Après des années de croissance forte, le marché national des boissons arrive-t-il à maturité ? Un ralentissement de la consommation constitue une menace éventuelle pour les industriels du secteur. Pas pour tous.
Hamoud Boualem, l’un des leaders du secteur en Algérie, a annoncé, mercredi dernier, un plan d’investissement de 3 milliards de dinars. Il vient surtout de relancer le débat sur l’état du marché algérien de la boisson et sa capacité à absorber, encore, des projets de développement relativement lourds. « Hamoud » compte construire une usine à Boufarik. Capacité, 1,8 million de litres par jour. Ce nouveau site doublera la capacité de production de la société, dès son entrée en service, au premier trimestre 2015.
Pepsi Cola qui vient de céder, à travers ABC, son embouteilleur en Algérie, 33% de son activité embouteillement à un fonds d’investissement américain, ne devrait pas tarder à annoncer un plan d’investissement tout aussi ambitieux.
Un marché algérien bientôt à maturité
La saturation du marché ne fait, à priori, pas peur aux acteurs qui sont passés à l’offensive. C’est du moins ce que semble penser Tewfik Hasni, ancien président du conseil d’administration de Hamoud Boualem. Il rappelle que l’Algérie est un grand pays avec une population de 40 millions d’habitants. « La demande nationale est importante et la production locale est loin de couvrir la totalité de cette demande, » explique-t-il à Maghreb Emergent. Il évoque par ailleurs la concentration des leaders du secteur de la boisson dans le nord du pays. Ce qui réduit leur présence dans les hauts plateaux et le sud.
Un manque à gagner considérable pour des marques comme Coca-Cola, Rouiba et Pepsi. « Il nous a fallu plusieurs fois recourir à la production de l’usine de Telilat (Oran) pour couvrir la demande d’Alger en période estivale, » se rappelle Tewfik Hasni, soulignant l’insuffisance des installations actuelles de Hamoud Boualem.
L’algérien peut-il boire plus ?
La question des seuils de consommation de boisson est posée. Selon une étude de l’Association des Producteurs Algériens de Boissons (APAB), l’algérien a bu 23.4 litres d’eau embouteillée, 22.2 litres de boissons gazeuses et 6 litres de jus en 2012. Ce qui est supérieur à la moyenne mondiale. Et même si son revenu est sur une tendance haussière, il reste difficile de le voir dépasser un certain seuil. Les chiffres sont là, l’Algérie est le pays du monde qui compte le plus grand nombre de producteurs de boissons par habitant. Le CNRC compte 695 entreprises dans l’industrie des boissons rafraîchissantes non alcoolisées. Elles couvrent 99.5% de la consommation nationale.
Une vérité qui devrait, tôt ou tard, se répercuter sur les 10% de croissance annuelle que connait le marché de la boisson en Algérie.
L’exportation pas encore une priorité
« L’exportation n’est pas la priorité de l’entreprise ». Elle ne représente que 1% du chiffre d’affaires de Hamoud, qui préfère se concentrer sur le marché algérien, » a déclaré Lyamine Lourari, porte-parole de l’entreprise dans une conférence de presse tenue la semaine dernière à Alger. “Notre priorité est le consommateur algérien. Il y a une forte demande sur nos produits que nos capacités de production ne nous permettent pas de satisfaire. Vous sortez d’Alger, vous risquez de ne pas trouver Hamoud”. M Lerari souligne que Hamoud tend avant tout à couvrir les 48 wilayas. “Le jour où Hamoud Boualem pourra couvrir la totalité du territoire national, on pensera à exporter et à créer des usines en Europe”.
C’est là, une mauvaise nouvelle pour les nombreux petits producteurs de boissons encore en vie sur le marché algérien. Les gros producteurs ont décidé de chercher leur nouvelle croissance sur un gâteau qui ne grossit plus. Ils investissent pour élargir leur gamme, accroitre les volumes de production et densifier leur réseau de distribution. Surtout ils veulent combler les angles morts sur le territoire, pour être plus prêts des dernières poches de consommation.
La tendance du secteur est à la restructuration
Par des fermetures d’entreprises et un mouvement de concentration. La population des entreprises activant dans l’industrie des boissons a déjà fortement régressé ces dernières années. Les géants du secteur l’ont compris : si la demande interne ne leur permet plus d’accroitre leurs parts de marché, c’est aux petits acteurs qu’ils vont l’enlever. lls vont pour cela profiter d’une plus forte notoriété et d’une bien meilleure maitrise des coûts, et donc de la marge commerciale que leur « petits » concurrents, qui ont « du mal à respecter les standards de qualité exigés par l’industrie agro-alimentaire, » conclut M. Ali Hamani, Président de l’Association Algérienne des Producteurs de Boissons.
L’Algérie, pays qui compte le plus fort ratio producteur de boissons/habitant, oui. Avec les grandes manoeuvres de Pepsi et de Hamoud Boualem, c’est parti pour ne pas durer.