1.- La Banque mondiale (BM) prévoit, dans un rapport global pour la région MENA de fin juillet 2016, des réserves de change courant 2018 de 60 milliards de dollars pour l’Algérie. Le 08 août 2016, le quotidien The Independent a une vision alarmiste déclarant que : « l’Algérie risque la faillite dans moins de cinq ans». Le 09 août 2016, le FMI moins pessimiste, note que le pays a devant lui «une occasion exceptionnelle de se concentrer sur la mise en œuvre de ses réformes essentielles et de refaçonner ainsi son économie sur un modèle plus pérenne, plutôt que de rester tributaire de réserves pétrolières qui risquent d’être épuisées d’ici vingt ans».
Le FMI conseille au gouvernement d’accélérer les reformes de structures comme condition d’une économie diversifiée, ne devant pas compter sur un retour d’un cours du baril à plus de 70 dollars, faute de quoi le pays vers 2020 devrait connaitre des tensions économiques et sociales. Ainsi selon le FMI, l’Algérie peut s’en sortir mais sous certaines conditions, dont la moralisation de la société, la ‘’débureaucratisation’’ de l’économie et le développement des libertés permettant l’épanouissement de toutes les énergies créatrices. Pour le FMI et la BM l’Algérie ne peut continuer à fonctionner entre 2017 et 2020 sur la base d’un cours de à 110/120 dollars comme entre 2013/2015 et à 85/90 dollars, selon le FMI comme en 2016. Si le cours fluctue entre 45/50 dollars, le risque est l’épuisement du fonds de régulation des recettes début 2017 et comme conséquence immédiate un amenuisement des réserves de change avec un déficit croissant source de tensions économiques et sociales et un dérapage accéléré du dinar officiel qui atténue artificiellement le déficit budgétaire.
2.-En réaction au rapport publié par la Banque mondiale (BM) sur la région Mena, la Banque d’Algérie (BA) a assuré (le 15 août 2016), que le niveau des réserves de change à fin 2018 sera «nettement supérieur» à celui des 60 milliards de dollars avancé récemment par la BM, en raison des effets de la consolidation budgétaire et d’un retour à la croissance. Pour la BA, la projection de la BM, situant les réserves de change en 2018 à 60 milliards repose sur la seule donnée que le prix du pétrole devrait osciller entre 41 et 60 dollars entre 2016 et 2018, à 36,6 dollars le baril en 2016, 42,8 dollars en 2017 et 46 dollars en 2018. Dans ce cadre, les réserves de change pour la banque d’Algérie devrait se situer à 122 mds dollars à fin 2016 et non 112 milliards de dollars comme le prévoit le FMI qui prévoyait également 92 milliards de dollars fin 2017 et ce, grâce à la rationalisation de la dépense qui «ne signifie pas qu’il y aura des coupes drastiques dans les dépenses publiques » soulignant que l’économie algérienne « recèle d’énormes gisements inexploités en matière de recettes fiscales » afin de mieux soutenir et stimuler la croissance économique. D’une manière générale pour éviter un déficit élevé, supérieur à 30 milliards de dollars la banque centrale mise toujours sur une exportation plus grande des quantités de pétrole et de gaz et sur un relèvement des prix c’est-à-dire sur des facteurs exogènes, sans donner de précisions exactes de mise en œuvre des réformes structurelles qui permettent concrètement le retour à al croissance (le BTPH –près de 1.900.000 emplois, qui tire actuellement la croissance connaissant d’importantes difficultés avec le risque d’une bulle immobilière). Le rapport ne contient aucune action sectorielle précise datée, sinon des promesses d’un retour à la croissance, et ce afin d’éviter que les réserves de change s ‘établissent à un niveau supérieur à 600.000 dinars dollars en 2018 car les mesures budgétaires et monétaires ne sont que des mesures conjoncturelles devant en plus distinguer les économies en dinars et les économies en devises.
