Le programme adopté récemment par le Conseil des Ministres est centré essentiellement sur la relance de la recherche et l’exploitation minière. « Le pays doit résolument s’engager vers les secteurs d’activité du futur, qui offrent une opportunité dans le mouvement de relocalisation des économies européennes voisines.» Estime le Docteur Mouhoud, invité du groupe de réflexion économique CARE.
Crise sanitaire et relocalisation en Europe
Afin d’évoquer les opportunités qu’offre aux pays maghrébins la tendance à la relocalisation en vogue en Europe, le Centre d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise (CARE) a invité le Docteur El Mouhoub Mouhoud à animer un Webinar. Universitaire, il est l’auteur de « Mondialisation et Délocalisation des entreprises (La Découverte, 2017).
Selon le chercheur, les raisons qui étaient derrière le développement de la délocalisation des activités d’assemblage et d’approvisionnement en composants intermédiaires durant les années 1990-2000, principalement vers la Chine, l’Inde et le sud-est asiatique, deviennent des motivations pour relocaliser. En effet, l’augmentation significative des coûts salariaux unitaires dans ces pays, additionnés aux coûts de transport et de transaction de plus en plus élevés, a fini par retourner cette tendance dès la fin des années 2000.
Les relocalisations se sont alors développées aux USA, au Japon et en Europe. Le développement technologique des processus de production et la robotisation de plus en plus poussée des chaînes d’assemblage ont avantagé ce mouvement inverse. Ce mouvement ne pourra que s’accélérer à la suite de la crise sanitaire, qu’ont connue les pays de l’OCDE d’une manière générale et qui a été à l’origine de ruptures de stock préjudiciables.
Selon M. Mouhoud, ce que les entreprises auront tendance à relocaliser, sera la fabrication de biens lourds et volumineux. L’Europe, contrainte de relocaliser certains secteurs industriels, utilisera le développement de la délocalisation des services pour équilibrer le coût de la relocalisation.
Parmi les services qui peuvent être délocalisés : le marketing, les services de management comme les achats, les finances… les services de back-office et de support ou la recherche développement. Ils représentent 75% des coûts de fabrication.
L’Algérie, pour avoir une chance de faire partie des pays proches de l’Europe qui bénéficieront de ce mouvement de relocalisation, doit améliorer son système d’éducation et de formation. Elle doit sortir de l’engrenage du diplôme producteur de chômage. Elle gagnerait à développer des relations avec la diaspora algérienne à l’étranger en la faisant contribuer au développement du secteur de la connaissance.
Les atouts de l’Algérie dans le mouvement de relocalisation
A l’instar des pays du Maghreb, l’Algérie dispose d’un critère de choix, la proximité linguistique pour le français mais également pour l’Anglais si le curseur est mis sur l’amélioration et l’efficacité des processus d’apprentissage, pour intégrer les chaînes de valeurs mondiales. La relocalisation ne sera pas nationale. Elle sera régionale et les pays du Maghreb peuvent s’inscrire dans cette logique par région. Les entreprises européennes vont multiplier leurs fournisseurs et leur localisation, proche de préférence, pour ne plus dépendre d’un seul fournisseur, surtout s’il est très éloigné de leur consommateur.
Pour réussir ce challenge, il faut pouvoir garantir une stabilité du cadre juridique, actuellement volatile, du droit des affaires, et assurer une simplification des procédures.
Un autre atout à mettre en exergue, selon l’analyste, est celui de la taille du marché. Car c’est ce qui attire les IDE. Voilà pourquoi le Maghreb sera certainement plus attractif que les pays qui le constituent. Les accords de libre échange doivent être passés entre la région Maghreb et l’Europe pas d’une manière isolée comme ça se fait actuellement. Il faut que ces accords soient motivés par les intérêts communs de la région et pas par la légitimation des régimes en place. Le Maghreb doit accélérer son intégration par les économies d’échelle, par la complémentarité des pays.
Contrairement au programme de relance adopté par le dernier Conseil des Ministres, centré essentiellement sur la relance de la recherche et l’exploitation minière, l’Algérie doit sortir de ce qui est considéré comme l’industrie du passé, l’industrie carbone, et aller résolument vers les secteurs d’activité du futur.
Les experts citent souvent les énergies renouvelables, le numérique et toutes les activités qui permettent une intégration aux chaînes de valeurs en constitution partout dans le monde. Le seul choix de la réduction générale des importations ne peut pas être une stratégie. Il faut lui substituer une véritable stratégie permettant de trouver des alternatives aux importations.
Il faut commencer par le secteur agro-alimentaire, et dans un cadre de mutualisation et de complémentarité maghrébine. Par contre, l’importation des biens intermédiaires, ceux de haute technologie doivent être développés et leurs barrières douanières allégées.
L’absence d’une stratégie de développement d’industries et d’activités innovantes dans les pays du Maghreb et particulièrement en Algérie, risque de profiter aux pays européens qui relocalisent. Ils auront besoin de main d’œuvre qualifiée. Ils commenceront par garder les étudiants algériens qui partent se former chez eux, après l’obtention du baccalauréat ou en post-graduation.