Les cent jours du gouvernement El Othmani auront été incontestablement marqués par une gestion catastrophique de la contestation sociale et politique dans le Rif. Les sécuritaires ont supplanté les politiques et aggravé la crise.
Une série d’erreurs et de dépassements de la police locale ont abouti, fin octobre 2016 à la mort atroce d’un poissonnier à Al Hoceima. La fin tragique de cet homme qui tentait de récupérer sa marchandise d’une benne à ordure a déclenché un mouvement de contestation de grande ampleur dans le Rif.
Nommé en avril dernier, après un long blocage politique où Abdelilah Benkirane a été empêché, par des manœuvres politiques, de former un cabinet à l’issue des élections législatives d’octobre 2016, le gouvernement de Saad Eddine El Othmani a subi le fardeau de la contestation dans le Rif.
Les proches d’El Othmani ont beau essayer de dresser un bilan positif de ces cent jours à la tête du gouvernement, il est patent que la situation tumultueuse dans le Rif l’a complètement dépassée.
Avec plus de 500 manifestations de protestation au mois d’avril, lors de sa nomination, il était clair que le chef de gouvernement était dépassé par l’ampleur de la contestation, expression des rancœurs et des frustrations accumulées par le Rif. L’envoi d’une délégation ministérielle ne pouvait être la solution d’autant que le recours à la répression rendaient peu crédibles les propos velléitaires sur le dialogue.
L’absence politique du gouvernement a contrasté avec l’omniprésence des services de sécurité qui a entrainé un pourrissement de la situation, avec l’arrestation de plus d’une centaine de manifestants et militants du mouvement Hirak qui a enregistré sa première victime,, Imad Attabi, mort mardi des suites d’une blessure à la tête lors de la manifestation interdite par les autorités du 20 juillet.
Le bilan de cette contestation dans le Rif, réprimée par les sécuritaires est éloquent : un mort, des centaines de blessés, la plupart non déclarés, de peur d’être arrêtés, des maisons détruites par les policiers.
Officiellement, selon le ministre d’Etat aux Droits de l’Homme Mustapha Ramid, 416 représentants des forces de l’ordre ont été blessés durant les manifestations du Hirak depuis le début des manifestations fin octobre 2016, alors que le nombre des blessés côté manifestants n’est que de 45 personnes. Un bilan, bien sûr, contesté par les organisations de défense des droits de l’Homme, dont l’AMDH.
Retour aux années de plomb
En outre, le nombre de détenus du Hirak est seulement estimé entre 160 et 210 personnes, le ministère de l’Intérieur ou de la Justice n’ayant donné aucune statistique sur le nombre réel de militants du Rif arrêtés et emprisonnés.
‘’Un rapide retour vers les années de plomb’’, dénoncé notamment par le parti Ennahdj Eddimocrati. Sur ce nombre de prisonniers du Hirak, le roi Mohammed VI n’a gracié que 36 détenus fin juillet.
L’enterrement mercredi du militant Imad Attabi a donné lieu, cependant, à une reprise des manifestations, aussi bien à Al Hoceima que dans les grandes villes du pays, dont Oujda et Rabat.
Le gouvernement El Othmani a passé plus de temps à faire voter des lois que gérer la poudrière du Rif. En tout, il a fait adopter 63 décrets sur les 70 déposés devant le Parlement, dont la loi tant décriée sur »l’indépendance du parquet », ou celle, illusoire selon Amnesty Maroc, sur la lutte contre la corruption à travers le décret relatif »à la création de la commission nationale de lutte contre la corruption. »
Sur le plan économique, peu de choses, hormis l’annonce du passage d’un régime de change flexible pour le dirham, sans donner de date. « Le timing sera choisi au moment opportun », avait indiqué le 6 juillet dernier le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, à l’issue d’un Conseil du gouvernement. Le chef de gouvernement devrait dévoiler son bilan à la fin du mois d’août, selon des sources gouvernementales.