Mourad Preure: "L'Algérie doit exploiter les tensions russo-européennes pour se repositionner sur le marché énergétique" - Maghreb Emergent

Mourad Preure: “L’Algérie doit exploiter les tensions russo-européennes pour se repositionner sur le marché énergétique”

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Dans cet entretien publié par Al Huffington Post Algérie, l’économiste algérien Mourad Preure aborde notamment les chances de l’Algérie de se repositionner sur le marché gazier mondial en exploitant à son avantage la crise entre l’Union européenne et la Russie, qui lui fournit 30% de ses besoins en gaz.

 

“En géopolitique, il n’y a pas de sentiment, il y a uniquement des intérêts”, résume d’emblée Mourad Preure, professeur en stratégie et géopolitique de l’énergie. “La Russie a des difficultés avec l’Europe, profitons-en pour négocier avec elle. L’Europe cherche à se détacher de la Russie, positionnons-nous sur le marché”, développe ce spécialiste algérien en énergie contacté par le Huffington Post Algérie.

Dans cette bataille d’influence énergétique, le nucléaire occupe le premier rang comme l’atteste la récente signature d’un accord de coopération dans l’énergie nucléaire entre l’Algérie et la Russie. Le choix de l’ancienne Union soviétique comme partenaire pour la construction de la première centrale du pays n’est pas anodin.

“La France construit des centrales mais exige de garder la main sur toute la technologie et la maintenance. Par conséquent, l’Algérie resterait dépendante de son partenaire”, explique Mourad Preure. “La Russie, en revanche, accepte de transmettre son savoir-faire technologique”, ajoute-t-il.

Pour ce spécialiste du marché énergétique, la construction du premier réacteur nucléaire en Algérie devrait amorcer l’apprentissage du pays dans le domaine en le mettant dans une “position de veille technologique active”.

“Peut-être que les Russes sont plus disposés à nous aider à maîtriser la technologie parce qu’ils sont en pleine recherche d’alliances”, avance Mourad Preure. “Car, depuis la chute de l’URSS en 1990, la Russie n’a jamais réussi à se redéployer à l’international avec des alliances en politique énergétique”.

Pour autant, rien n’empêche l’Algérie d’avoir un partenaire occidental pour mettre la Russie en concurrence, souligne le professeur Preure :”Le marché du nucléaire en Algérie contient d’énormes enjeux financiers et stratégiques dont les Américains et les Européens ont bien conscience.”

 

Front occidental

 

Tout en négociant avec la Russie, l’Algérie doit se réaffirmer en Europe, où la crise ukrainienne a ouvert les appétits de nos concurrents gaziers comme le Qatar, la Tanzanie, le Mozambique et surtout les Etats-Unis, poursuit Mourad Preure.

“On a intérêt à renforcer notre position en Europe parce qu’on risque d’être jeté du marché gazier européen, qui est à un tournant”, prévient l’expert de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) qui rappelle que l’Algérie fournit actuellement 10% du gaz à l’Europe contre 30% pour la Russie.

Et la construction d’un gazoduc russe vers l’Europe du Sud ne va pas dans le sens d’une amélioration des parts du gaz algérien en Europe. Au contraire. “Avec une capacité de 65 milliards de mètres cubes, soit plus que nos importations, la Russie peut nous pousser hors du marché européen”, assure Mourad Preure. “Mais la bonne nouvelle est ce que les Européens ne font plus confiance à la Russie. Donc on peut profiter de la situation”, ajoute-t-il.

“Pour cela l’Algérie doit libérer des volumes de gaz pour l’exportation en réduisant la demande intérieure, explique le spécialiste “car on ne peut pas agir rapidement sur l’offre régie par la découverte de nouveaux gisements qui demande du temps”. Seules de strictes économies d’énergie permettront d’arriver à un tel résultat. Intérêt encore et toujours.

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