Le collectif citoyen «Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées» (Nabni) a organisé samedi 2 juillet à Alger une sahra autour de la valeur de liberté qui s’inscrit dans le cycle de soirées-débats initiées depuis le début du mois de ramadan dans le cadre du projet « Algérie rêvée » lancé en mai dernier.
Après «l’e-galité» et «le sport», c’est sur la «liberté» que le collectif citoyen Nabni s’est arrêté samedi 2 juillet. Cette troisième sahra du mois de ramadan qui a rassemblé une cinquantaine de personnes dans le confortable amphithéâtre de l’Ecole supérieure algérienne des affaires (ESAA) à Alger, s’est déroulée autour des trois problématiques «Aux origines», «Liberté 2.0», «Toujours libre demain» et des résultats du sondage lancé auprès des participants lors de l’inscription à la soirée.
En ouverture de la soirée, le collectif Nabni a présenté les réponses obtenues auprès des 280 participants au sondage sur le sentiment de liberté. Ainsi à la question «Vous sentez-vous libre?», la majorité des personnes interrogées s’estiment «plutôt libre». Quant à la définition de la liberté, la majorité considère «qu’elle commence là où la liberté des autres s’arrête».
La liberté à l’épreuve du temps
Fidèle à ses habitudes, le collectif Nabni a commencé par poser les fondements du terme «liberté» en abordant avec les invités du premier panel la question des «origines».
Le sociologue Karim Khaled, enseignant-chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), le professeur de philosophie et militant syndicaliste Mohamed Bouhamidi ainsi que l’ancien magistrat Abdelatif Sifaoui, membre de l’association des oulémas, ont, tour à tour, traité de : l’impact de la liberté sur l’évolution socioprofessionnelle des cadres algériens (1962-2016), les libertés durant la période coloniale et de la liberté dans les institutions. Non sans provoquer un débat, parfois houleux, avec la salle.
Ambitieuse dans son programme, cette première partie s’est toutefois révélée dense et surtout trop longue pour capter correctement et jusqu’au bout l’attention du public.
La liberté de la presse: liberté collective la plus importante
Selon le sondage réalisé auprès des 280 inscrits à la soirée, la liberté de la presse arrive largement en tête des libertés collectives les plus importantes avec 78% de taux de réponses. Même constat en ce qui concerne les libertés individuelles; 83% des répondants estimant que la liberté d’opinion et d’expression est la plus importante des formes de liberté individuelle.
Dans cette perspective, le second panel a rassemblé journalistes et spécialistes des nouvelles technologies pour traiter de la liberté 2.0 dont la place et l’importance ne cessent de croître dans le quotidien des Algériens. Et qui, de ce fait, subit des restrictions de plus en plus fortes, ont relevé les quatre invités : Tarik Hafid, directeur de publication du site électronique Impact 24, Akram Kherief, éditeur du site électronique «Secret Difa3», Yacine Belkessem, spécialiste en nouvelles technologies et Abdelwaha Maouchi, écrivain et éditeur.
L’Algérie au plus bas des classements de la liberté de la presse
«De 1997 à 2016, l’Algérie a connu une liberté d’internet absolue mais depuis cette année, les choses ont changé», a souligné Akram Kherief, en citant les «rumeurs de filtres» et les «arrestations de citoyens pour leurs publications sur Internet».
Un constat partagé par Tarik Hafid, qui estime que la «liberté de la presse est grandement menacée». En atteste le procès du ministère de la Communication contre le rachat du groupe médias El Khabar par l’homme d’affaires Issad Rebrab, l’emprisonnement des responsables de la chaîne de télévision KBC relevant de ce même groupe ou encore le déménagement interrompu du journal El Watan dans son nouveau siège.
«N’oublions pas que la liberté d’expression est intimement liée à la liberté d’entreprendre» a fait remarquer Tarik Hafid, en se référant aux pressions économiques subies par les médias indépendants depuis le 4e mandat. Ce faisant, «l’Etat est en train de créer une sphère médiatique complètement informelle très dangereuse», a-t-il averti.
D’ailleurs, depuis ces deux dernières années, l’Algérie ne cesse de rétrograder dans les classements internationaux en matière de liberté de la presse. Elle occupe ainsi la 136e place sur 190 dans le classement «Freedom of the Presse 2016» et a perdu son statut de «liberté partielle», a relevé le collectif Nabni.
Et demain, toujours libres?
Pour se projeter dans l’avenir et parler de la liberté dans la concrétisation de l’Algérie rêvée, la soirée s’est achevée sur une note culturelle et spirituelle avec la critique d’art Nadira Laggoune, commissaire d’exposition et professeur à l’Ecole des Beaux-arts et Houyame Aydi, militante de la société civile.
«Il n’y pas de liberté absolue, nous avons besoin de lois pour protéger la liberté d’expression », a conclu Nadira Laggoune.