Entre ces deux pays de la méditerranée les échanges ont été, de tout temps, très denses, aussi bien dans des contextes de promotion et de construction que dans des contextes ombrageux. L’histoire commune des deux pays a profondément marqué cette relation passionnelle et continuera car tout porte à croire que l’avenir nous réserve plein de succès.
En avant-propos, voici quelques indicateurs macro-économiques des deux pays :
Espagne 2014 | Algérie 2014 |
PIB : 1 359 Milliards de $ | PIB : 221 Milliards de $ |
Nombre d’habitants fin 2014 : 46 600 949 | Nombre d’habitants fin 2014 : 39 500 000 |
PIB/HAB : 29 162,49 $ | PIB/HAB : 5 594,93 $ |
Croissance du PIB : 1,4 | Croissance du PIB : 4,1 |
Taux de chômage : 23,6 | Taux de chômage : 10,8 |
Dette publique / PIB : 97,17 % | Dette publique / PIB : 8,8 % |
IDE entrant : 22,90 milliard de $ | IDE entrant : 1, 488 milliard de $ |
IDE sortant : 30,68 milliard de $ | IDE sortant : 0,117 milliard de $ |
Sur le plan économique, les relations sont au beau fixe, de sorte que le développement des échanges commerciaux ait connu un bond sans précèdent entre les deux pays. En 2014 l’Espagne fut le premier client de l’Algérie avec 9, 260 milliards d’€uros et le quatrième fournisseur avec 3,701 milliards d’€uros. L’Algérie est le premier fournisseur de l’Espagne en Gaz avec 6,51 Milliards d’ €uros, la gaz algérien a couvert plus de 55% de la consommation intérieure espagnole en 2014.
L’Algérie fut le 14ème client de l’Espagne et son 9ème fournisseur en 2014.
Le graphique représente les variations des exportations et importations pendant les dix dernières années entre les deux pays. Le premier constat est la faiblesse des échanges. Aussi nous remarquons une croissance d’échanges lors de ces quatre dernières années, en raison du choix porté sur le gaz algérien par l’Espagne suite à la nouvelle stratégie énergétique européenne, à savoir : sortir de la dépendance du gaz russe, et, désormais, s’approvisionner en gaz algérien et sub-saharien à partir de l’Afrique du nord.
L’autre constat étant la nature des produits échangés entre les deux pays en 2014, il se trouve que pour l’Espagne 88,3 % des importations de l’Algérie sont constituées de produits hydrocarbures bruts. Essentiellement le gaz sous trois formes, gaz naturel, gaz naturel liquéfié, et condensat de gaz naturel.
Pour l’Algérie 73,6 % des importations de l’Espagne (services non compris), en 2014, sont constituées de matières premières, produits industriels et de biens d’équipement, essentiellement les matériaux de construction.
En Espagne l’industrie représente 15,9 % de son PIB, celle de l’Algérie, hors hydrocarbure, représente 5% du PIB, en 2014.
Quelques 40 projets d’investissements espagnols ont été déclarés à l’Agence nationale du développement de l’investissement (Andi) pour un montant de 1,679 milliard d’€uros, sur ces 40 projets enregistrés, 33 ont été réalisés, pour un financement de 1,484 milliard d’€uros, selon l’ANDI en 2013.
Côté Algérien aucun investissement officiel. La législation l’avait interdit jusqu’à novembre 2014. Depuis, il est permis aux producteurs et prestataires de services, à condition qu’ils exportent, d’investir à l’étranger. Selon des informations recueillies par des agences espagnoles, des particuliers algériens ont acheté des milliers de logements en Espagne, notamment, après 2008, lors de la chute des prix de l’immobilier, et ce pour une valeur de plus de 3 milliards de dollars (selon un journal local de la province de Valence).
En revanche Sonatrach est actionnaire à hauteur de 36% dans Medgaz, à 49% dans l’usine Propan Chem avec BASF à Tarragona et détient 10% des parts dans le terminal de regazéification de GNL Reganosa à Murdos en Galice.
Ces chiffres indiquent que le partenariat industriel reste incompréhensiblement très bas au vue des échanges commerciaux entre les deux pays. Il est clair que nous pourrions d‘ores et déjà identifier certains déficiences et écueils au développement de ce potentiel partenarial :
- Ø Aucune manifestation d’intérêt sur le plan industriel, notamment, suite à l’intérêt que suscite l’Espagne vis à vis du gaz algérien : A cet égard nous remarquons une structure d’échanges statiques. La part des importations des matières premières et intrants est importante dans les deux sens, et elle continue d’accroitre au détriment des produits transformés, manufacturés et usinés. Dans ce genre de situations, il est primordial de cristalliser le capital « sérénité dans l’échange » entre les deux pays. Commencer à définir et fabriquer les mécanismes pour émanciper les échanges de manière ininterrompue. Ce procédé doit être encouragé et soutenu par les deux gouvernements et concrétisé sur le terrain par des organismes professionnels.
- Ø Inexistence de dispositifs et d’espaces facilitant le partenariat industriel entre les deux pays :
Un pays comme l’Espagne appartenant à l’union européenne – espace avec lequel l’Algérie a signé un accord de libre échange, dont l’application tarde à venir mais qui finira par voir le jour- constitue une véritable plateforme pour apprendre à s’internationaliser.
