Dix ans après leur lancement, les sept projets majeurs de pénétrantes autoroutières en Algérie affichent un bilan préoccupant. En ce début 2025, face à des retards considérables, le ministère des Travaux publics se voit contraint de revoir entièrement sa stratégie. L’impact de ces délais se fait lourdement sentir dans les régions concernées : augmentation des coûts de transport, ralentissement des échanges commerciaux et frein au développement touristique des wilayas touchées.
Le cas de la pénétrante de Jijel illustre parfaitement cette gabegie. Lancé en 2014 avec des promesses d’achèvement en trois ans, ce projet de 110 kilomètres plafonne à 50% de réalisation après une décennie de travaux. La récente décision du ministre Lakhdar Rekhroukh de redistribuer certains tronçons à de nouvelles entreprises apparaît comme un aveu d’échec de la gestion initiale du projet. L’objectif désormais fixé à 2026, soit un retard de neuf ans, impacte directement l’activité du port de Jijel, privé d’une connexion efficace avec l’arrière-pays.
La pénétrante de Béjaïa, bien qu’affichant un taux d’avancement plus satisfaisant avec 84 kilomètres réalisés, n’échappe pas aux critiques. Les 16 kilomètres restants, pourtant cruciaux pour la liaison avec le port, restent englués dans des retards inexpliqués. La redistribution des travaux à de nouvelles entreprises révèle les limites du système d’attribution initial et la défaillance des mécanismes de contrôle. Les opérateurs économiques de la région estiment les pertes liées à ces retards à plusieurs millions de dinars par mois.
Plus préoccupante encore est la situation de la pénétrante Tizi Ouzou-Bouira. Si la complexité du relief est régulièrement invoquée pour justifier les retards, elle ne peut masquer les insuffisances dans la préparation technique du projet. La réorganisation des contrats intervient bien tardivement pour un chantier qui aurait dû intégrer ces contraintes dès sa conception. Cette situation pénalise particulièrement le développement économique de la Kabylie, région à fort potentiel touristique et industriel.
Face à l’ampleur des retards, l’arsenal de mesures déployé par le ministère des Travaux publics révèle l’étendue des défaillances initiales. Si l’établissement d’avenants aux contrats permet désormais l’intervention de nouvelles entreprises, cette solution soulève la question du choix initial des prestataires et de leur capacité à mener à bien des projets d’une telle envergure. Le renforcement tardif du suivi technique et financier, ainsi que l’instauration d’un système de contrôle mensuel, ne font que souligner l’absence préoccupante de ces mécanismes fondamentaux durant des années.
L’implication d’entreprises nationales “ayant fait leurs preuves” intervient comme un correctif de dernière minute, questionnant la pertinence des critères de sélection initiaux. Quant au plafonnement des augmentations budgétaires à 10% du montant initial des marchés, il apparaît comme une tentative de limiter les dégâts financiers, sans garantie que ce cadre strict soit suffisant pour des chantiers accusant parfois près d’une décennie de retard.
Yasser Kassama