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Pourquoi Mahjoub Bedda ne sait pas qu’il a critiqué le modèle Bouteflika de la dernière décennie

Par Maghreb Émergent
juillet 14, 2017
Pourquoi Mahjoub Bedda ne sait pas qu’il a critiqué le modèle Bouteflika de la dernière décennie

 

Dans sa chronique hebdomadaire d’El Watan, El Kadi Ihsane est remonté aux sources doctrinaires qui font que la critique de l’import-substitution va plus loin que la critique d’une mesure d’urgence. 

 

Le nouveau ministre de l’Industrie et des mines  Mahjoub Bedda  pensait, cette semaine, avoir remis en cause une fausse option de substitution aux importations de son prédécesseur au poste. Il ne le sait pas, mais il a remis en cause l’inclinaison économique de l’Algérie de Bouteflika de ces dix dernières années. De quoi s’agit-il ?  Il s’est avéré, mais nous le savions déjà, que la politique d’assemblage automobile en SKD couplée aux quotas d’importation, initiée par Abdeslam Bouchouareb, dégage, au moins à ses débuts, une balance devises et emplois, plus dégradée que l’ancienne, celle du tout importation ouverte.  La réponse pavlovienne de Mahjoub Bedda est d’étendre les quotas à l’importation des kits pour brider la vente des véhicules assemblés en Algérie qui ne seraient finalement que des véhicules importés en mode déguisé.  Le modèle d’affaires de l’assemblage industriel en Algérie n’y survivrait bien sur pas. Ce dont on besoin les plates-formes industrielles dans le monde globalisé ce sont des économies d’échelle et donc des tailles de production les plus grandes possibles.  Il y’a de la place pour de la petite cavalerie. Mais elle se démonte vite sur un champ de bataille. TMC à Tiaret peut disparaître en un clin d’œil à ce jeu.  En vérité, le ministre de l’Industrie ne comprend pas qu’il butte sur les limites de la doctrine économique de Bouteflika depuis que les prix  hauts du pétrole l’ont euphorisé en 2006 et que la crise financière mondiale lui a offert un alibi de repli en 2008-2009.  Le trafic d’influence du ministre sortant de l’Industrie ne doit pas obstruer la lecture de son option de politique publique. L’Algérie ne pouvait pas espérer faire beaucoup mieux, sur le court terme, dans cette direction de la substitution aux importations. Elle a depuis dix ans opté pour garder une part plus grande dans le pays, du gâteau de la création de la valeur ajoutée provenant du reste du monde. Garder en Algérie plus de dividendes générés par les investissements directs étrangers (IDE).  Au risque de tarir ces IDE et de ralentir la croissance du gâteau et donc la part du gâteau  qui doit rester en Algérie. Mahjoub Bedda a le nez penché sur le niveau des importations de l’assemblage automobile. Tout comme Bouteflika l’avait, en 2008, sur le niveau des rapatriements des dividendes de Djezzy.  Le 51-49 qui en est né est une invitation sournoise à produire à l’étranger et vendre en Algérie. Cela  ne pouvait pas ne pas continuer sous « la politique » de substitution aux importations de Abdeslam Bouchouareb. En particulier lorsqu’elle était assortie d’un droit de passage privatif.

 Pourquoi le Maroc peut mieux intégrer 

 L’alternative au modèle des « importations déguisées » sous atelier d’assemblage, dénoncé par le ministre de l’Industrie est connue. Elle peut être risquée, déséquilibrée, elle est surtout exigeante et nécessite du souffle de long terme. Pour rester sur la filière automobile, l’alternative caricaturale à la démarche  subtit-import  en SKD patrimonial, est une démarche de quasi off-shore tournée vers l’exportation. C’est, pour rester près, le grand pôle de Mekioussa au sud de Tanger au Maroc qui, après Renault,  a attiré Peugeot et un tissu mondial de sous-traitance.  Dans un modèle non patrimonial de l’Etat marocain. Les actions appartiennent quasi totalement à l’investisseur étranger,  les avantages fiscaux sont exceptionnellement attractifs et le dumping social très agressif. Modèle territorial. Le Maroc est aujourd’hui considéré comme une plate-forme d’exportation des produits industriels dans la nomenclature de l’OCDE.  Il faut bien sur attendre la suite de l’histoire pour épiloguer.  Les Marocains veulent agrandir la part du gâteau pour commencer à faire croitre la part, trop infime au début, qui devrait leur revenir en revenus souverains et en emplois durables. L’Algérie n’a bien sûr pas besoin d’aller aussi loin dans l’effeuillage.  Sa parité de monnaie et ses prix de l’énergie à eux seuls la maintienne compétitive pour les IDE. A condition de ne pas vouloir garder d’entrée en Algérie 51% des dividendes. Renault peut négocier un partenariat avec SNVI pour assembler à Oran des véhicules d’entrée de gamme. Ses plus grands équipementiers vont attendre une échelle de production critique pour venir s’installer en Algérie, s’ils trouvent un jour des partenaires algériens pour le 51%  Les autres équipementiers de moindre taille ne viendront jamais. Est-ce que le tissu industriel algérien peut, seul, faire passer l’intégration locale de Renault à Oran ou de VW à Relizane à 20% les cinq prochaines années ?  Il le fera à coup sûr autour d’une plate-forme de grande échelle de production tournée autant vers le marché domestique – dont la capacité d’absorption s’est durablement rétractée- que vers le reste du monde. Dans l’option actuelle dont l’objectif d’urgence est de réduire les paiements extérieurs, l’incitation à importer reste économiquement la plus forte. Et les chiffres du commerce extérieur, qui ne mentent pas, le confirment.  L’incitation à produire est un impensé tenace des années Bouteflika. Pourquoi ? Parce que ses bons effets ne reviennent qu’au-delà de l’horizon temporel d’un mandat présidentiel.

 Le renfort des IDE pour exporter

Les gouvernements algériens successifs prennent le contre choc pétrolier par le mauvais bout. Celui de l’urgence du rétablissement des comptes extérieurs. Impasse. L’autre solution, celle de la diversification de l’économie passe par les exportations, qui passent, entre autres, par une autre intégration dans la chaine mondiale de valeur que celle qui instaurée par la loi de finance complémentaire de 2009.  Sortir du 51-49  «universel » pour entamer un retour dans l’économie mondiale, se remettre à attirer les IDE qui boudent l’Algérie : inciter à vraiment produire en Algérie parce qu’exporter à partir de ce territoire est un atout. Des groupes industriels algériens s’y sont mis : Cevital, Condor, Amor Benamor,  General Emballage,  Biopharm, Merinal et d’autres. Lafarge Holcim va se mettre à le faire en 2018. Le renfort des IDE pour aller vers le monde à partir des usines algériennes n’est pas facultatif. Il est essentiel. Tous les modèles exportateurs qui diversifient les tissus industriels l’ont fait ainsi chez les émergents. Moitié marques locales, moitié  Multinationales attirées dans le pays, pour exporter. Même la Chine et son gigantesque marché domestique obéit à cette règle.  Le gouvernement algérien peut toujours rétorquer qu’il a réussit à attirer Renault et VW en Algérie.  Pour être sérieux, il faut comparer Renault à Oran avec Renault à Tanger et le VW de Relizane avec celui du Brésil ou du Mexique.  Le retour dans l’économie monde est la seule urgence de la conjoncture Algérienne des déficits.  

 

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