Le nouveau projet de constitution incite à « améliorer le climat des affaires ». C’est l’un des exemples qui montrent comment le président Bouteflika multiplie les gages, en direction des lobbies, juste pour les inciter à soutenir son projet de constitution.
Le président Abdelaziz Bouteflika a fait introduire, dans le nouveau projet de constitution, une série de mesures destinées à séduire des franges de la population, de lobbies et des corporations considérées influentes, en vue de les amener à soutenir son projet. La mesure la plus spectaculaire est contenue dans l’article, qui consacre désormais tamazight comme langue nation ale et officielle, en attendant d’en faire une langue de l’Etat algérien.
Le chef de l’Etat est familier de ces marchandages. Lors de la première révision de la constitution, il avait consacré tamazight comme langue nationale, ce qui avait permis de calmer les esprits dans la foulée des évènements de Kabylie. En 2008, pour s’ouvrir la voie vers un troisième mandat, il avait introduit une clause garantissant une forte présence des femmes au parlement, en contrepartie de la suppression de la clause limitant le nombre de mandats à deux.
Il ne déroge pas à la règle, cette fois-ci, selon une lecture du projet de constitution tel que présenté par son directeur de cabinet, M. Ahmed Ouyahia. Dans sa démarche il veut brasser tellement large que certaines dispositions apparaissent totalement superflues. Elles n’ont pas leur place dans une constitution.
Interdire le nomadisme politique
Ainsi, à l’adresse du patronat, l’article 37 énonce que « l’Etat œuvre à améliorer le climat des affaires ». L’article 54 bis prévoit que « l’Etat encourage la réalisation des logements » et « œuvre à faciliter l’accès des catégories défavorisées au logement ».
Il veut aussi, à travers l’article 100 ter, empêcher le « nomadisme politique», une revendication récurrente du Parti des Travailleurs de Mme Louisa Hanoun. Cette clause l’énonce clairement: « est déchu de plein droit de son mandat électif l’élu de l’Assemblée Populaire Nationale ou du Conseil de la Nation, affilié à un parti politique, qui aura volontairement changé l’appartenance sous l’égide de laquelle il a été élu ». Par contre, quitter son parti sans en rejoindre un autre n’a pas le même effet. « Le député qui aura démissionné de son parti ou en aura été exclu, conserve son mandat en qualité de député non affilié », selon le même article.
A l’adresse des journalistes, le projet de constitution indique, dans son article 41 ter, que « le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté ».
Opposition parlementaire contre premier ministre
En présentant le texte, M. Ouyahia a longuement insisté sur la place faite à l’opposition parlementaire. Celle-ci se voit consacrer une séance par mois, durant laquelle est débattu un ordre du jour de son choix. Cela ne pèse guère dans la décision politique, mais la clause peut toujours séduire nombre de députés et sénateurs.
De manière plus générale, le parlement se voit accorder la possibilité de contester la politique du premier ministre, et même de le réfuter. Pourtant, le président ne lâche rien sur l’essentiel : le premier ministre n’a aucun pouvoir, et le parlement n’a aucune possibilité de contester le chef de l’Etat.
Les islamistes ne sont pas oubliés. Le préambule consacre la réconciliation nationale comme faisant partie de l’histoire de l’Algérie. Le peuple algérien « a souverainement décidé de mettre en œuvre une politique de paix et de réconciliation nationale qui a donné ses fruits et qu’il entend préserver ». En contrepartie, le texte réaffirme que l’Algérie veut bâtir «un Etat démocratique et républicain», qui « consacre l’alternance démocratique par la voie d’élections libres et régulières».
Quant à la CNTLD, elle est prise de vitesse sur sa revendication d’une commission indépendante chargée de superviser les élections. Le nouveau texte lui couper l’herbe sous les pieds, en créant, dans la constitution, « une Haute instance Indépendante de Surveillance des élections ». L’article 170 bis se paie le luxe d’énoncer que « les pouvoirs publics en charge de l’organisation des élections sont tenus de les entourer de transparence et d’impartialité ».