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Algérie

Pour des raisons de sécurité nationale, l’Algérie doit corriger sa politique industrielle

Par Mohamed Zenina
janvier 22, 2017
Pour des raisons de sécurité nationale, l’Algérie doit corriger sa politique industrielle

Etant mu seulement par  les intérêts supérieurs du pays, personne n’ayant le monopole de la vérité, étant une question de sécurité nationale, je viens de transmettre une correspondance  sur l’urgence de corriger l’actuelle politique industrielle aux  plus hautes autorités du pays. Et ce  au vu d’avis et de rapports reçus d’experts algériens  dont d’anciens ministres et  d’experts étrangers  travaillant sur les mutations des filières industrielles mondiales et  dans de grands laboratoires de recherche  ou firmes, sur les politiques industrielles.

 

La majorité souligne  le manque  de  cohérence, de maturation des études de faisabilité, avec à terme le risque de l’accroissement  de l’endettement et de la dépendance (ratio de balance devises et technologique) et  de faillites à terme pour bon nombre d’unités qui ne tendront pas face à la concurrence internationale comme par exemple les  innombrables unités de montage  de voitures du fait de la faiblesse des capacités (coût/qualité selon les  normes internationales), et ce aussitôt arrivé à terme les exonérations fiscales accordées qui constituent des subventions supportées par le  trésor  public. D’ailleurs contrairement aux discours euphoriques, l’organe officiel de la statistique ONS vient le 21 janvier 2017  de mettre en relief que la croissance du PIB global de l’Algérie a enregistré une baisse de 0,5 point au troisième trimestre 2016 par rapport à la même période de 2015 du fait d’un fléchissement de la croissance hors hydrocarbures.

 1.- Le savoir et le culturel, facteurs fondamentaux du transfert de technologie 

Le bon management politique et économique a besoin de  connaissances et de compétences (le Knowledge Management) qui est  stratégique tant pour le gouvernement, toutes les institutions que pour les  entreprises. Le management des connaissances s’appuie sur les leviers de succès, les connaissances incorporées dans les produits et services, les connaissances et compétences humaines (le capital humain), les connaissances contenues dans les processus  de la mémoire organisationnelle, de  la mémoire transactionnelle et enfin les connaissances en tant que biens immatériels (capital intellectuel). Face à la pression de la concurrence par l’innovation, au développement de produits sur-mesure et de technologies de plus en plus complexes, à la production de services de plus en plus personnalisés, le travail demandé aux salariés n’a plus rien d’immédiat. De plus en plus, les directions d’entreprises demandent aux salariés de produire la connaissance de leur propre travail. Cette production de connaissances repose sur des formes d’engagement et d’implication qui font jouer un rôle central à l’initiative, à l’intuition, aux jugements,( la fameuse boite à outils japonaises source d’innovation par le collectif des travailleurs ) mais aussi aux capacités des individus et plus largement aux “savoirs sociaux” Aussi, le capital se socialise dans différents dispositifs techno-organisationnels influant dans le rapport des individus au travail. Cependant les enquêtes montrent clairement que cette extension des savoirs sociaux s’accompagne de nouvelles formes de segmentation, qualifiés/non qualifiés ; mobiles/immobiles ; jeunes/vieux ; homme/femme et d’un partage des activités et services qui deviennent de plus en plus marchands (délocalisation avec l’informatique en Inde, l’électronique au Japon, Corée du Sud …etc.)

