La justice marocaine a eu la main lourde en condamnant dans la nuit de mardi à mercredi, 32 militants du Hirak. Sur le front politique, le SG du PPS et ministre de l’Habitat Nabil Benabdallah, accuse ouvertement le PAM, proche du palais, d’être à l’origine de la crise dans le Rif
.Dans la salle d’audience du tribunal de première instance d’Al Hoceima, une région insurgée depuis octobre dernier contre l’injustice, le sous-développement et la marginalisation, des parents de militants du Hirak se sont évanouis à la lecture du verdict.
32 accusés avaient arrêtés après la manifestation du 26 mai dernier du mouvement rifain Hirak. Ils ont été jugés au cours d’une audience marathonienne entre mardi soir et mercredi à Al Hoceima.
Les avocats de la défense ont annoncé un verdict »injuste »: 25 accusés ont été condamnés à 18 mois de prison ferme, trois autres ont été condamnés à six mois de prison avec sursis, et quatre condamnés à deux mois de prison avec sursis. Ils étaient poursuivis pour »rébellion, attroupement armé, insultes et violences à l’égard d’agents de la force publique, dégradation d’objets affectés à l’intérêt général, outrage à agents de la force publique, manifestation sans déclaration préalable sur la voie publique ».
Selon Telquel, le verdict a été rendu dans une ambiance »tendue ». Rachid Belaali, avocat et coordinateur de la défense des détenus, a indiqué que ce verdict a suscité la colère des familles des détenus, qui estiment que »ces jugements sont injustes ». Il a ajouté que plusieurs personnes »se sont évanouies suite à l’annonce de ce jugement ».
Zefzafi et ses compagnons à Oukacha
Aucune information n’a par ailleurs filtrésur le sort d’autres militants du Hirak arrêtés dans la foulée des manifestations du début du mois de ramadhan, dont les dirigeants du mouvement Nacer Zefzafi et Nabil Ahmajik, poursuivis notamment pour atteinte à la sécurité de l’Etat.
Immédiatement après leur arrestation, ils ont été transférés dans les locaux de la BNPJ de Casablanca, où ils ont été longuement interrogés. Ils auraient également subi des sévices corporels, selon des ONG, et ils n’ont pas pu rencontrer leurs avocats. Nasser Zefzafi et ses compagnons ont été ensuite transférés à la grande prison d’Oukacha, à Casablanca.
Le poids de la rue
Dimanche dernier, une marche nationale de »la dignité » avait été organisée en solidarité avec les militants du Hirak, et les populations du Rif. Au moins 100.000 manifestants selon des associations, 12.000 à 15.000 selon la police, avaient dénoncé les arrestations et la répression dans le Rif, et demandé la libération de tous les militants du Hirak.
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, ils seraient 87 personnes à avoir été arrêtées à la suite des manifestations à Al Hoceima, plus d’une centaine, selon des associations humanitaires.
Plusieurs partis, dont le PPS (communiste) de Nabil Benabdallah, ont accusé ouvertement le PAM (Parti Authenticité et Modernité), d’être à l’origine des événements dramatiques de la région d’Al Hoceima, enclenchés après la mort d’un poissonnier dans un camion benne à ordures alors qu’il voulait sauver sa marchandise confisquée par la police. Sollicitée par le roi pour une médiation, le SG du PJD (islamiste), Abdelilah Benkirane, avait refusé.
Le PAM accusé de négligence
Après les appels à la libération inconditionnelle des militants du Hirak au parlement, le chef de file du Parti pour le Progrès et le Socialisme a accusé le PAM, un parti créé par Fouad Ali El Himma, un des plus proches et confidents du roi, d’être à l’origine de la colère dans le Rif.
Samedi 10 juin sur le plateau de Médi1 TV, Nabil Benabdallah, également ministre de l’Habitat et de la Ville, a lancé : »nous considérons le problème d’Al Hoceima comme un problème national, loin de tout calcul politicien. Nous demandons aux responsables du PAM d’avoir un peu de retenue et leur disons qu’ils ne remplissent pas leur rôle bien qu’ils dirigent aujourd’hui la région. »
»Sur les 36 communes de la région, ils ont la gestion de 30 d’entre elles qu’ils ont remportées de la manière que l’on connaît et non pas par mérite », a-t-il ajouté. Tous les maux du Rif incombent, selon le PPS, au PAM, et au-delà, aux responsables de ce parti, proche du Palais, s’accordent à souligner les milieux politiques à Rabat. Le SG du PPS a également demandé, comme beaucoup de partis de la gauche marocaine, la libération des militants du Hirak.