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«La concurrence faite aux entreprises françaises en Algérie est un mal nécessaire» (Michel Bisac-Président de la CCIAF)

Par Kheireddine Batache
juillet 19, 2020
«La concurrence faite aux entreprises françaises en Algérie est un mal nécessaire» (Michel Bisac-Président de la CCIAF)

L’année 2020 a été celle de l’écriture d’un nouveau chapitre dans la saga des relations, parfois tumultueuses, entre l’Algérie et la France. Pourtant, lors de l’interview accordée la semaine passée au journal à sensibilité de droite -l’Opinion- le président Tebboune a affirmé que la coopération entre les deux pays est indispensable pour l’un comme pour l’autre. Dans le sillage de cette déclaration, le président le la Chambre de Commerce et d’Industrie Algéro-Française (CCIAF) nous expose, dans un entretien exclusif, sa vision sur la l’avenir des affaires économiques bilatérales.

Maghreb Émergent : Président, Pouvez-vous faire un état des lieux des relations économiques entre la France et l’Algérie en cette période de pandémie Covid-19 ?

Michel Bisac : Indépendamment de la Covid-19, la relation économique entre nos deux pays est historique, forte et dense. Les entreprises françaises sont présentes en Algérie en nombre (près de 400 entreprises). Il est surtout important de rappeler que cette présence est diversifiée. On trouve des entreprises françaises implantées dans les secteurs pharmaceutique, l’agroalimentaire, les services, le transport, la formation, le tourisme, l’automobile, le bancaire, etc…L’investissement des entreprises françaises en Algérie est une réalité sans compter les milliers d’entreprises qui exportent des équipements, de la matière première et des services. Il faut d’ailleurs préciser que la balance commerciale est le plus souvent équilibrée entre nos deux pays.

L’enjeu aujourd’hui est accroître l’investissement des entreprises françaises et de continuer cette diversification sur des secteurs liés notamment, à la transformation des produits agricoles, aux énergies renouvelables, technologies numériques, au traitement des déchets, et bien entendu à l’exportation des produits et services produits en Algérie vers la France et l’Europe.

Bien entendu, la pandémie a impacté cette relation, plus particulièrement sur les déplacements des chefs d’entreprises, que ce soit pour la visite de salons ou pour des rencontres d’affaires, mais cela concerne aussi d’autres pays et d’autres régions. Espérons que nos hommes d’affaires puissent rapidement se retrouver dans les meilleures conditions.

Quelle est la situation actuelle des entreprises françaises engagées dans des projets en Algérie ? Y-a-t-il des secteurs qui ont été particulièrement touchés par la crise ?

Les entreprises françaises présentes en Algérie – comme d’ailleurs les entreprises algériennes interagissent, subissent et s’acclimatent à l’environnement dans lequel elles évoluent. Il n’est pas question aujourd’hui qu’elles remettent en cause leur présence, par contre elles peuvent adapter, modifier ou développer leurs projets en fonction de l’évolution de l’environnement et des opportunités qu’elles constatent. C’est la réaction normale dans la vie et le développement d’une entreprise. Nous restons confiants, les opportunités offertes en Algérie sont réelles, quatrième économie du continent (par le PIB), l’IDH du pays est un des premiers d’Afrique, les infrastructures sont présentes et l’énergie de la jeunesse constituent un socle qui rassure et pérennise l’action de nos entreprises.

Parmi les mesures phares prises par le nouvel exécutif en Algérie, la suppression de la loi dite des 51/49 sur les secteurs non stratégiques. Quelle lecture en faites-vous et comment cela a été perçu du côté des entreprises ?

Les autorités algériennes sont souveraines dans l’établissement des règles du jeu économique. Les dispositions auxquelles vous faites référence sont encourageantes et vont dans le sens du développement de l’entrepreneuriat et de l’investissement productif étranger. Nous restons également convaincus que la recherche et l’association avec un partenaire local (dans les conditions qui agréent les deux parties) sont un élément de confort et de réussite d’un investissement dans ce pays. En d’autres termes le partenariat, quand il est souhaité et bien mené par les deux entreprises (françaises et algériennes), est source de transfert de technologies …et c’est l’objectif.

Avez-vous, au sein de la CCIAF, anticipé les modalités d’une relance économique rapide pour les entreprises françaises établies en Algérie ? Un plan de relance stratégique est-il d’actualité ?

Il n’y a pas à proprement parler de plan stratégique. Il y a surtout la nécessaire volonté d’action sur le terrain des entreprises pour passer les crises successives – que nous avons connues en 2019 et 2020 – afin de préserver leur part de marché.

Les autorités algériennes travaillent à structurer et à dynamiser l’action économique, il ne faut pas être impatient mais plutôt solidaire. Les entreprises françaises présentes en Algérie sont prêtes aujourd’hui à accompagner cette dynamique. J’en suis convaincu.

Après une petite période de crispations entre Paris et Alger, les choses semblent enfin aller dans le bon sens. Mais la part des IDE français en Algérie reste en deçà du potentiel affiché de part et d’autre. Comment faire pour y remédier ? Quels sont les atouts des entreprises françaises face à la concurrence chinoise, notamment ?

Effectivement, il reste beaucoup de choses à faire pour accroitre les IDE Français en Algérie. Nous nous employons tous les jours à promouvoir l’Algérie auprès des entreprises françaises, de nos partenaires des CCI de France, des clusters, syndicats et autres organisations patronales. Il faut expliquer, mettre en confiance et valoriser les opportunités qu’offre l’investissement sur ce marché. Un chef d’entreprise français ou étranger est constamment sollicité pour investir dans le monde. La Crise de la Covid-19 a eu pour conséquence des réflexions profondes sur la mondialisation de l’investissement et des mouvements de relocalisation ont déjà commencé. Cela induit une concurrence voire une surenchère des pays pour attirer l’investisseur. Nous devons agir de manière réfléchie et coordonnée avec l’ensemble des acteurs concernés pour capter ces investisseurs et plus particulièrement les PME/PMI.

Quant à la concurrence, elle est un mal nécessaire. Les entreprises françaises l’intègrent dans leur stratégie et mettent en avant leur savoir-faire notamment dans l’accompagnement après-vente, dans la qualité de leurs équipements, dans la formation et dans la proximité culturelle. Il y a surtout la pérennité de l’investissement et le recours à la main d’œuvre algérienne par opposition à un opportunisme sectoriel qui a recours à une main d’œuvre importée. Encore une fois la balance commerciale entre la France et l’Algérie est équilibrée. Ce qui n’est pas toujours le cas des autres partenaires commerciaux.

Lors de son dernier entretien avec le journal libéral « l’Opinion », Abdemadjid Tebboune a évoqué les partenaires historiques de l’Algérie, que sont la Chine et la Russie, d’après lui. A votre avis, peut-on réellement se passer de la coopération économique avec la France ? Craignez-vous une forme de concurrence « déloyale » au détriment des entreprises françaises ?

Il ne faut pas craindre…mais travailler à promouvoir le savoir-faire, les équipements et la technologie de nos entreprises françaises. La relation économique entre nos deux pays ne doit pas être résumée à un classement annuel du premier fournisseur. L’enjeu est la construction de vrais partenariats, créateur de valeur ajoutée, de relocalisations, de complémentarité industrielle capable d’ouvrir de nouveaux marchés africains et européens pour nos deux pays. Il nous appartient de comprendre les enjeux, d’anticiper le développement de l’Algérie et d’être à la hauteur des attentes.

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