 Cette approche socioculturelle qui rend compte de la complexité de nos sociétés dont le transfert de technologie en est l’aspect apparent doit beaucoup aux importants travaux sous l’angle de l’approche de l’anthropologie économique de l’économiste indien Nobel Amartya SEN où d’ailleurs selon cet auteur il ne peut y avoir de développement durable sans l’instauration  d’une véritable démocratie et la prise en compte de l’anthropologie des sociétés.  C’est que la culture nationale n’étant pas figée, mais évolutive fortement marquée par l’ouverture de la société sur l’environnement englobant l’ensemble des valeurs, est un constituant essentiel de la culture de gouvernement et d’entreprise et facteur du transfert technologique. Les expériences réussies du Japon, des pays émergents comme la Chine et l’Inde montrent que l’on peut assimiler la technologie sans renier sa culture. D’ailleurs, le transfert est favorisé lorsqu’il existe une meilleure compréhension des valeurs convergentes et divergentes qui s’établissent entre deux groupes et vouloir imposer ses propres valeurs, c’est établir une relation de domination qui limite le transfert.

Aussi, la culture d’entreprise par exemple, est un sous-produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés et un élément essentiel pour expliquer les choix stratégiques en renforçant les valeurs communes :exemple , les règlements de conduite , les descriptifs des postes, ainsi que par le système de récompense et de sanctions adopté afin que les salariés soient mobilisés et  qu’ils s’identifient à leur entreprise. Tout cela facilite le transfert de technologie qui ne doit pas se limiter à l’aspect technique, mais également à la bonne gouvernance locale et centrale, comme le montre l’indice de développement humain ou IDH ,  plus fiable que l’indicateur  utilisé, le PIB par habitant, développé en 1990 par l’économiste pakistanais Mahbub ul Haq et l’économiste indien, prix Nobel d’économie Amartya Sen traduit l’importance du développement humain. Et l’on doit  tenir compte en ce XXIème siècle de la quatrième révolution économique irréversible entre 2020/2030, avec l’avènement de la société de l’information, le monde étant devenu une maison de verre avec la révolution des télécommunications – Internet et de l’économie de la connaissance qui doit  imposer à l’Algérie  (État et entreprises) tant son adaptation qu’une surveillance active de son environnement national et international 

 2.-Les défis futurs de l’Algérie face à la révolution technologique

Les changements d’organisation périodiques démobilisent les cadres du secteur économique public, et même les investisseurs locaux et étrangers montrant clairement la dominance de la démarche administrative et bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique assistant à un gaspillage des ressources financières et à un renforcement de la dynamique rentière et bloque tout transferts de technologie. Le blocage essentiel de l’investissement local et étranger est le terrorisme bureaucratique qui se nourrit du manque de visibilité et de cohérence dans la réforme globale. En effet, cette situation est imputable fondamentalement au manque de visibilité et de cohérence dans la démarche de la réforme globale (absence de consensus politique et neutralisation des rapports de force) n’ayant jamais abordé une manière claire le futur rôle de l’Etat face aux mutations tant internes qu’internationales. En effet , les enjeux futurs étant essentiellement économiques, base de tout pouvoir, et comme dans tous les pays en transition la société algérienne se trouve naturellement confrontée à deux tendances lourdes, avec au milieu une majorité « le marais » qui ne comprend pas les enjeux, qui seront entre 2017/2020/2025 essentiellement économiques, entre les acteurs défavorables et les acteurs favorables aux réformes. D’où l’importance des dossiers éminemment politiques comme celui des hydrocarbures, lieu de la production de la rente, du système financier, lieu de distribution de la rente, et celui du partenariat-privatisation , couplé avec celui d’un système socio-éducatif performant ,lieu de la production de la plus value qui en dynamique engendrera de nouvelles forces sociales soit rétrogrades si l’on s’oriente vers un nouveau monopole privé, soit porteuses de progrès si l’on instaure une totale transparence pour une économie de marché véritablement concurrentielle. Le défi futur est d’avoir une vision stratégique qui fait cruellement défaut donc s’inscrivant  dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux ( sa place naturelle est dans l’espace africain et  méditerranéen tout en n’oubliant pas le continent Afrique), l’Algérie étant liée par un Accord pour une zone de libre échange avec l’Europe, désirant adhérer à l’organisation mondiale du commerce(OMC) qui constituent un choix stratégique inscrit dans le programme du Président de la République et qui a un impact sur toute la future politique socio-économique horizon 2020. Evitons des analyses dans la précipitation en donnant un montant global cumulé de 7 milliards de dollars de pertes dues au dégrèvement tarifaire alors qu’il faille donner le montant année par année pour ne pas induire  en erreur l’opinion publique. 