3.-Je rappelle que le rapport de la BM concernant le montant des réserves de change qu’il évalue à 60 milliards de dollars fin 2018 n’est pas un rapport sur l’Algérie mais concerne un rapport global pour la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient). Par ailleurs, selon nos informations, ce rapport part des données de la banque d’Algérie, car tous les rapports de la banque mondiale et du FMI partent de données officielles qu’elle corrige légèrement en fonction des tests de cohérence. L’on doit dans toute analyse objective pour évaluer le niveau des réserves de change en plus des importations des biens inclure les importations de services (qui ont fluctué entre 10/12 milliards de dollars annuellement entre 2010/2015) et les transferts légaux de capitaux des compagnies étrangères , le seul document de référence étant non la balance commerciale mais la balance des paiements.. Les données officiels de la banque d’Algérie notent que les importations de biens ont été de 58,58 milliards de dollars en 2014, plus les services 11,5 milliard , montant auquel il faut ajouter les transferts légaux de capitaux,(3/4 milliards de dollars/an) soit plus de 73 milliards de dollars en 2014 de sorties de devises. Pour 2015 les importations de biens sont évaluées à 51,50 milliards de dollars d’importation de biens en 2015, donc une sortie de devises avec les services dépassant 60 milliards de dollars, pour 2016, les importations de biens ayant légèrement baissé de 25,1 à 24,5 milliards ( montant très faible malgré toutes les restrictions) de dollars entre le second semestre de 2015 et le premier semestre de 2016.
4. Je ne saurai trop insister que la solution ne réside ni en le FMI, ni en la Banque mondiale. Le mal est en nous et la guérison dépend avant tout des Algériennes et Algériens et que toute déstabilisation de l’Algérie aurait un impact négatif sur toute la région euro-méditerranéenne et africaine avec des interférences étrangères du fait des nouvelles mutations géostratégiques militaires, sécuritaires et économiques qui se dessinent entre 2017/2020. Quatre solutions urgentes dont trois à court terme pour avoir un niveau de réserves de change supérieur à 60 milliards de dollars fin 2018 en espérant de la part de la banque d’Algérie un rapport plus circonstanciée afin de redonner espoir à la population inquiète de son avenir (voir le dernier rapport 2016 du commandement de la gendarmerie nationale sur les tensions sociales)
– une plus grande rigueur budgétaire ciblée, la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale
– revoir la politique des subventions généralisées destinées qu’aux couches les plus défavorisées et mieux cibler les intérêts bonifiés
– aller vers un endettement extérieur ciblé à moyen et long terme, atténuant l’épuisement des réserves de change qui tiennent la valeur du dinar, qui concernera que les projets productifs concurrentiels, tout en assouplissant la règle des 49/51%
– et comme action de longue durée et déterminante, avoir une vision stratégique dans le cadre des nouvelles mutations mondiales, passant par de profondes réformes structurelles.
Pour la réalisation de ces actions, l’Algérie a besoin en ces moments difficiles non de discours démagogiques trompeurs, mais de redonner CONFIANCE à la population algérienne,d’une intermédiation politique et sociale reposant sur de nouveaux réseaux efficaces collant à la société, afin d’éviter l’affrontement direct citoyens forces de sécurité, d’une autre politique économique et de rassembler tous ses enfants tenant compte de leurs différentes sensibilités, et non de se diviser sur des sujets secondaires. Ce ne sont qu’à ces conditions réalisables que l’on évitera les sombres prévisions pessimistes de la banque mondiale (voir notre interview en direct télévision Ennahar 14/08/2016- 17h20-17h40). Évitons comme le Venezuela de vivre de l’illusion de la rente éternelle, généralisant les emplois improductifs, notamment dans l’administration, continuant à distribuer des revenus sans contreparties productives et des transferts sociaux généralisés et non ciblés. Je suis confiant en l’avenir de l’Algérie. L’histoire depuis des siècles, nous enseigne que l’Algérie a eu à surmonter d’innombrables crises. Sans démagogie, l’Algérie par ses potentialités et elles sont énormes, peut réussir ses réformes grâce à une nette volonté politique de changement et éviter les sombres prévisions de certaines institutions internationales.
(*) Professeur des Universités, expert international