Qui sont les perdants et les gagnants de la mondialisation? La renégociation des termes de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) voulue par Donald Trump va-t-elle ouvrir un nouveau chapitre?
La mondialisation ne cesse de faire débat et ce depuis que ce terme connaît la popularité que l’on sait. Remarquons d’abord que les premières discussions étaient plutôt d’ordre académique. Au début des années 1990, les économistes et les chercheurs s’interrogeaient sur la réalité concrète de cette transformation de l’économie globale.
Vint ensuite la crise asiatique (1997) et les protestations populaires contre les projets de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) avec, notamment, les manifestations de Seattle en 1999. Dès lors, la mondialisation est devenue aussi une affaire d’opinions publiques et donc, de discours politiques.
Gagnants et perdants
La question habituelle est connue : la mondialisation est-elle heureuse ? En réalité, le questionnement a quelque peu évolué et c’est tant mieux. Aujourd’hui, la question fondamentale est la suivante : pourquoi la mondialisation n’est-elle pas heureuse pour tous ? Pourquoi crée-t-elle autant d’inégalités quand tant d’heureux élus en profitent aussi largement.
Les gagnants sont plus ou moins identifiés. Il s’agit d’acteurs dans les activités où les frontières ne sont plus (ou presque). Voilà déjà plus de deux décennies qu’ils tirent leurs épingles du jeu à l’image du secteur financier. Plus encore, c’est le cas des grandes multinationales et leurs cortèges de cadres qui sillonnent le globe ou pour qui une vidéo-conférence matinale avec des collègues d’Asie et d’Amérique est une routine.
Les perdants sont, entre autres, celles et ceux qui vivent du mauvais côté des flux économiques. On le sait, l’une des caractéristiques de la mondialisation est que l’on assiste à d’importants déséquilibres entre zones de production et de consommation. Les premières sont incapables de capter une part plus importante de la valeur ajoutée de ce qu’elles produisent pour des marchés extérieurs.
De même, dans les zones de consommation, la délocalisation d’activités vers des sites de production à bas coûts entraine la dégradation du marché de l’emploi et la hausse des inégalités. Les défenseurs de la mondialisation estimaient que ce déséquilibre ne durerait pas et que les bienfaits des échanges commerciaux ouverts profiteraient à tous. Ils reprenaient en cela la théorie de David Ricardo (1772-1823) mais la réalité est différente.
Certes, la mondialisation contribue à faire sortir des pans de populations de la pauvreté comme c’est le cas en Chine. Mais les classes moyennes, elles, sont durement affectées y compris dans les zones de consommation que sont l’Europe ou l’Amérique du nord. Pour y remédier, des économistes avancent les pistes de relocalisations partielles. Dans un contexte où les discours sur le protectionnisme sont polarisants, il s’agirait d’un compromis destiné à atténuer les bouleversements engendrés par la globalisation.
Le poids des multinationales
Le problème dans l’affaire, c’est que l’on voit mal comment obliger les multinationales à sortir de leur schéma actuel d’organisation mondiale de leur production. On sait ainsi que plus de 40% du commerce mondial est le fait des échanges intra-firmes, autrement dit les échanges entre filiales d’une même multinationale.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) demeure réticente à toute entrave aux échanges tandis que l’Union européenne (UE) se contente de vagues projets d’études pour promouvoir le « made in Europ » sans trop remettre en cause le dogme du commerce ouvert.
Le dossier va peut-être évoluer en août prochain lorsque les Etats Unis, le Canada et le Mexique vont se retrouver pour rediscuter les termes de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena). Si, d’aventure, Washington impose des tarifs douaniers à son voisin mexicain (pour inciter aux relocalisations), un nouveau chapitre de la mondialisation sera certainement ouvert.