Certes, le  manque à gagner en droits de douane, du fait de l’accord d’association (libre-échange) avec l’Union européenne (UE)  pour l’année  2016,  au cours de 110 dinars un euro sont évaluées à  1,27 milliard de dollars en 2015 et 1, 09 milliard de dollars en 2016. Outre la question qui se pose cette baisse de prix  a atténué les prix à l’importation aux consommateurs  que peut exporter l’’Algérie en dehors des hydrocarbures qui représentent plus de 60% de ses exportations vers cette zone et idem vers l’Afrique au vu de  la situation embryonnaire du secteur productif. Force est de constater qu’au moment où les entreprises mondiales , grandes et PMI/PME s’organisent en réseaux, correspondant à une phase historique où l’entreprise, se concentrant  sur ses métiers de base en externalisant bon nombre d’activités secondaires, où l’industrie manufacturière connaît une crise rarement égalée au niveau mondial, l’Algérie continue de fonctionner sur des schémas périmées. L’on devra impérativement éviter des expérimentations théoriques avec des coûts faramineux pour le pays, l’expérience de ces micro unités de voitures dont la majorité risque la faillite à terme après avoir bénéficié des avantages fiscaux  et puisé dans les réserves de change  pour leurs composants , toute unité fiable  devant vivre à l’avenir sur son compte devises. En 2017,  l’Algérie importe presque tout et n’exportant presque rien sinon les hydrocarbures à l’état brut ou semi brut.  Que deviendra le pays si l’on n’a pas préparé dès maintenant l’ère hors hydrocarbures  devant  créer le cadre propice afin d’éviter des tensions sociales à terme pour  deux  raisons.  Première raison, la croissance de la population active, c’est-à-dire que le flux annuel de demandes d’emplois et une réduction du taux de chômage actuel implique un taux de croissance élevé pour atténuer à terme les tensions sociales. Il existe des lois économiques universelles applicables à tous les pays : le taux d’emploi dépend du taux de croissance et des structures des taux de productivité. On ne crée pas des emplois par des lois et décrets : c’est l’entreprise qui crée l’emploi. Or, Sonatrach ne créant pas d’emploi est déjà en sureffectifs.

Pour créer trois millions d’emplois, il faudra un taux de croissance entre 2017/2020  minimum de  7/8% minimum par an,  à moins que le gouvernement ait des solutions innovatrices loin des actions de distribution de salaires fictifs au nom de la solidarité ou des milliers de jeunes s’adonnent temporairement à désherber les routes ou à faire et refaire des trottoirs.  Les résultats des organismes chargés de l’emploi, ANDI l’ANSEJ autant que le CNAC,  sont mitigés malgré les nombreux avantages accordés. Or,  la population en âge de travailler augmente chaque année de près de 3,4. Deuxième raison, le  projet de loi de finances fait une projection sur les trois prochaines années sur la base d’un prix de référence du baril à 50 dollars en 2017, 55 en 2018 et 60 dollars le baril en 2019 avec un cours de la devise nationale de 108 dinars le dollar et une inflation moyenne de 4%. Le taux de croissance serait de 3,9% en 2017, de 3,6% en 2018 et de 4,3% en 2019. Dans son rapport du 11 janvier 2017 de la banque mondiale (BM), les prévisions de croissance pour l’Algérie sont en baisse, passant de 3,6% en 2016 à 2,9% en 2017,  2,6% en 2018 et 2,8% en 2019, en raison du  recul des dépenses dans les infrastructures, principal moteur de la croissance et du climat des affaires. Comparé aux dépenses sur la population, des pays similaires en voie de développement dépensant le 1/3 de l’Algérie ont des taux de croissance plus importants. Ces dépenses ont été rendues possible essentiellement grâce aux recettes exceptionnelles des hydrocarbures Qu’en sera-t-il si le cours stagnent à 50/55 dollars ou encore moins entre 40/45 dollars. Aussi, il y a donc risque de tensions sociales croissantes en cas d’amenuisement des ressources financières, ne posant certes  pas de problèmes pour trois  années devant utiliser minutieusement les 114  milliards de dollars de réserves de change fin 2016(1).

