans eau potable, ni toilettes, ni abris », rapporte l’association, qui parle également de » »harcèlement quotidien », y compris « sexuel », par les forces de sécurité.
Le poste de Tarajal 2 avait été fermé au trafic commercial durant une semaine au début du mois d’août après des passages en force répétés de migrants pour pénétrer dans l’enclave espagnole.
Selon des estimations d’ONG, 500 millions de dollars de marchandises de contrebande entrent et sortent annuellement par Ceuta. L’autre enclave espagnole en territoire marocain est Melilla, près de la ville de Nador, dans le nord, près de la frontière avec l’Algérie.