Nourredine Bouderba, ancien syndicaliste, expert des questions sociales, a fait très fort, sur RadioM en démontant pièce par pièce l’argumentaire du gouvernement sur la « nécessaire réforme de la retraite avant l’âge légal. »
Le gouvernement algérien a-t-il fait diversion avec son annulation de la retraite proportionnelle et de la retraite sans condition d’âge ? Nourredine bouderba ancien dirigeant syndical à la tête de la fédération des pétroliers de l’UGTA l’a clairement affirmé dans l’émission « l’Entretien » sur RadioM.
L’ancien membre du conseil d’administration de la CNAS devenu spécialiste des questions du monde du travail, a pointé la revalorisation de 12% des pensions en 2014 comme cause non avouée du déséquilibre soudain des comptes de la Caisse nationale de la retraite (CNR), « une erreur de prévision sans doute « .
Nourredine Bouderba a largement démontrée par les chiffres que l’impact financier des mesures de 1997 a été très exagéré dans la communication officielle. Le gouvernement essaye, en vérité de rattraper « les effets non maîtrisés »de sa décision de 2014.
La preuve, « le directeur de la CNR affirmait encore en janvier 2015 que les comptes de sa caisse étaient tous au vert ». C’était sans doute avant de tomber sur les effets d’actualisation, rapportés aux prochaines années.
Un dispositif peu utilisé « chiffre à l’appui »
L’invité de l’Entretien de RadioM, a tordu le cou à la thèse soutenu par le gouvernement selon laquelle les deux dispositifs instaurés en 1997 (retraite proportionnelle et retraite sans conditions d’âge) pèsent sur l’équilibre financier de la CNR.
« Entre 1997 et 2001, jugé année de fin du mécanisme, seuls 114.000 sont partis en retraite proportionnelle et 50.000 sont partis dans la rentraite sans conditions d’âge autrement dit 12 500 départs par année ». Un chiffre à rapporter au 1 600 000 qui émargeaient alors au système de la retraite : « c’est faible », dit-il.
Nourredine Bouderba a évoqué un autre dispositif, ouvert sur suggestion du FMI en 1994, la retraite anticipée, qui n’a pas non plus connu un afflux important parmi les salariés qui ont quitté le secteur public.
« Le rapport établi alors par le conseil national économique et social (CNES) indique que sur les 400.000 qui ont été dégraissés du secteur économique dans les années 90 il n y’a eu que 40 000 qui sont partis à la retraite anticipée, seulement 10% de 1994 à 2000 » a-t-il soutenu.
« Confusion organisée autour des chiffres »
Nourredine Bouderba a déploré que, le ministre du travail Mohamed Ghazi, et les différents directeurs de caisse, organisent la confusion sur les chiffres de la Caisse nationale des retraites.
« Lorsqu’ils parlent de 800 000 travailleurs qui émargent à ce dispositif de la retraite avant l’âge légal, ils oublient de dire que plus de 50% de ces anciens cotisants ont maintenant plus de 60 ans et auraient dans tous les cas bénéficié de leur pension de retraite. De même le ministre ne dit pas que les supposés 405 milliards de dinars que couteraient les deux dispositifs de retraite en manque à gagner pour la caisse sont un chiffre cumulé depuis 1997 ».
Pour le spécialiste du monde du travail, une autre vérité est omise dans la communication officielle. « Les contributions des salariés au financement de leur retraite a doublé en taux depuis le début des années 2000. En fait, ils payent eux même le départ au bout de 32 années de cotisations sans conditions d’âge. De ce point de vue ce départ à la retraite avant 60 ans devient un droit et l’Etat ne peut pas le toucher car ce n’est pas lui qui le finance ! »
« Le système ne s’est pas dégradé comme on le prétend »
Selon lui un problème de gestion est derrière le déficit que connaît la caisse nationale et non pas la retraite anticipée contrairement aux affirmations du gouvernement. Nourredine Bouderba s’est également inscrit en faux contre l’idée que la couverture des retraités s’est dégradée ces dernières années.
« C’est faux. Le nombre de cotisants actifs pour chaque retraité, est passé de 2.7 en 1998, à 3.1 cotisants pour un retraité ». Certes, poursuit-il, » il y a un sommet en 1990 ou ce taux était de 5.7 cotisants pour un retraité, mais il a fortement baissé les années suivantes à cause du chômage ».
L’ancien administrateur de la Caisse national de l’assurance sociale (CNAS) jusqu’en 1997, a affirmé que le processus de privatisation a été pour beaucoup dans la chute du nombre des affiliés. Il a notamment déploré que le passage au EAC et EAI dans l’agriculture autogéré a fait perdre 260 000 cotisants agricoles d’un coup, tandis que d’autres agriculteurs sans revenus à l’âge de la retraite sont venus émarger au système par un mécanisme spécial.
75% de travailleurs non déclarés chez le privé
Nourredine Bouderba a soutenu donc que la mesure de suppression des retraites avant l’âge légal de 1997 ne soulage pas la CNR « d’un fardeau financier ». L’invité de RadioM a cité le gisement des travailleurs du secteur privé qui ne sont pas affiliés à la CNAS.
Dans le secteur privé formel « l’enquête de l’ONS de 2013 indique que sur 3 millions de salariés dans le secteur privé, il y a 2.266.000 qui ne sont pas affiliés, c’est un gisement énorme, et devrait être pris en considération par l’Etat ».
« Cela correspond à 75% des employés et non pas à 30% « comme a essayé de le suggérer un représentant de l’ONS », chose qui choque particulièrement Nouredine Bouderba.
Le deuxième gisement à développer pour améliorer le taux de couverture des retraites par les cotisants, c’est le taux d’emploi en Algérie qui est très faible, représentant un taux d’activités globale de 41 % voire de 42%.
Nouredine Bouderba recommande à ce sujet d’investir dans l’emploi durable, c’est-à-dire l’économie productive ce qui permettra selon lui, de gagner au minimum 200 milliards de dinars ce qui règlera le déficit de la CNR et qui va éventuellement, préserver les acquis que beaucoup de travailleurs revendiquent.