3 – Quelle conclusion : éviter  les utopies  

Etant une question de sécurité nationale, il y a urgence de corriger l’actuelle politique industrielle et de mieux articuler les institutions ministérielles, étant souhaitable que les dossiers  de la pétrochimie et  celui  des énergies renouvelables relèvent des prérogatives  tant en amont qu’à l’aval du Ministère de l’ Energie pour plus d’efficacité et de cohérence .  Par ailleurs, ne  faut-il pas s’attaquer à l’essence, c’est-à-dire à l’inefficacité de la dépense publique, vecteur de concentration des revenus au profit de couches spéculatives, qui ne peut qu’entraîner une détérioration plus poussée du pouvoir d’achat des Algériens. Il existe, pour l’Algérie,  des possibilités pour augmenter le taux de croissance du fait d’importantes potentialités, malgré la crise,  supposant une nouvelle gouvernance stratégique des institutions et des entreprises, parallèlement à la mise en place d’un nouveau modèle de consommation énergétique, thème que j’aborderai prochainement au niveau international(1).Les infrastructures, ayant absorbé l’essentiel de la dépense publique en Algérie  ne sont qu’un moyen du développement, et qu’il faille méditer l’expérience malheureuse de l’Espagne qui a misé sur ce segment qui a vu son économie s’effondrer car ayant négligé les technologies se fondant sur le savoir. C’est l’entreprise dans le cadre des valeurs internationales,  sans aucune distinction publique, privée nationale et internationale qui crée la richesse. Toute analyse opérationnelle devra relier le processus de transfert de technologie tant aux nouvelles mutations technologiques mondiales,   la crise actuelle devant entrainer un profond changement à la fois géopolitique, socio-économique, managérial et technologique horizon 2017/2030. Soyons pragmatique, personne n’ayant le monopole de la vérité, l’erreur étant humaine, mais la pire des erreurs est de continuer dans l’erreur,  Privilégions uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie et signe de la bonne gouvernance, sachons  écouter les avis divergents[email protected]

 (*) – Le professeur Abderrahmane Mebtoul expert international (Algérie) a été convié par le président exécutif  de l’Institut de la Méditerranée localisée à Barcelone  pour participer par une contribution  qui sera contenue  dans la quatrième édition de l’annuaire  IEMed de la méditerranée 2017. Cet annuaire  à diffusion mondiale, en arabe-anglais-français-espagnol- abordera  avec 60 éminentes personnalités internationales  , anciens et actuels ministres, experts en sciences politiques, militaires, économiques, juristes, historiens, sociologues, écrivains) des deux rives de la Méditerranée,  des sujets, intéressant la méditerranée et l’Afrique, géopolitiques, culturels, sociaux   et économiques.  Le professeur Abderrahmane Mebtoul étant par ailleurs membre du conseil scientifique du Forum Mondial du Développement Durable qui tiendra son 15ème Forum   à Paris le 13 mars 2017 où il  abordera le thème « Face  à la 4ème révolution économique mondiale, les axes de la transition énergétique de l’Algérie ». Voir également Interview du professeur Abderrahmane Mebtoul  à l’agence européenne- Bruxelles- Copyright Agence Europe © le 18/01/2017  « Algérie : agenda de rentrée chargé et perspectives d’une coopération  densifiée ».

 

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