La solution du problème du logement en Algérie passe nécessairement par l’adoption d’une politique permettant de faire entrer, sur le marché locatif, près de deux millions de logements fermés, selon l’architecte Mohamed Larbi Merhoum.
« La course que nous menons aujourd’hui pour le logement est une course perdue, si on ne règle pas la question des deux millions de logements fermés », a estimé l’architecte Mohamed Larbi Merhoum, qui était invité, mardi dernier, du Direct de Radio M, pour sa première émission de la nouvelle saison.
Pour l’invité du Direct, « parfois la solution d’un problème n’est pas dans le problème mais à l’extérieur de celui-ci ». C’est le cas de la problématique du logement en Algérie pour laquelle M. Merhoum préconise d’abord de régler la question des habitations fermées avant de s’engager « sous la pression » dans des programmes pour la réalisation de centaines de millions d’unités. « Si on arrive à mettre le 1,5 ou 2 millions de logements fermés sur le marché, vous imaginez bien que la pression va redescendre », dit-il. Selon lui, « au rythme où nous voulons construire aujourd’hui, on a une pression énorme sur les matériaux de constructions. Nous n’avons pas assez de ciment, pas assez de briques ni de rond à béton. Mais également pas assez d’architectes ni d’entreprises pour la réalisation des programmes de logements. Alors que nous avons deux millions de logements qui sont fermés ».
La question est donc d’explorer des pistes « pour que ces logements reviennent sur le marché locatif qui a besoin d’être boosté ». « Si on arrive à mettre ces deux millions de logements sur le marché en six mois, nous allons réduire la pression sur le secteur et permettre à la politique de logement de gagner en qualité, en efficacité, et en organisation », insiste-t-il.
Une forme de dépendance
« Le logement permet de maintenir une forme de dépendance » vis-à-vis de l’administration, constate l’architecte qui estime que la politique du secteur de l’Habitat « fait partie de la gestion de la rente » en Algérie. L’intervenant plaide pour l’ouverture du marché, comme cela a été le cas dans d’autres secteurs, comme la téléphonie et l’importation de véhicules « où le problème a été réglé ». « Il y a quelques années, il fallait connaître un ministre pour avoir une puce de téléphone mobile. Le problème a été réglé depuis l’ouverture du marché. C’est le cas aussi de l’automobile où il fallait connaître le patron de la Sonacom pour bénéficier d’un véhicule importé par l’Etat. Maintenant, il y a des véhicules qui coutent 500.000 DA et d’autres 25 millions de DA. En ce retirant de ces marchés, l’Etat a permis un équilibre dans ces deux secteurs », poursuit l’invité de Radio M.
D’autant que, pour lui, la question du logement « n’est pas un problème uniquement algérien ». Il cite d’autres pays qui font face aux mêmes problèmes et où l’Etat essaye de « trouver des mécanismes d’équité et de justice sociale » pour, par exemple, booster la location, au lieu de « devenir acteur » du secteur.
Taxer les logements fermés
Comment mettre sur le marché locatif au moins la moitié de ces deux millions de logements fermés ? Selon la démarche proposée par Mohamed Larbi Merhoum, en réponse à cette question, il faut, après avoir « décelé ces logements », et de les taxer suffisamment. « Je pense qu’il faut taxer les logements fermés. Si on donne le choix aux propriétaires de logements fermés, de payer une taxe mensuelle de 25.000 DA ou de bénéficier d’une totale défiscalisation en cas de location du logement. Qu’est ce qu’on gagne avec les 3 points de fiscalité de la location comparativement à la fiscalité hydrocarbure ? », s’interroge l’intervenant qui rappelle que la réduction, il y a quelques années, de cette taxe a légèrement fait bouger le secteur de la location du logement et, surtout, d’encourager les propriétaires de déclarer la totalité des montants. La défiscalisation permettrait aussi, selon l’architecte, de
Toujours pour booster le marché de la location, M. Merhoum estime qu’il faut encadrer davantage la relation entre le propriétaire et le locataire. « Aujourd’hui, même si on a mis un dispositif juridique qui permet de faire sortir du logement les locataires qui ne payent pas », dans la réalité les choses ne se passent pas comme ça tout le temps, puisque le wali peut surseoir à une décision d’expulsion.
Enfin, l’architecte propose de mettre en place un système d’aide, allant jusqu’à 50%, pour les gens qui ne peuvent pas payer la totalité d’un montant de location.
Changement du rôle de l’Etat
Toutes ces solutions, préconisées pour encourager la location de logements afin de baisser la pression qui permettra d’envisager d’autres programmes construction dans la sérénité, ne doivent pas, selon l’invité de Radio M, faire oublier que le rôle de l’Etat doit changer. Le problème que nous trainons depuis près de 20 ans, c’est que l’Etat qui, au lieu de jouer son rôle de régulateur, est devenu acteur », estime M. Merhoum.
« Je ne connais pas beaucoup de pays où le secteur de la construction est aussi pris par le secteur public. La construction et l’architecture c’est le domaine du privé, parce que le logement doit rester un objet marchand. On ne fait pas de la politique avec du logement, mais une politique de logement en libéralisant le secteur de la construction », dit-il encore.
D’où l’urgence, selon lui, de changer de paradigme qui consiste à « commencer un texte législatif » par « il est interdit de… », et d’aller vers la libéralisation du secteur de la construction.