L’Algérie pourrait dans l’immédiat :
- Construire une zone franche du côté de Ghazaouet ou de Ain Temouchent pour capter des IDE pas très loin dans l’espace, permettant aux entreprises étrangères de s’établir rapidement et conformément à la réglementation universelle qui régit les zones franches. Ceci pour éviter la contrainte du contrôle de change et la difficulté de rapatrier les bénéfices ;
- Créer des centres de coopération pour stimuler l’élan des échanges interindustriels, notamment, en termes de connaissances, plateformes logistiques, ce, à travers des consortiums financiers et des consortiums pour exporter vers l’Europe et vers l’Afrique ;
- Inciter des organismes comme l’ANDI, l’ANDPME, l’Agex à coopérer avec leur homologues espagnols et de s’inspirer ;
- De son côté, l’exécutif espagnol doit croire fermement au potentiel algérien et doit pousser son homologue à s’ouvrir graduellement même si l’exercice n’est guère facile. Ceci en le considérant comme un partenaire stratégique et exceptionnel. L’Algérie a tout compte fait ouvert d’énormes possibilités aux entreprises espagnoles dans le cadre de ses différents plans quinquennaux, notamment dans la réalisation des infrastructures, comme par exemple Isolux corsane, abengoa, iberdrola, FCC, tracasa etc…pour ne citer que ceux-là.
- La lancinante loi 49-51 et le contrôle de change :
- Actuellement, cette loi qui est étroitement lié au contrôle de change doit, impérativement et le plutôt possible dans le temps, observer un correctif du moins pour certains secteurs d’activités. L’idée est, pour le moins, de permettre aux entreprises étrangères d’avoir le choix de détenir la majorité. Dans l’état actuel aucune entreprise ne viendra s’installer en Algérie – avec tous les coûts d’implantation que cela engendre- et de se contenter de moins de 60 % du capital social minimum. Cette formule encourage des entreprises plutôt comme Renault pour venir faire du CKD et du SKD (montage en kit), sans plus, pour servir uniquement le marché local ;
- En finir avec le contrôle de change par le règlement définitif de l’épineuse question de la convertibilité du Dinar Algérien. Tout le monde s’accorde à dire que l’exercice est difficile mais pas impossible. Nous sommes tout à fait conscients, que la convertibilité du Dinar Algérien ne se décrète pas. Officiellement il a été instruit à la banque d’Algérie d’amorcer le processus, sans plus. S’agit-il d’un effet d’annonce ? Quel est l’état d’avancement ? Y a-t-il eu des débats à ce sujet ? A mon sens, il faut avancer sur ce chantier très rapidement, faute de quoi cette Algérie productrice aura du mal à émerger.
- Autoriser l’investissement à l’étranger.
A ce sujet, il existe une théorie économique très clairement significative quand un pays aspire à attirer l’IDE. Il s’agit de la théorie IDP (Investment Development Path) de Dunning and Narula 1996. Elle traite du processus à suivre pour attirer les IDE suivant le développement de certains facteurs clefs, savoir :
- The location advantage : l’actif durablement exploitable localement, et pas ailleurs, grâce à un environnement propice ;
- La firme étrangère commence à développer avec beaucoup d’intérêt son avantage spécifique dans le pays d’accueil ;
- L’effet d’émulation et le bénéfice des externalités des agglomérations industrielles ;
- Le besoin des IDE sortants pour préserver les IDE entrants à travers les échanges intra-firmes et intra-territoires. Dans cette phase les autorités publiques, après avoir fourni des efforts pour attirer l’IDE entrant, doivent encourager l’IDE sortant et chercher cet équilibre entre les deux.
Aujourd’hui en Espagne il existe plein d’opportunités à saisir en rachetant, s’associant et participant dans les capitaux d’entreprises. Le but est de créer une synergie et un mouvement dans les deux sens. Ce n’est qu’avec cet esprit de grande coopération, devenu un impératif dans notre monde globalisé que nous pourrions avancer d’une manière forte et efficiente.
Pour finir, j’en appelle à tous les opérateurs économiques, les entreprises et aux gouvernements respectifs, à insister et persévérer pour intensifier davantage ce partenariat.
Il existe bel et bien des success stories déjà. Seulement l’objectif, est de parvenir à un niveau de coopération qui fixera définitivement notre avenir commun, oh combien fructueux sur le plan « bénéfice économique ».
Pratiquement tous les projets de partenariats industriels algéro-espagnols murement réfléchis et efficacement réalisés, sont de fait, des succès, à l’exemple de Fertial, Gallina blanca, Dulcesol, Europactor etc.
J’espère aussi, qu’à la veille du 6ème sommet politique entre les deux pays, qui se tiendra ce 21 Juillet à Madrid, des décisions encourageantes seront prises pour permettre le déploiement des forces économiques vives des deux pays pour pouvoir saisir pleinement les opportunités qui se présentent.
Sources des chiffres :
institute nacional de estadistica, ICEX, ONS, direction générale des douanes algériennes
Abréviations
IDE : Investissement direct étranger
ICEX : institute de comercio exterior
ONS : office national des statistiques
(*) Djamel-Eddine BOUABDALLAH, économiste et General Manager d’un cabinet conseil international en Algérie.