Le dernier Café presse politique (CPP) de cette saison 3, enregistré pour l’occasion en direct et en public, mercredi 27 juillet, au siège d’Interface Médias, l’agence éditrice de Radio M à Alger, a rembobiné l’année politique écoulée en revenant sur trois grands thèmes qui ont rythmé toute cette saison le talk-politique de Radio M : le retour de Chakib Khelil et la corruption, la régression des libertés et le terrorisme.
Pour cette émission bilan, la présentatrice, Souhila Benali, a demandé aux journalistes présents « ce qui les a marqué cette année » ? « Ça a été une année difficile », a répondu Adlène Meddi, rédacteur en chef d’El Watan week-end, « du fait que l’on subisse toujours les effets du 4e mandat ». Le drame des migrants est aussi un événement marquant de cette année pour le journaliste qui déplore sa banalisation. « On a l’impression que l’on a perdu la capacité à avoir honte face à ce drame humain », a-t-il souligné.
Hacen Ouali, journaliste à El Watan, a lui aussi évoqué le 4e mandat en relevant que « le président Bouteflika entame sa 18e année au pouvoir». Quant à Ihsane El Kadi, directeur d’Interface Médias, l’agence éditrice du site Maghreb Emergent, et Abed Charef, journaliste politique, ils ont tous deux pointé « le retour de Khelil ». « Un scénario que l’on était à mille lieux d’imaginer au début de la saison du Café presse politique » a remarqué Ihsane El Kadi.
Car 2016 a bien été « l’année du retour de Khelil ». « Face à ce scandale qui n’en fini pas, c’est l’opinion qui a été juge et non la justice » a déclaré Souhila Benali en introduction de ce premier thème.
« La faute morale » Chakib Khelil
« Avec le retour de l’ancien ministre de l’Energie, c’est une digue moral qui a sauté » a répété Abed Charef. « Khelil nous dit que la justice en Algérie n’existe pas ». Voilà pour le plan éthique. Sur le plan politique à présent, « il a joué, selon moi, un rôle important » a poursuivi le journaliste, « il joue le rôle d’épouvantail en permettant que derrière tout un nouveau dispositif déterminant pour la prochaine décennie se mette en place ».
Pour Ihsane El Kadi, en 2015-2016, « l’Algérie a atteint le point extrême du retour du balancier, perceptible dans une sorte de panique qui s’est emparée du pouvoir ». Mais avec Chakib Khelil, le clan dominant a débordé, il a commis « une faute morale » a estimé le directeur d’Interface Médias.
« Qui a permis à Khelil de revenir ? Pourquoi ? Dans quel but ? Quels intérêts se cachent derrière ? Les questions essentielles demeurent sans réponse », a pointé Tarik Hafid, directeur du site d’information Impact 24.
Les libertés en recul ?
« Ce qu’il s’est passé après le 4e mandat a été très clair : on a sorti la matraque ! », a fait remarquer Adlène Meddi en soulignant que l’arrestation brutale du général à la retraite Hocine Benhadid, tout comme le procès d’El Khabar et les pressions sur El Watan, sont autant de messages envoyés à l’armée, la presse et l’opinion. « Le pouvoir est en train de gérer l’ingérable et ça produit de la tension qui s’abat sur la société » a analysé le journaliste. « La cascade de mesures violentes qui tombe vise à empêcher toutes voix dissonantes de se construire » a renchéri Hacen Ouali.
Un constat que ne partage pas Abed Charef qui estime ne pas assister à « une recrudescence dans la privation des libertés ». « Nous sommes dans un pays où un homme politique comme Ali Benflis ne peut pas tenir un meeting à Alger depuis 10, 15 ans et ça, ça n’a pas changé », a-t-il souligné. « Le pouvoir est en train de lancer de nouveaux acteurs qui vont le servir, il doit aussi en éliminer quelques-uns », a-t-il développé, « cela provoque des dégâts supplémentaires mais sur le fond, il n’y a pas de changement fondamental ».
« C’est vrai que nous sommes dans un régime autocratique et non démocratique » a poursuivi, dans le même ordre d’idée, Ihsane El Kadi. « Mais en dehors de ce plan d’analyse, ce qui s’est passé cette dernière année, avec l’entrée dans une phase de turbulence économique, c’est un changement dans le mode opératoire », a-t-il précisé.
Le terrorisme définitivement vaincu ?
Telle est la question qui a occupé la dernière partie du CPP. « Cette année marquera la 10e année sans attentat dans une grande ville du pays mais pour autant la menace terroriste est toujours là » a indiqué Akram Kharief, éditeur du site spécialisé en défense « Secret difa3 ». « C’est vrai que le caractère logistique du terrorisme est en état de déliquescence totale mais l’Algérie enregistre des tentatives quasi quotidiennes d’entrée sur le territoire donc non, nous n’avons pas encore vaincu le terrorisme » a estimé Akram Kharief.
« On nous a annoncé la fin du terrorisme en 2000, est-ce que c’est 16 ans plus tard, on a vaincu le terrorisme ? » a répondu, sceptique, Ihsane El Kadi. Même réponse mitigée chez Adlène Meddi qui a relevé que « l’Algérie a profité de l’évolution de la situation dans le Sahel mais laisse de l’autre côté de la frontière les groupes djihadistes et verra ensuite comment les éliminer ».
« L’année 2016 a été assez exceptionnelle en termes d’arrestation » a de son côté déclaré Tarik Hafid « mais quand on voit la prise d’armes, c’est assez effrayant ».
Cependant, regrette, Ihsane El Kadi, « l’Algérie a raté la possibilité d’être un géant dans la coopération de lutte contre le terrorisme » : « Nous avons tout fait avant les autres donc on aurait pu être le grand frère des pays arabes et vendre notre compétence ».
« Comment vendre l’expérience algérienne quand nous n’avons même pas tiré, nous-mêmes, les résultats de l’histoire » s’est exclamé Hacen Ouali. « On se rend compte que rien n’a été documenté sur la lutte anti-terroriste en Algérie et on se retrouve donc à réessayer des tactiques » a déploré Akram Kherief.
« Pour mettre fin au terrorisme, des solutions en Palestine, Syrie, Irak sont des conditions nécessaires » a, finalement, conclu Abed Charef en soulignant que « le terrorisme fait partie de la mondialisation ».
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