Par Tarek El Ouasti
Les manifestations pacifiques à Oran n’avaient jamais connu cela. Le pouvoir a tenté de disperser violemment le Hirak au 1er jour de l’ère Tebboune. Des arrestations ciblées durant les derniers jours laissent penser à un plan pour « mater » Oran.
Dans la chronique du Hirak, le 43ème vendredi à Oran manquera désormais de photos et de documents vidéo. Et pour cause, la férocité de la répression exercée par les forces de l’ordre sur les manifestants. S.Mounir, A. A. Ali, O.A. Samir, Mme C. Djamila, et d’autres qui se sont spécialisés dans la traque des clichés parlants de ce mouvement citoyen n’ont même pas pu déployer leur matériel. En début d’après-midi de ce lendemain de l’élection présidentielle, la présence des forces de l’ordre à la Place du 1er Novembre, lieu de ralliement des hirakistes, était intimidante. Au point où la marche hebdomadaire a démarré quelques dizaines de mètres plus loin, au niveau du siège de la mouhafada du FLN. Mais c’était compter sans la résolution des forces de l’ordre de casser le mouvement.
Sans ménagement, les policiers ont entamé l’exécution de leur plan : tabasser et embarquer le tout venant. Ils ont réussi à intimider la foule, déjà maigre par rapport aux semaines précédentes. Surpris par cette violence inouïe, les hirakistes se sont dispersés dans les rues et venelles adjacentes.
Commence alors la seconde étape du plan : la chasse au manifestant. En premier ce sont ceux qui ont pris l’habitude de « se couvrir » avec l’emblème national. Ainsi, le jour de l’élection du nouveau chef d’Etat, le port du drapeau est devenu un motif pour interpellation. Sur son mur FB, un hirakiste connu pour sa propension aux selfies, raconte l’histoire d’un jeune homme de vingt ans à peine, interpellé au tramway, parce qu’il brandissait un drapeau. Mais les arrestations devaient s’abattre sur un certain nombre de personnes bien ciblées. Tout laisse croire qu’une liste préalable « des personnes à ramasser » a été établie dans les locaux des services de sécurité. Parmi elles, un certain nombre de journalistes : un correspondant de Liberté, un journaliste de JDO, Un photographe d’El Khabar, un autre photographe d’El Djoumhouria….Le plus grave, ce sont les arrestations opérées sur des terrasses de café et même dans des lieux de résidence.
Les tenues bleu, secondées par les agents de renseignement, ont investi certains cafés, devenues des haltes des marches hebdomadaires, pour opérer leur peu exaltante besogne. Signalons que parmi les jeunes embarqués, nombreux d’entre eux sont les enfants des anciens militants de la gauche oranaise. On parle de centaines d’arrestations. Des listes des personnes interpellées ont circulé sur la toile. Un simple examen des noms y figurant autorise l’hypothèse de la liste établie préalablement. La plupart d’entre eux sont connotés politiquement et évoluant autour du milieu de la gauche et de la LADDH.
Le retour de Saint Pierre
Ce coup de force n’a pas été improvisé. Pour Rappel Kaddour Chouicha, président de la ligue de défense des droits de l’hommes à Oran a été arrêté et condamné en comparution immédiate à une année de prison ferme, le 10 décembre dernier, journée internationale des droits de l’homme. Le jour du vote, les forces de l’ordre ont empêché tout rassemblement des contestataires des élections. En recourant à la violence et en procédant aux arrestations.
La Place du 1er Novembre a cédé ses couleurs joyeuses à celle de l’uniforme sombre des forces de l’ordre. La manifestation improvisée en milieu d’après-midi aux abords du Lycée Lotfi n’a pas tenu longtemps. La célérité avec laquelle se sont déployées les forces de l’ordre laisse supposer l’existence d’un plan « vigipirate » local. Il faut dire que deux jours avant la tenue du rendez-vous électoral, les policiers se sont entrainés à investir n’importe quel point de la ville où les hirakistes se sont déployés dans le cadre des manifestations nocturnes.
Signalons que vers la fin de l’après-midi de ce vendredi 13 décembre, les jeunes du quartier de Saint Pierre, ont tenu et réussi à sauver l’honneur de la ville. Ils ont investi le centre-ville. Par ce, ils ont peut-être acté leur retour au Hirak qu’ils avaient déserté depuis quelques semaines.
La férocité de la répression qui s’est abattue sur le Hirak à Oran et à Saida soulève plus d’une question. Cette férocité s’est accompagnée par l’apparition de nouveau matériel : de grosses motos. Est-ce qu’Oran sert de terrain d’essai à une nouvelle approche, peu conventionnelle, du Hirak ? Ceci au moment où le futur locataire du Palais d’El Mouradia avance une offre de dialogue avec ce mouvement citoyen .