Au Maroc, la rentrée politique 2015 passe par de décisives élections locales et régionales pour le parti au pouvoir, le PJD, avant les législatives de septembre 2016.
Vendredi 4 septembre, plus de 14 millions de Marocains inscrits sur les listes électorales seront appelés à élire les 24 655 membres des conseils communaux. Après le scrutin, seront désignés les présidents des communes de plus de 35.000 habitants, les présidents des six conseils de ville (Casablanca, Rabat, Salé, Tanger, Fès et Marrakech), ainsi que pour les conseils régionaux. C’est là une nouveauté introduite par le projet de régionalisation avancée. Prélude aux législatives de 2016, ce scrutin a été minutieusement préparé par les partis politiques, de la majorité que de l’opposition. Au milieu d’une guerre aux voix dans les grandes villes du pays, où selon la presse marocaine l’achat des voix des jeunes électeurs fait rage, il y a surtout une bataille singulière entre le parti au pouvoir, le PJD (Parti pour la Justice et le Développement, Islamiste modéré), le PAM (Parti de l »Authenticité et de la Modernité), et le vieux parti de l’Istiqlal. A la surprise générale, c’est le PAM qui aurait pris une longueur d’avance sur ses concurrents, en particulier le PJD, à l’issue des élections des chambres professionnelles, le 7 août dernier. Le PAM, créé en 2008 par Fouad Ali El Himma, alors ministre délégué à l’Intérieur et proche d’entre les proches de Mohamed VI, a raflé 408 sièges (18,7 % du total) au sein des chambres d’agriculture, de commerce, de l’industrie et des services, de l’artisanat et des pêches maritimes. Le PJD de Abdelilah Benkirane n’a remporté que 196 sièges (près de 9 %), devancé par l’Istiqlal (16,1 %) de Hamid Chabat, actuel maire de Fès, le Rassemblement national des indépendants (RNI, 14,9 %), le Mouvement populaire (MP, 9,3 %) et par les candidats sans appartenance politique (SAP, 11,8 %).
Un avertissement au PJD
Pour les observateurs politiques, c’est là un avertissement »gratuit » du PAM au PJD, qui a le vent en poupe pour remporter ces élections locales. Pour autant, un vent de suspicion plane sur le financement et la destination de l’argent de la campagne électorale des partis en lice. Des journaux marocains ont fait allusion à l’achat de voix, à des affrontements entre candidats et entre partis dans les grandes villes du pays, en particulier à Fès, Casablanca, Tanger. Pour couper court à ces pratiques et crédibiliser ce scrutin, le ministère de l’Intérieur, qui supervise avec celui de la Justice le déroulement des élections, a plafonné les dépenses à 150 000 dirhams (13.820 euros) par candidat aux régionales et de 60.000 dirhams aux communales. Les partis politiques, eux, avaient annoncé des sommes biens supérieures, dont le PAM, qui prévoit de dépenser 30 millions de dirhams, dont le tiers provient de subventions du ministère de l’Intérieur, le RNI avec 12 millions de dirhams, dont près de 6,5 millions d’aides de l’État.
Les régions, l’autre grande bataille
Au delà des »communales », ce sont bien les élections dans les six régions qui restent le »clou » de cette consultation. Dans la région de Rabat-Salé-Kenitra (4,58 millions d’habitants, 124 communes), la bataille va opposer un cadre du PJD, Abdelaziz Rebah, ministre de l’équipement et des transports, au président de la commission des affaires étrangères au parlement, Mehdi Bensaid du PAM et Omar Balafrej, un transfuge de l’USFP qui a rejoint la Fédération de la Gauche Démocratique (FDG). Mais, c’est dans le Grand Casablanca-Settat (6,86 millions d’habitant, 169 communes) que les élections communales et régionales seront le plus animées avec sur la grille de départ Mohamed Sadjid, maire sortant de la ville sous les couleurs de l’Union Constitutionnelle (UC), Yasmina Badou (Istiqlal), ancienne ministre de la Santé, alors que le PAM dans cette circonscription sera représenté par Mustapha Bakkoury. Dans la région Fès-Meknès (4,23 millions d’habitants, 200 communes), ce sera un grand duel entre le maire sortant et SG de l’Istiqlal, le tumultueux Hamid Chabat, contre Driss El Azamy Idrissi (ministre chargé du Budget) du PJD, et Mohamed Ouzzine du Mouvement Populaire, démis en janvier dernier de ses fonctions de ministre des sports. Les autres régions sont celles de Tanger-Tétouan-Al Hoceima (3,55 millions d’habitants, 150 communes) avec un seul candidat, Ilyas El Omari du PAM, Marrakech-Safi (4,52 millions d’habitants, 256 communes) avec une seule candidate, la maire sortante de la ville Fatima Zohar Mansouri du PAM, et enfin Agadir-Souss-Massa (2,67 millions d’habitants, 175 communes). La curiosité lors du scrutin est que les électeurs vont voter non pas avec une carte d’électeur, mais avec leur carte d’identité nationale, seule valable selon un communiqué du ministère de l’Intérieur pour cette consultation.