En 2015, 110 journalistes sont morts, dont 67 au moins ont été tués dans l’exercice ou en raison de leurs fonctions, alors que 54 autres sont encore détenus par des groupes paramilitaires ou terroristes dans le monde, indique un bilan de RSF, qui demande aux Etats une “réaction à la hauteur de l’urgence”.
Au cours de l’année 2015, Reporters sans frontières (RSF) »a recensé 110 journalistes tués en raison de leur métier ou décédés de morts suspectes. Pour 67 d’entre eux, l’organisation est en mesure d’affirmer de manière formelle qu’ils ont été tués en raison de leur profession ou dans l’exercice de leur mission, soit un total de 787 depuis 2005 ». RSF estime que »les autres cas font l’objet de suspicions », et relève qu’à »ces chiffres s’ajoutent 27 journalistes citoyens et 7 collaborateurs de médias tués. » Pour l’Organisation, »cette situation préoccupante est imputable à une violence délibérée contre les journalistes, et témoigne de l’échec des initiatives en faveur de leur protection. »
»Parmi les pays les plus meurtriers pour les journalistes en 2015, un pays européen, la France, figure au troisième rang, après la Syrie et l’Irak. L’attaque perpétrée en janvier contre Charlie Hebdo participe à l’inversion de la tendance de 2014 où deux tiers des reporters tués dans le monde l’avaient été en zones de conflits. Cette année, au contraire, deux tiers des journalistes tués l’ont été “en temps de paix”.
Christophe Deloire, secrétaire général de l’organisation, estime qu’il est »impératif de mettre en place un mécanisme concret pour l’application du droit international sur la protection des journalistes. Aujourd’hui, des groupes non étatiques perpètrent des exactions ciblées contre les journalistes, tandis que de trop nombreux États ne respectent pas leurs obligations. » Dès lors, »les 110 reporters tués cette année doivent générer des réactions à hauteur de l’urgence : un représentant spécial pour la protection des journalistes auprès du secrétaire général des Nations Unies doit être nommé sans tarder”, préconise t-il.
54 journalistes encore otages à ce jour dans le monde
Par ailleurs, RSF rapporte dans son bilan 2015 que »54 journalistes professionnels – parmi lesquels une femme – sont otages dans le monde à ce jour, soit une hausse de 35 % par rapport à 2014. » »Sans surprise, c’est en Syrie que le nombre de journalistes aux mains de groupes non-étatiques est le plus nombreux (26). A lui seul, le groupe Etat islamique détient 18 d’entre eux, principalement en Syrie et en Irak », précise RSF.
“Dans certaines zones de conflits, une véritable industrie des otages s’est développée », déclare Christophe Deloire, qui affirme que »nous ne pouvons que nous alarmer de l’augmentation du nombre de reporters otages dans le monde en 2015. » Selon lui, »le phénomène est surtout lié à l’explosion des enlèvements de journalistes au Yémen : en 2015, 33 journalistes ont été enlevés dans le pays par les milices houthies et Al-Qaïda, contre 2 en 2014, et 13 y sont encore otages à ce jour.”
Le nombre de journalistes incarcérés à ce jour (153) a en revanche diminué par rapport à l’an passé (- 14 %). A ce chiffre, il convient d’ajouter 161 journalistes-citoyens et 14 collaborateurs de médias. »La Chine demeure, encore aujourd’hui, la première prison du monde pour les journalistes, suivi de près par l’Egypte avec 22 professionnels des médias derrière les barreaux à ce jour », indique RSF.
Les chiffres du CPJ
Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), organisation basée à New York, ‘’des groupes militants islamistes tels que l’État islamique et Al-Qaïda sont responsables du meurtre de 28 journalistes dans le monde cette année’’. ‘’40% du total ont été tués pour des motifs en relation directe avec leur travail’’, selon le recensement annuel du CPJ, selon lequel ‘’neuf de ces meurtres ont eu lieu en France, classée deuxième derrière la Syrie parmi les pays au monde les plus dangereux pour la presse en 2015.’’ Contrairement aux chiffres de RSF, le CPJ estime que ‘’69 journalistes ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions, y compris ceux assassinés en représailles directe à leur travail ainsi que ceux tués sur des champs de combat ou dans des tirs croisés ou lors d’autres missions dangereuses.’’ Le bilan de cette année, qui comprend des journalistes tués entre le 1 janvier et le 23 décembre 2015, est plus élevé que celui de 2014, qui faisait état de 61 journalistes tués. Le CPJ indique par ailleurs poursuivre ‘’ses enquêtes sur les cas d’au moins 26 autres journalistes tués au cours de l’année afin d’établir si leurs décès sont liés à leur profession.’’
En 2015, huit journalistes ont été portés disparus. »Les journalistes disparaissent majoritairement dans les zones de conflits où l’instabilité sur le terrain s’ajoute à la difficulté des enquêtes pour les retrouver — quand enquête il y a », explique l’organisation. Pour elle, »la Libye, où il est de plus en plus difficile d’obtenir des informations fiables, est le pays le plus concerné avec quatre journalistes libyens et un caméraman égyptien de la chaîne privée Barqa TV disparus cette année. »