Alors que les ménages peinent à boucler leurs fins de mois en raison de la cherté de la vie, les autorités du pays estiment que le pouvoir d’achat des Algériens s’est amélioré ces cinq dernières années.
Signe de cette amélioration, le revenu disponible des ménages « est passé de 14 851 milliards de DA en 2019 à 22 710 milliards de DA en 2024 », a indiqué vendredi dernier Kamel Meraghni, directeur général de la prévision et des politiques au ministère des Finances. Selon lui, cette « augmentation significative » reflète une nette amélioration de leur pouvoir d’achat ».
Dans le même sens, la consommation finale des ménages a connu une hausse, passant de près de 9 800 milliards de DA en 2019 à plus de 15 000 milliards de DA en 2024. Entre 2021 et 2023, le revenu des ménages a progressé de plus de 13 %, tandis que le taux d’inflation est resté autour de 9 % sur la même période. Cette évolution aurait permis, selon Meraghni, « une augmentation du revenu réel disponible pour les dépenses ».
En parallèle, l’épargne des ménages après consommation ont atteint 7 600 milliards de DA en 2024, portant le taux moyen d’épargne des ménages à 33,6 %, tandis que le taux de consommation s’est stabilisé autour de 65 %. Ces chiffres, selon le responsable, « témoignent d’une des conditions économiques des ménages algériens, traduisant une augmentation de leur pouvoir d’achat, de leur capacité de consommation et de leur propension à épargner ».
Meraghni a également mis en avant les mesures prises ces dernières années : augmentations des salaires, des pensions de retraite, de l’allocation chômage et des bourses universitaires.
Une réalité quotidienne plus contrastée
Cependant, la réalité du quotidien pour les ménages algériens semble bien différente de ces affirmations officielles. Une simple visite au marché suffit à constater l’ampleur de l’effondrement du pouvoir d’achat.
Par exemple, le prix de la viande représente environ un dixième du SMIG malgré les mesures gouvernementales pour réduire les coûts. Certains fruits, comme la poire, sont devenus inaccessibles pour de nombreux citoyens, atteignant plus de 600 DA le kilo sur les étals.
De même, bien que le gouvernement ait plafonné son prix, le café reste considéré comme cher par une grande partie de la population. Quant aux produits électroménagers ou aux véhicules, leurs prix continuent de flamber.
La Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA) avait d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme il y a quelques années, alertant sur la crise socio-économique et l’effondrement du pouvoir d’achat.
Selon une étude menée par ce syndicat, un Algérien devrait percevoir un salaire minimum de 81 000 DA pour couvrir ses besoins mensuels et mener une vie décente. Or, la majorité des travailleurs touchent en moyenne autour de 50 000 DA, un écart significatif qui explique les difficultés rencontrées par les ménages pour rejoindre les deux bouts.
Cette tension est exacerbée par une inflation persistante, alimentée par les répercussions de la pandémie de COVID-19 et les perturbations des marchés mondiaux. Bien que l’optimisme du gouvernement repose sur des données chiffrées, leur fiabilité reste en manque de fiabilité.
Les limites des statistiques officielles
Pour de nombreux économistes, l’Algérie, où l’économie informelle joue un rôle prépondérant, ne dispose pas de statistiques fiables permettant de mesurer précisément la réalité économique. « On n’a pas de bases d’analyse solides. Le revenu peut augmenter, mais si le coût de la vie progresse plus vite, cela annule tout gain réel », explique un expert en économie consulté par Maghreb Émergent.
Selon lui, « le coût de la vie, c’est l’inflation réelle et il peut évoluer plus vite que le revenu ». L’économiste appelle à la réalisation d’enquêtes sérieuses auprès des ménages, comme celles menées par certains syndicats avec des moyens limités, afin d’obtenir des données plus représentatives. « En l’absence de telles enquêtes, les chiffres avancés par le gouvernement restent déconnectés de la réalité du terrain », constate notre interlocuteur.
Le fossé entre les statistiques officielles et les réalités vécues au quotidien par les Algériens met en lumière les défis persistants d’une économie où les ménages, confrontés à la flambée des prix, luttent pour préserver leur pouvoir d’achat.