Dans cette contribution, l’auteur et poète, MAHDI Sâad-Eddine, fait un décryptage du récent ouvrage sur les relations algéro-françaises, de Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet, paru chez Stock. Pour lui, le livre « confirme que la solution néocoloniale a triomphé ».
La citation prêtée à Napoléon III, dit les avanies de l’aventure coloniale. Avec l’indépendance, il y a « l’illusion d’une relation normale, entre deux Etats où chacun fait comme si ». Comme si les accords d’Evian, sont le cadre naturel des relations, comme si l’Algérie, est indépendante depuis 1962, comme si l’usine Renault, s’appuie sur un réseau de PME, qui n’existe pas. Une douce nostalgie de l’Algérie coloniale affleure dans le livre. Il y a dans ce travail, les ingrédients nécessaires pour convoquer les démons du passé. L’ouvrage, confirme que la solution néocoloniale a triomphé. Le « je vous ai compris!», du 4 juin 1958, a été un tournant. Les intérêts du capitalisme français sacrifient le colonat. Hasard, l’extrême gauche française et l’extrême droite, se cristallisent autour de la question algérienne. Le général Salan, bat le rappel des généraux félons. La conscience coloniale, fait son nid. C’est le refuge de tous les désespérés du projet avorté. Les Algériens blousés, floués par les « affaires », tétanisés depuis l’indépendance, en ont gros sur le cœur, pour s’attarder aux frasques des politiciens véreux qui tapent dans la caisse, pour se payer un appartement au XVIe. Ils savent que la déclaration de l’indépendance n’a pas signifié la fin des hostilités mais la politique de la terre brûlée. L’ouvrage décrit le marigot dans lequel s’est élaborée, la haine de l’indépendance. La question algérienne, est une question de politique intérieure et « l’Algérie devient incontournable et une grande carrière politique passe par Alger », disait un ambassadeur de France. A côté, il y a « l’affligeante méconnaissance de la classe politique française, de l’Algérie ». En 2010, F. Hollande est adoubé par Alger, comme futur candidat. C’est là, que le président « normal » voit le jour. Une fois élu, il veillera à la réactivation « des réseaux franco-algériens et d’un aréopage d’hommes d’affaires et de sympathisants du pouvoir algérien, pour mettre à jour une dynamique particulière dont le point d’orgue, sera la participation très symbolique, des djounouds de l’ANP « au fameux défilé du 14 juillet, sur les Champs Elysées ».
Le français instrumentalisé pour créer de faux clivages sociaux
L’ouvrage essaie vainement, de débroussailler le maquis de la politique d’arabisation. Les guéguerres arabophones-francophones recouvrent des choix stratégiques qui ont fait du français, la langue de l’ascension sociale. L’ouvrage, élude tout le travail positif de contre-culture, du mouvement des oulémas. Il met cependant le doigt sur les contradictions de la politique d’arabisation. Elle fera le lit des courants régressifs qui bloquent la dynamique sociale. Le français, est instrumentalisé, pour faire pression et créer de faux clivages sociaux. Le marché de l’offre de formation, aux langues étrangères est entrain d’exploser et de faire sauter le verrou de l’alternative arabe-français. La langue française sert de cheval de Troie, à l’ancienne puissance coloniale. Sur les statistiques relatives au lectorat des journaux, les auteurs se plantent. Dans l’audience, les journaux arabophones se taillent la part du lion et l’approche de l’ouvrage sur la place du français, dans la société est complètement surréaliste. Le français n’est pas une simple langue de communication. Il connote toute une culture d’oppression et de rejet de l’autre.
Les auteurs, font des choux gras des « affaires » de certains dignitaires du régime. L’opinion publique est blasée. Dans les relations complexes et « empoisonnées » par des contentieux forts délicats (guerre du Mali, l’affaire des moines de Tibhirine), la France de F. Hollande, est prête à faire certaines concessions mémorielles (massacres du 8 mai 1945, répression d’octobre 1961, à Paris).
Issad Rebrab, l’antithèse du groupe Khalifa
Il y a une volonté affichée de vouloir « tourner la page de la guerre d’Algérie », mais « cela bloque pour des raisons historiques » et ce côté va-t-en guerre de la France. L’affaire Tiguentourine en 2013, « a ébranlé le pouvoir algérien et montré les ambiguïtés françaises. Dans ce maquis hérissé d’obstacles, des relations algéro-françaises, les barons du régime, continuent de faire des « affaires » et confondent entre « affairisme et politique ». Au fil des pages, le lecteur apprend que «l’économie nationale va mal, que toute la nomenklatura algérienne a des biens en France et que De Gaulle aurait planifié la distribution de la rente, entre la France et les apparatchiks du FLN ». L’Algérie apparaît comme un Eldorado avec des besoins énormes et un levier de croissance entre 4,5 à 6 %, qui importe 70 % de son alimentation et tout son blé de France. Il y a en plus, la déliquescence atteinte par le pays, suite à une corruption endémique.
L’ouvrage rapporte que dans la galaxie des industriels algériens, Issad Rebrab est l’antithèse du groupe Khalifa. Pour les auteurs, bien au fait des mœurs du pouvoir, l’Affaire Khalifa, suinte la politique de partout. C’est l’histoire d’un empire privé, édifié sur le détournement de l’argent public et sur lequel « s’est adossé le système pour redorer son image en France». Le groupe, a employé des milliers de personnes, pour la plupart liés aux dignitaires du régime.